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Nabil Rajab: les prêches dans les mosquées de Bahreïn ne diffèrent pas de la pensée de «Daech»

Nabil Rajab: les prêches dans les mosquées de Bahreïn ne diffèrent pas de la pensée de «Daech»
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Nulle intimidation ou menace ne le fait plier. Nabil Rajab, le militant bahreïni, poursuit toujours sa lutte politique et judiciaire à Bahreïn.

La persécution de son peuple l’incite à multiplier ses efforts auprès de l’opinion publique arabe et occidentale, pour révéler l’ampleur de la tyrannie dont souffrent des milliers de ses compatriotes, depuis plus de trois ans.

Pour cette fin, le militant des droits de l’homme ne ménage aucun effort, même si ça lui coute la liberté. Depuis deux ans, Rajab fut détenu pour une accusation purement politique : inciter aux manifestations dans le royaume. La justice bahreïnie a décidé deNabil Rajab: les prêches dans les mosquées de Bahreïn ne diffèrent pas de la pensée de «Daech»
l’emprisonner deux ans. Depuis deux mois, il a été libéré, après avoir purgé sa peine. Mais celui qui connait bien cet homme, comprend qu’il ne renoncera jamais à sa lutte, en tant que directeur du centre de Bahreïn pour les droits de l’homme.

Interviewé par Al-Ahednews, M.Rajab a exposé la situation dans son pays, secoué par une crise compliquée, en raison notamment de l’escalade des décisions despotiques prises par le pouvoir.

Ci-dessous le texte de l’interview:

-Votre détention a pris fin depuis deux mois. Comment avez-vous passé les deux ans de prison?

Ces deux ans furent extrêmement difficiles… c’est la première fois que je suis emprisonné assez longtemps. J’étais isolé des autres détenus pour ne pas communiquer avec eux. Ce fut dur surtout que ma mère est morte durant cette période. Elle craignait de mourir avant de me faire ses adieux. On m’a interdit de lui parler dans ses derniers jours ou même d’assister à ses funérailles. J’ai aussi perdu d’autres membres de ma famille…Alors que mes enfants ont grandi loin  de moi…en dépit de ces faits, je tentais de me convaincre que je devais être fort afin de poursuivre ma lutte. En effet, mon geôlier voulait me perturber et porter atteinte à mes convictions. Dans ce but, l’administration de la prison s’est employée à m’humilier.

-Etiez-vous au courant des évènements en cours à Bahreïn, durant la période de détention ?

Ils m’interdisaient tout…ils me permettaient seulement de lire les journaux gouvernementaux, qui rapportent les faits selon la politique du régime. On m’a aussi interdit de communiquer avec ma famille autour des évènements. Mes appels téléphoniques étaient surveillés. Bref, j’étais coupé du monde extérieur. J’ai essayé de m’adapter à cet isolement.

-Comment avez-vous agi en face de l’accusation d’appeler ou de participer aux manifestations ?

J’ai chargé plusieurs avocats pour me défendre. Mais quoi qu’on fasse, nous sommes devant un Etat dont la justice est sous l’hégémonie de la famille au pouvoir. De ce fait, on ne prévoit aucune réaction positive de sa part, quels que soient les arguments avancés, ou leur harmonie avec les normes internationales. La justice, tout comme la police, les forces de l'ordre, et le législatif, sont tous des outils aux mains du pouvoir, pour saper le mouvement populaire et les défenseurs des droits de l’homme.

-D’après votre expérience en détention, pourriez-vous confirmer ou infirmer les informations faisant état de mauvais traitements et de torture dans les prisons ?

C’est vrai…personnellement j’étais privé de l’accès à toute information. En plus, j’ai été témoin d’une opération de torture collective, perpétrée par des agents de la police bahreïnie et des forces étrangères contre des prisonniers. J’ai vu le sang de ces derniers couler. Les détenus étaient battus cruellement. J’en ai informé la police, mais elle n’a point réagi.

-Tous les moyens de pression sont utilisés à Bahreïn: la suppression de la nationalité, la détention politique, la discrimination confessionnelle, la violation de la vie privée, la torture, la répression, les abus…quel est l’objectif du pouvoir ?

La dynastie Al-Khalifa a gouverné le pays par ces méthodes depuis son arrivée à Bahreïn, il y a cent ans. Mais actuellement, le public est au courant de ces exactionsNabil Rajab: les prêches dans les mosquées de Bahreïn ne diffèrent pas de la pensée de «Daech»
grâce à internet et aux chaines télévisées. Dans le passé, ils pillaient et violaient, mais nul ne réagissait. Un grand nombre de Bahreïnis ont émigré vers plusieurs destinations, en raison de l’injustice  du régime. Mais avons-nous déclaré la défaite à cause de ces conditions ? bien sûr que non, le conflit entre le peuple bahreïni et ceux qui prétendent la démocratie, se poursuit. Ce conflit ne s’arrêtera pas, même s’ils nous affrontent par toutes les armes meurtrières. Notre lutte continue.

