Pourquoi la crise ne sera pas réglée dans le royaume d’Al-Khalifa?
Par Latifa AlHusseini
L’opposition bahreïnie célèbre ces jours-ci l’anniversaire du lancement de sa révolution depuis 11 ans. Avec amertume et détermination, les factions de cette opposition poursuivent leur lutte, malgré la gravité des conditions et des menaces.
En effet, les pressions exercées par Al-Khalifa sur les opposants s’exacerbent dans le royaume et à l’étranger. Mais cette intimidation n’affectera point ceux qui prônent des revendications justes.
Comment parait le spectacle intérieur, sur le plan politique, économique et sécuritaire à Bahreïn ? Y-a-t-il des indices sur le règlement de la crise?
Le journaliste bahreïni, Hassan Kanbar, a expliqué à AlAhed, la conjoncture difficile dans laquelle vivent ses concitoyens.
Ces derniers affirment que les activités de l’opposition se poursuivent, malgré les difficultés et l’intimidation, a-t-il dit lors d’une interview accordée à notre site.
Il a estimé que l’horizon politique des autorités est bloqué, en raison de son intransigeance et du déni de l’existence des crises politiques, sociales et économiques, aux côtés des graves crises relatives aux droits, à l’ombre de la prise pour cible des libertés et des opposants, même ceux ayant des points de vue différents de ceux des autorités.
Le journaliste Kanbar a affirmé que les Bahreïnis affrontent un pouvoir qui se fiche de sa mauvaise réputation au niveau des droits de l'homme. «Ces autorités commettent les abus au su et au vu de la communauté internationale qui observe un mutisme total face à ces pratiques et violations des droits», a-t-il expliqué, évoquant la couverture politique assurée par le Royaume Uni et les États-Unis qui participent d’une manière flagrante à embellir de graves violations des droits de l’Homme.
Cependant, le journaliste a ajouté que certaines institutions parlementaires de pays européens et occidentaux, jouent des rôles importants dans la révélation des affaires relatives aux droits de l’homme, comme le font des membres du Congrès américain, du parlement européen et britannique, aux côtés du rôle positif de certains partis politiques dans ces pays.
Du point de vue de Kanbar, «les sanctions alternatives» que le régime a lancées et célébrées ne sont rien d'autre qu'un outil pour faire chanter l'opposition et les familles des détenus et les détenus eux-mêmes, et tenter d'asservir les différentes parties en brandissant ces sanctions alternatives comme une «porte à la vie», pour «remercier le roi». «C'est une autre injustice», a affirmé la grande référence nationale, l’ayatollah cheikh Issa Ahmed Qassem. Des sanctions visant à restreindre la liberté de l'individu détenu derrière les barreaux, souffrant de la torture et des mauvais traitements. Kanbar a expliqué que ce projet et ses mécanismes ont été tracés par le Royaume-Uni, ayant fourni les expertises et la formation des agents sécuritaires et des officiers sur le blanchiment des graves violations des droits de l’Homme et des pratiques en cours dans les prisons du ministère de l’Intérieur, loin de la supervision des institutions civiles des droits et des rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la torture et les disparitions forcées, interdits de se rendre dans le pays depuis au moins 2005.
En réponse à une question sur la subordination bahreïnie à l’ennemi israélien et ses répercussions sur les opposants, Kanbar a expliqué qu’avant l’annonce des accords de normalisation avec l’ennemi israélien en septembre 2020, des rapports ont révélé, notamment en 2012, que le régime bahreïni, surtout le ministère de l’Intérieur, a utilisé des programmes et des techniques achetés via les Émirats, de l’entité sioniste, particulièrement, les programmes de Fisher et d'autres entreprises technologiques.
Ces programmes ont été utilisés pour cibler les comptes d'activistes actifs sur les réseaux sociaux, en envoyant des liens malveillants permettant à des éléments de sécurité de pénétrer dans ces comptes, ou des e-mails et d'autres applications, dans le but d'espionner les activités et leurs mouvements. Un fait qui a incité de nombreux militants à suivre des cours de formation avec des organisations de défense des droits de l'homme pour assurer la sécurité numérique et développer des moyens de les protéger contre les violations sécuritaires.
Selon Kanbar, ces mécanismes de coopération se sont développés actuellement entre les autorités et l’ennemi, à la suite de la signature de l’accord de la normalisation, par l’espionnage contre les activistes via le programme Pegasus, développé par le groupe sioniste NSO.
Et d’ajouter que le «Citizen Lab» au Canada a confirmé le piratage des téléphones des militants bahreïnis, parmi une liste qui comprenait de nombreux journalistes, professionnels de médias, militants, politiciens, chefs d'État et autres groupes qui ont été ciblés dans le scandale Pegasus, alors que les enquêtes ont prouvé que Manama a de nouveau obtenu ce logiciel de l'entité sioniste via les Emirats.
Concernant la situation socio-économique et si elle figure à l’ordre du jour du pouvoir au Bahreïn, Kanbar a évoqué une étude publiée il y a plusieurs jours par la Maison du Golfe pour les études et les publications, selon laquelle les dépenses militaires à Bahreïn ont dépassé les 42%. Un taux très élevé pour un État comme le Bahreïn, alors que la dette publique enregistre des chiffres exorbitants, en dépit du soutien des pays du Golfe et des taxes croissantes imposées aux citoyens. Le militant a rappelé également la cherté de vie et la baisse des salaires des citoyens, qui n’ont point haussé depuis plus de dix ans, aux côtés de l’augmentation des taux du chômage et de la hausse du nombre des travailleurs étrangers. Des données qui confirment la mauvaise gestion des ressources économiques et la confusion dans le traitement des crises financières, en raison de la corruption administrative.
Kanbar a estimé que «le recours de l'État à proposer des projets d'investissement et divers plans économiques pour attirer des capitaux étrangers, et fournir des permis de résidence idéaux sous le titre de ‘résidence dorée’ et d'autres, ne réussira pas et ne mettra pas fin au spectre de la faillite. Il est clair que de tels projets pavent la voie à l’entrée des colons sionistes dans le Royaume, sous plusieurs prétextes».
Le journaliste bahreïni a enfin mis en garde contre les accords sécuritaires et militaires signés par le ministre israélien de la guerre Benny Gantz lors de sa récente visite à Manama, qui ont abouti à la nomination permanente d'un officier de marine sioniste à Bahreïn, ce qui entraînerait le pays dans l'abîme des conflits de la région, marquée par les tensions et menacée d’escalade dans la prochaine période.