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La Russie et l’Iran ripostent à Washington: soutien militaire accru à la Syrie

La Russie et l’Iran ripostent à Washington: soutien militaire accru à la Syrie
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Par Samer R. Zoughaib

En bombardant l’aéroport militaire syrien d’al-Chouayrat, dans la nuit du jeudi 6 au vendredi 7 avril, les Etats-Unis ont mélangé les cartes… mais dans le mauvais sens. Le premier résultat de cette agression a été un renforcement de l’alliance entre la Russie, l’Iran et la Syrie.

La Russie et l’Iran ripostent à Washington: soutien militaire accru à la Syrie

Il faut évaluer à sa juste mesure le tir de 60 missiles Tomahawks américains contre la base aérienne d’al-Chouayrat, près de Homs. Il ne s’agit pas d’une «mise en scène» ou «d’une frappe symbolique», comme l’ont affirmé certains experts. C’est une escalade militaire sans précédent, dirigée contre la Syrie, la Russie et l’Iran, véhiculant un message politique porté par des missiles de croisière.

Cette agression est la mise en œuvre de ce qu’il convient d’appeler la «doctrine Mattis». Le secrétaire américain à la Défense, James Mattis (surnommé le chien fou), pense qu’il faut passer à l’action militaire rapidement pour faire face aux défis, puis ensuite s’asseoir à la table des négociations, contrairement à Barak Obama, qui privilégiait la négociation et reléguait au second plan l’option militaire.

Dans ce contexte, le président Donald Trump et son administration ont montré le peu d’égard qu’ils portent à la loi internationale. Sans même chercher à présenter des preuves de l’implication présumée des forces gouvernementales syriennes dans l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, ils ont lancé une attaque unilatérale, sans mandat légal international, et sans consulter le Congrès. Même George W. Bush n’a pas osé le faire. Avant d’envahir l’Irak, en 2003, l’ancien président américain avait envoyé son secrétaire d’Etat Colin Powell au Conseil de sécurité, pour présenter «des preuves», dans l’espoir d’obtenir un mandat onusien. Certes, toutes les preuves se sont avérées fausses et fabriquées, mais Bush a quand même essayé. Trump, lui, ne s’est même pas donné la peine de «faire semblant».

Cette attitude est un signal fort de la façon de penser de cette administration.

L’agression montre aussi que les marges de manœuvre du président américain vis-à-vis de l’establishment militaro-sécuritaire aux Etats-Unis sont beaucoup moins importantes que ne le pensaient les experts. Mis sous pression dans l’affaire des contacts pré-électoraux présumés de son entourage avec des officiels russes, Trump, qui s’enorgueillit de ne pas être sensible aux médias, a prouvé qu’il était un président sage et docile. Il a caressé les médias dans le sens du poil, et a adopté, en l’espace de 24 heures, un discours sur la Syrie et le président Bachar al-Assad diamétralement opposé de celui qu’il utilisait depuis des mois.

Les objectifs stratégiques de l’agression

Donald Trump, qui a longtemps fustigé la «faiblesse» de Barak Obama, s’est retrouvé dans une situation identique à celle où se trouvait son prédécesseur en août 2013, lors de l’attaque chimique de la Ghouta orientale. Il est donc tombé dans son propre piège et se devait d’agir pour ne pas être accusé de mollesse.

Mais au-delà des considérations personnelles, les frappes américaines avaient les objectifs stratégiques suivants:

-Envoyer un message à la Russie sur le fait qu’elle n’est plus seule sur la scène syrienne et que, désormais, elle devait compter avec une «Amérique forte», qui n’hésitera pas à montrer ses muscles.

-Cet étalage de force devrait permettre aux Etats-Unis d’être dans une situation plus confortable à la table des négociations avec les Russes.

-L’utilisation de la force militaire contre l’Etat syrien redonnerait espoir aux alliés régionaux des Américains, qui commençaient à établir leurs propres agendas, et à faire cavalier seul. Le resserrement des liens permettrait aux Etats-Unis d’aller de l’avant dans leur projet de création d’une «Otan arabe», principalement dirigée contre l’Iran.