-En tant que directeur du centre du Bahreïn pour les droits de l’homme, estimez-vous que les communiqués et mouvements des militants, révèlent les souffrances du peuple bahreïni ?

Ces mouvements sont efficaces et font parvenir la voix des bahreïnis, sinon, le monde entier n’aurait été au courant de l’injustice que subit ce peuple. Les communiqués publiés par les militants ont une influence dans les pays occidentaux. Mais le régime d’Al-Khalifa est toujours obstiné et ne change pas de méthode. D’ailleurs, le monde comprend parfaitement que Bahreïn est gouverné par un pouvoir injuste et tyrannique.

-Dans quel contexte placez-vous la campagne menée contre l’Association Al-Wefaq, la fermeture de son siège, ainsi que les insultes contre les instances religieuses de Bahreïn ?

Ces exactions s’inscrivent dans le contexte des tentatives d’élimination des courants opposants, et de l’hégémonie sur l’institution religieuse chiite, qui était toujours indépendante et non soumise au pouvoir du gouvernement. A l’heure actuelle, et dans le but de saper l’opposition, on vise l’institution religieuse ayant une grande influence dans le pays. De là, nous pouvons interpréter l’abolition du conseil des oulémas. Le pouvoir veut que les autorités religieuses soient sous l’égide de l’Etat. Toutes ces mesures compliqueront les faits et rallongeront la crise.

-On évoque ces jours-ci des suppressions de nationalité d’opposants, ainsi qu’un problème avec le Qatar, qui accorde la nationalité à des Bahreïnis. Comment interprétez-vous ces données ?

Le gouvernement bahreïni pousse les citoyens chiites à l’émigration après le retrait de leur nationalité. Ces personnes sont contraintes de demander d’autres nationalités, sachant que ce même gouvernement avait autorisé la double nationalité. Il a accordé la nationalité à des ressortissants d’autres pays du Golfe…Lorsque le Qatar a donné la nationalité à des Bahreïnis, le pouvoir de Manama a refusé. Cette attitude montre la politique des deux poids, deux mesures, adoptée par ce régime.

-A l’ombre du scandale relatif à l’espionnage par le régime, des associations politiques et personnalités de Bahreïn, comment comme militants, affronterez-vous ces mesures ?

Personnellement, je ne crains pas l’espionnage…mon téléphone est surveillé. Mais cet espionnage montre que l’Etat et ses symboles agissent selon une mentalité policière, à l’instar des services de renseignements. Mais cette attitude sera couteuse. Chaque fois qu’ils adoptent une nouvelle mesure, ils seront confrontés à l’échéance des revendications légitimes de la population, concernant la liberté, la justice et la démocratie.

-Plusieurs pays du Golfe ont déclaré un état d’alerte face au péril de l’extension de «Daech» vers leurs territoires, au moment où des informations rapportent que des slogans pro-«Daech» sont observés dans les rues de Bahreïn. Ces informations sont-elles authentiques et cette organisation s’est-elle infiltrée dans le royaume ?

Malheureusement, les pays qui avaient soutenu l’extrémisme en Afghanistan, sont aussi un lieu pour ce terrorisme. En effet, les courants fondamentalistes ont regagné les pays qui les avaient parrainés et se sont affranchis du contrôle de leur créateur. Pour cette raison, ils constituent un danger pour ces pays. En plus, les régimes qui gouvernent  la région sont dépourvus de légitimité, ce qui les rend faibles en face de ce genre de courants extrémistes. Cependant, la pensée de «Daech» est présente à Bahreïn. Les prêches dans les mosquées relevant du gouvernement dans le royaume, ne diffèrent pas de la pensée de «Daech». De surcroit, des cheikhs extrémistes sont invités à tenir des conférences à Bahreïn, à l’instar d’Oureifi et de Aarour.

-Comment l’accord de Riyad, signé entre les pays du Golfe, se répercute-t-il sur le Bahreïn ?

Nous sommes avec le droit des gens à l’autodétermination. Celui qui veut se rendre au Qatar, il est libre de le faire. Bahreïn et Qatar sont un seul pays. Il ne faut pas exercer des pressions sur cette faction qui aspire à un meilleur avenir. Au même moment, nous souhaitons que cet accord ne porte pas atteinte à la liberté d’expression et de la presse.

-Dans le contexte des exactions quotidiennes que subit le peuple bahreïni et des forces étrangères déployées dans les rues du royaume, pourrons-nous dire que le peuple bahreïni est sous l’occupation ?

Nous souffrons de la présence de mercenaires étrangers à Bahreïn. Ceux qui viennent de l’étranger pour réprimer les manifestations pacifiques sont des mercenaires. Nous demandons aux pays de retirer leurs forces de notre territoire et de cesser la coopération avec le gouvernement pour meurtrir un peuple qui n’aspire qu’à la liberté.

Source: Al-Ahednews, traduit par l'équipe du site

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