noscript

Please Wait...

Trois visites pour deux objectifs…

Trois visites pour deux objectifs…
folder_openAnalyses access_time depuis 13 années
starAJOUTER AUX FAVORIS

Par Soraya Hélou

On le disait isolé et le voilà qui réapparaît au Caire et à Paris et bientôt dans d’autres capitales européennes. Le chef des Forces libanaises Samir Geagea a entamé depuis quelques jours une offensive politique et diplomatique d’envergure, poursuivant à partir des tribunes internationales sa campagne contre les armes du Hezbollah et justifiant à l’avance une éventuelle agression israélienne. Promu interlocuteur chrétien du 14 mars, Samir Geagea a été reçu par le président égyptien Hosni Moubarak et par le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa qui a même été jusqu’à le qualifier de « penseur », avant d’être reçu au Quai d’Orsay par le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner ( lequel est dit-on en France en voie d’être remplacé dans le cadre du remaniement ministériel que compte effectuer le président français à l’automne). Cette tournée arabe et européenne du chef des Forces libanaises soulève de nombreuses questions: à quel titre le chef d’un parti ou d’une formation est-il reçu par des dirigeants arabes et européens et comment peut-il se permettre de soulever à partir des tribunes étrangères des questions internes libanaises ? On se souvient des critiques violentes adressées par le même Samir Geagea au général Michel Aoun en raison de ses visites à Damas, à Téhéran et dans des pays européens, se demandant comment il est reçu de cette façon alors qu’il n’est pas mandaté par les institutions officielles. Mais Aoun est au moins le chef d’un bloc parlementaire important alors que Geagea n’est que le chef d’un parti, qui a fait l’objet de plusieurs condamnations judiciaires avant le vote de la loi d’amnistie en 2005.
Selon des sources diplomatiques, une partie étrangère influente serait intervenue auprès des autorités égyptiennes et européennes pour organiser cette tournée de Geagea. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la tournée du chef des FL a eu lieu en même temps que la visite du patriarche Sfeir en France et celle de Nadim Gemayel aux Etats-Unis. Indépendamment de la différence d’importance de ces trois visites, chacune ayant sa signification propre, elles visent essentiellement à maintenir une forte pression sur la résistance et ses armes. D’ailleurs, ces trois personnalités (en dépit de leur différence d’importance) ont tenu le même langage au sujet de la nécessité de placer les armes du Hezbollah sous le contrôle de l’Etat et de donner la priorité absolue aux institutions publiques libanaises. Il s’agirait donc d’une nouvelle campagne internationale et plus particulièrement américano-israélienne pour mettre en difficulté le Hezbollah, après toutes les autres tentatives depuis l’adoption de la résolution 1559, jusqu’aux menaces répétées, en passant par la guerre de 2006, les troubles internes et la carte du Tribunal spécial pour le Liban. Si elle n’a pas vraiment de portée interne, les personnalités n’ayant pas une représentativité décisive sur la scène locale, elle  permet toutefois de contester la légitimité du Hezbollah et de sa résistance devant les tribunes internationales, détournant quelque peu l’attention de l’opinion publique internationale du scandale de la tragédie de la « flotille de la liberté ».
Elle vise aussi à renflouer, sur le plan interne, des parties qui ne se sont pas vraiment imposées au cours des dernières élections municipales. Ce qu’il faut aussi relever dans cette triple offensive diplomatique et politique c’est qu’elle est effectuée par des parties chrétiennes, le patriarche maronite qui est le chef de cette Eglise au Liban et dans la région, le chef des Forces libanaise qui se présente comme un leader maronite et Nadim Gemayel, fils de l’ancien président et fondateur des FL, qui reste un symbole pour la rue chrétienne. C’est un peu comme si on voulait dire que les chrétiens sont favorables à la contestation des armes du Hezbollah. En même temps, on cherche à annuler l’autre composante chrétienne, qui a effectué des choix stratégiques sur le plan national et arabe, représentée par le général Michel Aoun. Mais être reçu par le président égyptien ou même par le président français, suffit-il à donner une légitimité interne et à modifier l’équation politique libanaise ? Il est clair que ceux qui ont préparé ces trois visites, et qui sont probablement les mêmes pour les trois, ont deux objectifs : le premier destiné à la scène chrétienne libanaise et le second visant à dénigrer le Hezbollah pour maintenir la pression sur lui, en attendant peut-être "la publication de l’acte d’accusation du TSL".
Le patriarche Sfeir a accompli une visite spectaculaire en France qui reste un symbole pour les chrétiens du Liban, même si une grande partie d’entre eux ont dépassé depuis longtemps l’image de la « tendre mère française », Gemayel a été reçu à Washington un peu comme une confirmation de son rôle par ailleurs assez effacé sur la scène interne et Geagea, celui qui a le plus besoin d’être reçu dans le monde arabe et international, pour effacer son lourd passé a été reçu par Hosni Moubarak et par des responsables européens. Le schéma est clair. Les Libanais sont-ils dupes ? Il n’y a pas d’échéance électorale pour pouvoir se prononcer, mais la mobilisation avec Gaza suite à la tragédie de la « flotille de la liberté » est déjà un indice du sentiment populaire libanais…

//