Appel Trump-Poutine: satisfecit à Moscou, réactions prudentes à Kiev
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Par AlAhed avec AFP
Alors que plusieurs responsables politiques russes affichaient leur satisfaction jeudi après la conversation téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine lançant des négociations «immédiates» sur l’Ukraine, la partie ukrainienne est restée très prudente et discrète.
L’ex-président Dmitri Medvedev a estimé que la conversation entre les présidents russe et américain avait brisé la stratégie occidentale pour isoler Vladimir Poutine, «punir et humilier» la Russie. «Il est impossible de nous mettre à genoux. Et plus tôt nos adversaires s’en rendront compte, mieux ce sera», a ajouté M. Medvedev, numéro deux du Conseil de sécurité russe, sur Telegram.
Le député Léonid Sloutski, à la tête de la Commission des affaires étrangères de la Douma (chambre basse du Parlement), s’est aussi félicité du fait que la conversation Trump-Poutine ait «brisé le blocus antirusse». Selon lui, cela a même «lancé le processus de dégel» des relations entre Moscou et Washington.
Pour autant, Konstantin Kossatchev, le vice-président du Conseil de la fédération (chambre haute) et vétéran de la diplomatie russe, jugeait que le chemin avant un réel apaisement était encore très long, l’approche de Donald Trump étant loin de faire l’unanimité en Occident. «Tout est à faire. Que le bon sens l’emporte», a-t-il commenté sur Telegram.
«Je suis sûr qu’à Kiev, Bruxelles, Paris et Londres, on lit avec horreur le long commentaire de Trump sur sa conversation avec Poutine et qu’on n’en croit pas ses yeux», abonde le sénateur Alexeï Pouchkov, jugeant que les négociations seront «sans aucun doute très difficiles».
«Conversation prolongée et très productive»
Donald Trump et Vladimir Poutine se sont entretenus mercredi par téléphone. Le président américain a annoncé avoir eu une «conversation prolongée et très productive» avec son homologue russe faisant savoir que Moscou et Washington allaient «entamer immédiatement des négociations» concernant la guerre en Ukraine.
Vladimir Poutine a pour sa part dit vouloir trouver une «solution de long terme» au conflit ukrainien à travers des «pourparlers de paix».
Les deux dirigeants se sont également invités mutuellement.
Réactions discrètes et prudentes à Kiev
Peu d’officiels ukrainiens ont réagi publiquement jeudi à l’appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine, qui fait craindre une mise à l’écart de Kiev dans de futurs pourparlers de paix.
Alors que les responsables russes affichaient leur satisfaction, la partie ukrainienne est restée très prudente et discrète.
Selon le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, le président américain lui a informé de cet échange. «La discussion a porté sur les possibilités de parvenir à la paix». «Nous définissons nos démarches communes avec l’Amérique pour mettre fin à l’agression russe et garantir une paix fiable et durable», a-t-il dit.
«Il y a trop de rumeurs inutiles et de théories du complot autour des négociations et des positions», a estimé sur Telegram Daria Zarivna, conseillère en communication auprès du chef du cabinet du président Zelensky, appelant à la prudence. «La Russie fait maintenant tout ce qu’elle peut pour remplir les médias d’annonces sur sa “propre victoire” (…), mais ces thèses sont loin de toute réalité», veut-elle croire, estimant cependant qu’«un processus difficile» attend l’Ukraine.
Andriy Kovalenko, directeur du centre de lutte contre la désinformation pour l’armée ukrainienne, actif sur les réseaux sociaux, a fustigé la «myopie» des «hommes politiques». Selon lui, l’Ukraine a besoin de «décisions rapides de la part de l’Europe». «L’Europe aurait dû soutenir depuis longtemps l’idée du président français Macron de créer une armée européenne» a-t-il réagi sur Telegram, mais, d’après lui, l’Europe a préféré dire: «Mais non, c’est cher, nous ne voulons pas penser à la guerre.»
Tymofiy Mylovanov, directeur de l’Ecole d’économie de Kiev, a choisi l’ironie pour illustrer une situation qui, selon lui, était «déjà une réalité». «La différence entre Trump et Biden est que Biden a soutenu la poursuite de la guerre, mais n’a pas fourni une aide suffisante ; Trump, lui, soutient la fin de la guerre, mais n’en fournira pas non plus», a-t-il commenté sur Facebook. Il voit cependant dans l’isolement européen par les Etats-Unis une «possibilité d’adhérer à l’UE» pour l’Ukraine, prodiguant au passage un conseil au président Zelensky: «Ne taquinez pas Trump et renforcez l’armée.»
Tout accord «dans notre dos» sera voué à l’échec
Côté européen, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a averti jeudi que «tout accord de paix sur l’Ukraine négocié sans Kiev et les Européens est voué à l’échec». «Aucun accord dans notre dos ne fonctionnera, n’importe quel accord aura aussi besoin de la participation de l’Ukraine et de l’Europe», a-t-elle affirmé devant la presse à son arrivée au siège de l’Otan, à Bruxelles.
Le ministre de la défense allemand, Boris Pistorius, a pour sa part estimé jeudi qu’il était «regrettable» que le président américain Donald Trump ait fait des «concessions» à Vladimir Poutine au sujet de l’Ukraine «avant même le début des négociations». «A mon avis, il aurait été préférable de parler de la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan ou de possibles pertes de territoires à la table des négociations», a-t-il affirmé, avant le début d’une réunion ministérielle de l’Otan au siège de l’Alliance à Bruxelles.