Sayed Nasrallah : «Il faut être vigilants face aux intentions de Trump. Le Liban est dans une position de force pour protéger ses droits»
Par AlAhed
A l’occasion de la commémoration de la journée du martyr du Hezbollah, célébrée le 11 novembre de chaque année, le secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah a prononcé le discours télévisé suivant :
«Que la paix de Dieu soit sur vous. En 1982, le prince des moujahidines Ahmad Qassir a attaqué le siège du commandement militaire sioniste à Tyr, faisant plus de 100 morts parmi les officiers, les hauts commandants et soldats de l’ennemi. Cette opération héroïque a poussé l’ennemi à décréter le deuil national. Ce fut l’une des opérations militaires les plus marquantes de l’histoire du combat avec l’ennemi. Nous avons ainsi baptisé ce jour, qui coïncide le 11 novembre de chaque année, comme la journée du martyr du Hezbollah. Je considère cette journée comme étant la commémoration annuelle du martyre de nos combattants. Nous devons nous rappeler les exploits de ces martyrs, la dignité et la force qui nous ont été offertes grâce à leurs sacrifices. Nous sommes reconnaissants pour leurs sacrifices et nous saluons leurs efforts. Nous devons garder dans la mémoire la bravoure et les sacrifices des martyrs pour ne point oublier leur rôle majeur dans la situation actuelle.
Les familles des martyrs représentent notre gloire et notre dignité. Nous leur exprimons notre amour et notre appréciation. Nous sommes appelés à poursuivre le chemin des martyrs par la patience, le travail et la fidélité, en vue de réaliser les victoires ultimes.
Dans le volet politique, je voudrais parler de la délimitation des frontières au sud Liban. A la veille de la libération en 2000, j’avais clairement dit que la résistance ne discute jamais de la délimitation des frontières terrestres, et maritimes soient-elles. C’est la prérogative des autorités et non pas la responsabilité de la résistance. Le devoir de la résistance est de protéger les territoires libanais, en collaboration avec l’armée, et de libérer les terres occupées. La question des pourparlers actuels ne relève pas de nos responsabilités.
La résistance n’est pas intervenue au passé lorsque les territoires frontaliers ont été délimités, et ne le fera pas aujourd’hui. La délimitation des frontières maritimes a gagné de l’importance après les informations faisant état de ressources pétrolières et gazeuses. Ceci a poussé l’Etat libanais à réclamer la délimitation des frontières pour pouvoir commencer le forage.
Le chef du Parlement Nabih Berri avait négocié et débattu de cette affaire depuis plus de dix ans, en vue de clarifier les zones maritimes libanaises.
Nous n’avons pas de problème de discuter les limites de nos frontières avec l’ennemi, dans le cadre de pourparlers purement techniques, loin de toute visée politique.
Récemment, nous avons assisté à une campagne diplomatique américaine qui a affiché son intérêt pour la délimitation des frontières.
L’annonce par le chef du Parlement d’un accord-cadre pour les négociations avec l’ennemi au sujet des frontières maritimes, a soulevé une vague d’analyses adverses, visant à relier cette décision aux pourparlers de normalisation des pays du Golfe avec l’ennemi.
Pis encore, d’aucuns ont prétendu que cette annonce faite par le président Nabih Berri s’inscrit dans le cadre de pourparlers irano-américains, alors que tout ce qui a été n’est qu’illusion et tentatives de jeter de la poudre aux yeux pour justifier les pourparlers de paix avec l’ennemi. Ce ne sont que mensonges et de fausses allégations.
Notre position envers «Israël» est claire. C’est une question dogmatique. L’existence d’Israël, formé de gangs terroristes usurpateurs de la terre de la Palestine. Tel est notre point de vue inchangé. Notre position sur les négociations de paix est connue et fixe.
Nous avons la totale confiance dans la direction du président Michel Aoun pour restituer les droits du Liban dans ce dossier de pourparlers. Cette question doit être claire. Diverger sur certains détails est normal et légitime. Nous n’étions pas d’accord d’inclure de civils dans la délégation libanaise qui sera chargée de négocier, et ce, pour couper la voie aux tentatives d’exploiter politiquement et médiatiquement cette affaire.