-Réaliser l’un des principaux objectifs d’«Israël», qui est de réduire l’influence de l’Iran en Syrie.

Riposte rapide de l’axe de la Résistance

Il ne fait pas de doute que l’agression américaine complique davantage la situation en Syrie, en y incluant un nouveau paramètre que tous les acteurs devront désormais prendre en compte. Cependant, les dirigeants américains ont commis une «erreur stratégique», comme l'a déclaré dimanche 9 avril le leader de la Révolution iranienne, l'Ayatollah Ali Khamenei. En effet, le premier résultat de l’agression a été de rapprocher davantage la Russie et l’Iran, qui ont pris la décision de riposter à l’attaque en renforçant leur soutien militaire à l’Etat syrien. Moscou, qui était disposé à négocier une solution politique avec Washington, a pris une série de mesures immédiates visant à empêcher les Etats-Unis de modifier le rapport de force en exploitant les frappes contre al-Chouayrat. Les Russes ont ainsi suspendu le protocole de coordination militaire conclu avec le Pentagone, ce qui aura pour effet de compliquer les interventions de l’aviation américaine au-dessus de la Syrie. Ils ont aussi décidé de renforcer les défenses anti-aériennes syriennes et de remplacer le matériel détruit.

En outre, le président russe Vladimir Poutine et son homologue iranien Hassan Rouhani se sont entretenus dimanche au téléphone à ce sujet et ont convenu que les «actes agressifs» des Etats-Unis contre la Syrie étaient «inacceptables», selon le Kremlin.

Auparavant, les chefs d’état-major russe, Valery Guerassimov, et iranien, Mohammad Hussein Baqeri, ont convenu, lors d’un entretien téléphonique, de renforcer leur coopération pour «combattre le terrorisme». Les chefs des deux armées ont estimé que «les frappes américaines constituaient une agression contre un  pays indépendant et visaient à ralentir les victoires de l’armée syrienne et de ses alliés et à remonter le moral des terroristes». «Le soutien de la Russie et de l’Iran au gouvernement et à l’armée syrienne se poursuivra jusqu’à la défaite des terroristes et de ceux qui les soutiennent», ont déclaré les deux généraux. 

Dans ce contexte, le centre de commandement conjoint des alliés de Damas (qui regroupe la Russie, l'Iran et les forces supplétives) a promis dimanche d'apporter un soutien accru à l'armée syrienne. Dans un communiqué, les alliés accusent Washington d'avoir franchi une «ligne rouge» en bombardant la Syrie.

L'alliance, dit un communiqué, s'engage à «répondre à partir de maintenant avec force à tout agresseur ou toute violation de la ligne rouge par qui que ce soit». «L'Amérique connaît notre capacité à répondre comme il se doit», ajoute-t-elle en qualifiant d'«illégale» la présence de soldats américains dans le nord de la Syrie, qu'elle qualifie de «forces d'occupation».

Dans ce prolongement, le président iranien Hassan Rohani avait apporté son soutien au président Bachar al-Assad lors d'un entretien téléphonique samedi soir et avait de nouveau condamné «l'attaque américaine». «La République islamique d'Iran estime que l'attaque américaine est une violation des règles internationales et de la charte des Nations unies et la condamne, a affirmé M. Rohani. Le peuple iranien sera au côté du peuple syrien dans la lutte contre le terrorisme et pour défendre l'intégrité territoriale de la Syrie».

La synchronisation des positions entre la Russie et l’Iran et la décision d’accroitre leur soutien militaire est le premier résultat de l’agression américaine. Sur le terrain, elle devrait se traduire, dans les jours et les semaines à venir, par une intensification des opérations militaires contre les groupes terroristes, y compris ceux qui sont soutenus par les Etats-Unis.

Sur un plan pratique, la base d’al-Chouayrat est de nouveau opérationnelle et des avions ont pu en décoller. Ceci annule totalement les effets secondaires des Tomahawks américains. Pour justifier l’échec de la frappe, le président Trump a précisé sur son compte Twitter que la piste de l'aéroport n'était pas la cible du bombardement car «les pistes sont faciles et peu coûteuses à réparer».

Source : French.alahednews

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