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Municipales: entre familles et partis politiques…

Municipales: entre familles et partis politiques…
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Par Soraya Hélou

Finalement, la première partie des élections municipales a bel et bien eu lieu et dans l’ensemble du Mont-Liban, le taux de participation a été globalement satisfaisant, dépassant les soixante pour cent à Jbeil par exemple et restant aux alentours de 25% dans d’autres localités où la bataille était pratiquement jouée d’avance.
Avant d’analyser les résultats, il faudrait sans doute rappeler que depuis le mois de décembre, le flou était savamment orchestré autour du sort de ces élections. Les milieux politiques laissaient entendre en privé que la tendance était à leur report, provoquant ainsi une sorte de démobilisation de nombreuses parties politiques. Finalement, la décision officielle a été annoncée deux semaines avant le rendez-vous du scrutin, après le rejet de la plupart des amendements proposés à la loi en vigueur.
Il a fallu ainsi aux parties qui souhaitaient participer à ce scrutin, refaire leurs calculs, étudier le terrain et voir les possibilités d’alliances dans un temps record. Au point que certaines d’entre elles se sont demandées si le flou n’avait pas été si savamment entretenu pour les empêcher de bien se préparer et pour les pousser à conclure des ententes au lieu de se lancer dans des batailles hâtives et mal préparées.
Le résultat a d’ailleurs été concluant puisque dans de nombreuses localités du Mont-Liban, les différentes parties ont préféré former des listes de coalition pour ne pas raviver les tensions électorales. Finalement, il y a eu quelques batailles féroces à Jbeil, à Hadath, à Deir el Kamar pour citer quelques exemples, mais peu de changements décisifs dans le rapport de forces.
Loin du fracas des discours politiques, où chaque partie veut s’approprier la victoire, une lecture à froid des résultats montre ainsi que le CPL a gagné une présence au sein des municipalités de la plus grande partie des localités du Mont-Liban, tantôt en remportant des listes complètes, tantôt en effectuant des percées, tantôt à travers les listes de coalition et tantôt encore à travers des sympathisants. Rappelons qu’au cours des municipales de 2004, les parties en présence n’osaient pas s’allier au CPL. Par conséquent, celui-ci avait obtenu une place limitée dans les localités.
Ce n’est désormais plus le cas, puisque, selon ses propres estimations, il a obtenu 800 membres de conseils municipaux sur 3055, répartis sur la plupart des localités du Mont-Liban. Autre constatation, l’ancien vice-président du Conseil Michel Murr a effectué un come back politique après la quasi défaite essuyée lors des législatives de 2009. Il s’est imposé comme une force incontournable au Metn, nouant les alliances et décidant de la bataille selon sa parfaite connaissance du terrain. Ses détracteurs d’hier et d’avant-hier étaient heureux de s’allier avec lui et lui-même a fait des concessions acceptant pour la première fois une liste de coalition dans son fief de Bteghrine.
Le parti kataëb a aussi confirmé sa présence au Metn, en remportant par exemple la municipalité de Bickfaya, village natal de son fondateur Pierre Gemayel et d’autres municipalités relativement importantes comme celle de Sin el Fil, où il y avait quatre aounistes sur la liste) et de Hazmieh. Les Forces libanaises elles, ont surtout mené une bataille d’arrière garde, refusant de se mettre en avant et cherchant essentiellement à s’imposer comme une force disciplinée capable de véhiculer des voix, tout en remportant des sièges municipaux dans le cadre d’alliances « impensables « comme avec le PSNS à Dbayé ou avec le CPL à Jounieh… Le but étant d’infiltrer les municipalités…et de circonscrire l’influence du CPL.  Farès Souhaid qui a mené une bataille d’une rare violence dans son fief de Kartaba a gagné la municipalité de son village et il a aussi enregistré des victoires dans certaines localités du caza de Jbeil.
Mais c’est surtout dans la ville-même de Jbeil que la bataille a pris des tournures politiques. Deux listes se sont affrontées, l’une appuyée par le 14 mars et selon ses adversaires par les proches du président de la République, et la seconde appuyée par le CPL. C’est la première qui a gagné poussant les analystes du 14 mars à affirmer qu’il s’agit d’une défaite cuisante pour le général Aoun. Par contre à Hadeth, où la bataille était aussi politique, entre une liste appuyée par le 14 mars et une autre du CPL, c’est la seconde qui a gagné, en dépit de la campagne menée par le 14 mars et axée sur le fait que si la liste aouniste l’emporte, le Hezbollah occupera la bourgade…
C’est dire que les forces politiques ont bel et bien tenté d’imposer leurs slogans dans la bataille municipale, mais les considérations familiales ont été les plus fortes, contraignant les partis politiques à des alliances ou à une sélection de candidats souvent inattendues. On peut donc difficilement redéfinir les poids politiques à travers ce premier round d’élections, n’en déplaise aux analystes. Les critères et les considérations sont différents et à part dans quelques localités où la bataille avait une coloration politique, il s’agissait surtout de duels familiaux.
Même dans les localités de la banlieue sud placées sous le signe de l’entente entre le Hezbollah et Amal, les considérations familiales ont prévalu, poussant même le secrétaire général du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah à affirmer à ses nombreux partisans que les candidats contre les listes de coalition ne sont pas des ennemis, car l’enjeu électoral est uniquement le développement de la localité. Il ne s’agit donc nullement d’un vote pour des options politiques. C’est pourquoi, il ne faut pas donner aux résultats une dimension politique qu’ils n’ont pas. Si les campagnes électorales n’avaient pas été aussi réduites, les candidats auraient peut-être eu plus de temps pour expliquer aux électeurs la véritable portée du scrutin: développer les localités, préserver l’environnement, assurer un éclairage nocturne et le ramassage régulier des ordures etc.
Peut-être qu’un jour, lorsque l’Etat aura moins peur de ses citoyens, les Libanais auront droit  à de véritables élections municipales sur la base d’une loi moderne qui permettrait  au citoyen de voter dans son lieu de résidence non dans son village natal, afin de le pousser à participer à la vie publique dans son environnement ordinaire…
En attendant ce jour encore lointain, les yeux sont tournés vers les élections dans la Bekaa et à Beyrouth où le CPL a décidé de boycotter le municipales mobilisant son électorat pour la bataille des moukhtars qui selon les termes du général Aoun constituera un réferendum.
En vain.  Le 31 mai, la page sera tournée et le Liban pays devra affronter les véritables problèmes, à savoir les menaces israéliennes et la lenteur de l’action gouvernementale, notamment sur le plan du niveau de vie des citoyens…

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