Le procès du policier qui a tué George Floyd s’ouvre lundi aux États-Unis
Par Alahed avec AFP
Neuf mois après la mort de George Floyd, qui a rouvert les plaies raciales aux États-Unis, le policier accusé de l'avoir tué se retrouve face à la justice. Son procès, qui débute lundi 8 mars à Minneapolis, s'annonce exceptionnel à tous les égards.
Audiences retransmises en direct, stars du prétoire, sécurité renforcée... Le cadre est à la hauteur des enjeux pour ce «dossier pénal emblématique, l'un des plus importants de l'Histoire» américaine, selon Neal Katyal, qui portera l'accusation contre Derek Chauvin.
Le 25 mai 2020, dans cette grande ville du nord des États-Unis, le policier blanc a maintenu un genou sur le cou de George Floyd, plaqué au sol et menotté, pendant près de neuf longues minutes.
Le quadragénaire noir a eu beau le supplier, puis tomber inconscient, jamais il n'a relâché sa pression.
Le supplice, filmé par une passante et retransmis en direct sur Internet, a choqué de New York à Seattle, mais aussi à Londres, Paris, ou Sydney, où des foules indignées sont descendues dans les rues pour réclamer justice, et scander «Black Lives Matter» (les vies noires comptent).
Les policiers impliqués dans le drame ont été licenciés sur le champ, mais il a fallu plusieurs jours pour que Derek Chauvin soit inculpé de «meurtre», et ses trois collègues de «complicité».
Entre-temps, les grandes villes américaines s'étaient embrasées, un commissariat a même brûlé à Minneapolis.
Depuis, le calme est revenu. Mais le pays, toujours à fleur de peau, s'apprête à suivre rivé à ses écrans le procès de Derek Chauvin, qui sera autant celui d'un homme que de la police américaine.
L'ancien agent, qui a été remis en liberté sous caution à l'automne, devait être jugé avec ses collègues Alexander Kueng, Thomas Lane, et Tou Thao.
Pour éviter une salle d'audience bondée en pleine pandémie, un juge a renvoyé leur procès à l'été.
La justice du Minnesota se consacrera donc exclusivement aux lourdes accusations pesant sur Derek Chauvin, 44 ans dont 19 au sein de la police de Minneapolis.
«Qu'un policier soit inculpé pour usage abusif de la force est déjà rare aux États-Unis, alors pour meurtre...», souligne Ashley Heiberger, un ancien policier reconverti dans le conseil et la formation.
Quant aux condamnations de policiers pour meurtre, elle se compte sur les doigts d'une main, les jurés ayant, selon lui, «une tendance à leur accorder le bénéfice du doute».
Mais cette fois, les faits sont tellement troublants qu'aucun membre de la profession ne s'est élevé en soutien de l'accusé, ce qui est rarissime, souligne Ashley Heiberger. Il faudra tout de même l'unanimité des douze jurés pour qu'il soit déclaré coupable. Si un seul manque à l'appel, le procès se conclura sur un non-lieu.
Ce scénario, ou un acquittement, ne manquerait pas de raviver la colère des militants antiracistes.
Derrière un cercueil blanc recouvert de roses rouges, des milliers de personnes ont défilé dimanche à Minneapolis pour réclamer «justice», à la veille du procès du policier blanc qui a tué l'Afro-américain George Floyd.
La foule, très diverse, est restée majoritairement silencieuse en hommage au quadragénaire noir, mort le 25 mai sous le genou de l'agent Derek Chauvin, sortant juste de son silence pour scander «Pas de justice, pas de paix !».
Derrière une banderole affichant les derniers mots de George Floyd, «Je ne peux pas respirer» (I can't breathe!), les manifestants ont marché autour du siège du gouvernement local, qui abritera à partir de lundi ce procès.
La délicate sélection du jury
Pour éviter tout débordement, les autorités ont mobilisé des milliers de policiers et soldats de la Garde nationale. Quant aux abords du tribunal, ils ont pris des airs de camp retranché, avec barbelés et barrières en béton.
Le procès débutera par la sélection du jury qui s'avère très délicate. Faute de pouvoir trouver des jurés ignorant tout du dossier, les parties cherchent les personnes les plus neutres possible.
«Que pensez-vous du mouvement Black Lives Matter? Avez-vous déjà été arrêté? Combien de fois avez-vous vu la vidéo du drame?»: un long questionnaire a déjà été adressé aux jurés potentiels, qui passeront au gril pendant trois semaines.
Les débats de fond commenceront le 29 mars.
Derek Chauvin plaidera non-coupable. Il «a fait exactement ce qu'il a été entraîné à faire» pour interpeller un suspect récalcitrant, a écrit son avocat, Eric Nelson, en amont du procès. Selon lui, George Floyd est mort d'une overdose au fentanyl.
Le médecin légiste a bien retrouvé des traces de cet opiacé de synthèse dans le corps de l'Afro-Américain, mais il a estimé que la mort était due à «la pression exercée sur son cou».
Samedi, Ben Crump, qui représente la famille Floyd, a dénoncé une diversion: «On s'attend à ce qu'ils essaient de faire oublier la vidéo, en accusant George de tous les maux».
L'accusation arguera, elle, que le quadragénaire, soupçonné d'avoir tenté d'écouler un faux billet de 20 dollars, ne représentait aucun danger. Elle compte requérir une lourde peine contre Derek Chauvin qui, selon elle, avait «l'intention» de faire souffrir sa victime.
Pour prouver que son crime s'inscrivait dans un «mode opératoire», elle a convié comme témoin une femme noire qui, en 2017, a été brutalisée par le policer.
D'autres moments forts sont prévus, dont l'audition de l'adolescente qui a filmé la scène.
Les jurés devraient se retirer pour délibérer fin avril.
En attendant son procès, celui qui incarne aujourd'hui le visage des violences policières aux États-Unis, a été remis en liberté contre le versement d'une caution d'un million de dollars.
Par crainte pour sa sécurité, il a été autorisé à s'installer en dehors du Minnesota à une adresse tenue secrète.
Outre la procédure pénale, il fait l'objet de poursuites au civil de la part de la famille de George Floyd.