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Face aux concessions sans contrepartie, un seul modèle: la résistance

Face aux concessions sans contrepartie, un seul modèle: la résistance
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Par Souraya Hélou


Le premier rendez-vous de la conférence du dialogue national dans sa troisième version avait tout de la rencontre protocolaire, formelle et sans débat de fond. Le président de la république Michel Sleiman a dressé un bilan des développements depuis le 1er juin 2009, date de la dernière réunion, et il a demandé aux participants de préparer le rapport de leurs experts militaires pour le prochain rendez-vous fixé au 15 avril. Le thème principal, à savoir
l’adoption d’une stratégie de défense nationale commune, n’a pas fait l’objet d’un véritable débat, de même que la revendication des chrétiens du 14 mars de convier un représentant de la Ligue arabe aux réunions et celle du président de la Chambre Nabih Berry d’élargir l’ordre du jour n’ont pas été abordées. Le président a choisi de faire court et d’éviter les polémiques, insistant sur la nécessité de poursuivre la trêve verbale entre les protagonistes.

Mais, en dépit de la discrétion apparente, les positions restent les mêmes. Les représentants des chrétiens du 14 mars, essentiellement MM. Samir Geagea et Amine Gemayel souhaitent aboutir au désarmement du Hezbollah, en défendant la thèse selon laquelle les armes de la résistance doivent être placées sous le contrôle de l’armée, car autrement elles constituent une violation de la souveraineté de l’Etat et une menace pour la stabilité interne ainsi que pour le statu quo régional, alors que le Hezbollah et ses alliés, notamment le général Michel Aoun, l’ancien ministre Sleiman Frangié, ainsi bien sûr que le président Nabih Berry et désormais le chef du PSP préfèrent adopter une stratégie commune qui consiste en une complémentarité entre la résistance et l’armée.

Conscients d’un déséquilibre dans les positions internes, ceux qui veulent obtenir le désarmement du Hezbollah ont lancé de faire appel à la Ligue arabe, convaincus de l’appui de celle-ci à leur thèse, surtout depuis que les ministres arabes des AE ont avalisé la reprise des négociations indirectes entre "Israël" et les Palestiniens pour une période de quatre mois. Officiellement, leur argumentation repose sur les points suivants: la protection du Liban concerne tous les pays arabes, d’autant que le pays du Cèdre est une partie intégrante du monde arabe et un membre fondateur de la Ligue. Selon eux, Abdel Nasser avait estimé que le Liban constituait une base arrière dans le conflit israélo-arabe et ils reprochent au Hezbollah et à l’Iran et la Syrie d’en avoir fait une scène de confrontation, ils veulent donc poser le problème du rôle du Liban dans la région. Enfin, ils considèrent que le président iranien Mahmoud Ahmadinajad souhaite remodeler le Moyen orient et ils proposent en contrepartie l’adoption d’une stratégie arabe commune. Il est d’ailleurs curieux de constater que ceux qui ont longtemps été opposés à toute intervention arabe dans le dossier libanais l’appellent désormais de tous leurs vœux, croyant qu’elle fera un équilibre avec le rôle de l’Iran et de la Syrie. Les temps et les personnes changent mais pas le rôle de certaines figures libanaises entièrement dédié à servir les intérêts américano-israéliens.

Toutefois la proposition de convier un représentant de la Ligue arabe aux réunions du dialogue risque de ne pas tenir la route et d’être abandonnée d’ici la prochaine réunion. De plus, le président de la Chambre y a déjà répondu en rappelant que le Liban a été la cible d’attaques israéliennes à plusieurs reprises et les Arabes n’ont rien pu faire pour le défendre. Sans oublier que le monde arabe a d’autres soucis pour l’instant, avec la préparation du sommet de Tripoli et les divergences au sujet des dossiers importants comme l’attitude vis-à-vis de l’Iran et la reprise des négociations avec "Israël".

Ce qui est sûr en tout cas c’est que la manœuvre des représentants chrétiens du 14 mars a été vite démasquée et même si elle devait être examinée par les participants à la conférence du dialogue, elle a peu de chances d’être acceptée. Le véritable débat devrait porter sur la stratégie de défense commune.

A ce sujet, le Hezbollah a bel et bien expliqué, dans des déclarations à la presse précédant la réunion qu’il n’est pas question de parler de ses propres armes, mais bien d'un plan commun pour défendre le pays face à une éventuelle agression israélienne. Le chef de l’Etat a lui aussi expliqué devant les participants sa propre conception de la défense commune qui consiste à utiliser tous les moyens disponibles et à multiplier les efforts pour protéger le Liban. Dans ce contexte, on voit mal comment la minorité représentée par quelques figures du 14 mars pourrait réussir à imposer son point de vue. Elle avait déjà tenté de le faire au cours de la première version de la table du dialogue le 2 mars 2006, qui avait été alors convoquée par le président de la Chambre au siège même du Parlement et elle avait échoué à faire adopter une décision portant sur le désarmement du Hezbollah. Ce qui avait d’ailleurs conduit à la guerre de juillet-août 2006 au cours de laquelle les Israéliens avaient tenté d’obtenir ce désarmement par la force, avec l’aval des Etats-Unis. Elle a de nouveau fait une nouvelle tentative avec la seconde table de dialogue convoquée par le président de la République le 16 septembre 2008 et elle a une fois de plus échoué, les réunions ayant été suspendues pour cause d’élections législatives. Mais au cours des précédentes formules, le chef du PSP Walid Joumblatt n’avait pas encore amorcé sa volte face et l’actuel Premier ministre Saad Hariri n’avait pas encore rétabli les ponts avec le Hezbollah.

Aujourd’hui, le contexte est donc différent et la position du Hezbollah est certes bien plus comfortable qu’au cours des séances précédentes, d’autant que le droit du Liban à se défendre face aux agressions israéliennes « par son peuple et son armée et sa résistance » a été consacré dans la déclaration ministérielle, en dépit des réserves des Kataëbs, des Forces libanaises et de Boutros Harb. Plus que jamais, il sera difficile à cette minorité de renverser la donne et au lieu de mener un combat d’arrière garde aussi inutile que perdant, elle ferait mieux de comprendre que face aux concessions sans la moindre contrepartie de Mahmoud Abbas, le modèle de la résistance reste le plus efficace.

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