Sachez que le communiqué conjoint du Hezbollah et du mouvement Amal a protégé la délégation libanaise aux négociations. Nous savons que cette délégation suit littéralement les prescriptions du chef de l’Etat. L’objectif est de protéger les droits du Liban, et tout le monde doit savoir que nous sommes dans une posture de force. Le Liban a besoin d’exploiter ses ressources pétrolières. L’ennemi sait bien que le Liban est capable de restituer ses droits. Nous avons des droits, nous sommes forts et nous devons récupérer nos droits.
Deuxièmement, la question des manœuvres militaires d’envergure israélienne : elles ont eu lieu dans la Galilée et dans le Golan. En 2017, une manœuvre similaire a eu lieu. Beaucoup d’analyses simultanées ont fait état d’une possible action militaire sioniste contre le Liban et la Syrie. Je voudrais commenter cette affaire :
- Les israéliens ont simulé une bataille contre des groupes de la résistance islamique qui vont s’infiltrer dans les colonies du nord. Les manœuvres se basaient sur le combat dans la Galilée sans faire d’incursion dans les territoires libanais. Ceci signifie que pour la première fois, les Israéliens craignent d’une offensive de la résistance. L’armée sioniste est passée de l’état de l’offensive à l’état défensif. La vision de l’ennemi a changé. Il craint une agression contre le Liban, après avoir menée des invasions d’envergure par le passé. Aujourd’hui, l’ennemi ne cherche plus à lancer des attaques au sud Liban. Ce qui nous rassure que nos comptes sont corrects au sujet de l’équation de force.
- Lors de cette manœuvre, le chef d’état majeur israélien a déclaré que même si un millier de soldats sera atteint du coronavirus, les opérations auront lieu. Sur ce point, nous évoquons la crise de confiance et le manque de volonté dans les forces terrestres israéliennes. Donc, cette manœuvre visait à remonter le moral entamé des soldats. Lors de toute prochaine guerre, l’armée de l’air sera incapable de trancher la bataille, tout comme l’armée maritime. Toutes les guerres qui ont eu lieu dans la région, dont dernièrement la guerre au Yémen, ont démontré ce fait.
- Même avant le début des manœuvres, la résistance islamique était en état d’alerte maximale, et ceci est parvenu aux Israéliens. Nous avons adressé un message à l’ennemi comme quoi nous sommes prêts à riposter immédiatement à toute attaque militaire. La direction syrienne était aussi en état d’alerte.
Je passe au dossier des élections américaines : tout le monde a suivi les élections US qui auront des effets sur le monde entier. Les discours électoraux et les campagnes électorales ont présenté une image sur le régime politique aux USA. Je vous appelle à vous arrêter aux chiffres et aux faits, parce que certains nous appellent à prendre les USA comme modèle à suivre et un symbole de démocratie. Par exemple, la situation économique, les dettes du budget, la situation vitale de dizaines de milliers d’Américains, les gens vivent dans des tentes, sans sécurité sociale, le grand chiffre de personnes atteintes du coronavirus, de maladies chroniques et neurologiques, les crimes et les délits, le taux de corruption dans les instances de l’Etat. Voici l’Amérique de la liberté, de la démocratie, et du développement. Il sera bon d’étudier en profondeur ces chiffres qui reflètent l’ampleur des crises dans lesquelles vit la population.
Regardons cette démocratie US lorsque le perdant refuse d’admettre les résultats des élections. Dès le premier jour du décompte des voix, Trump a commencé à crier pour demander l’arrêt du décompte et pour lancer des allégations sur des fraudes présumées. Donc cessez de nous professer le modèle démocratique US.
Pour ce qui est de la nouvelle administration US, et surtout dans notre région, la priorité est aux intérêts d’Israël. Qui que ce soit le nouveau président, son objectif premier est de satisfaire Israël. C’est une constante première dans la politique US. Donc, il est illusoire d’espérer grand-chose des directions US. Peut-être on assistera à des changements moindres dans les détails de la politique US.
Certes, la direction de Trump était l’un des pires gouvernements de l’histoire des Etats-Unis. Il était le plus arrogant, criminel, terroriste, despote. Pendant quatre ans, il a placé le monde au bord de la guerre, en Corée, en Chine, au Venezuela, à Cuba, en Syrie…
Il a imposé des sanctions et des embargos sur les peuples comme en Palestine, en Syrie, en Iran. Il a offert un soutien total à l’offensive saoudienne au Yémen. A vrai dire, il a montré le véritable visage de la direction US. Mais malgré tout, il a échoué. Quel est le sort de l’accord du siècle ? Trump va partir, Netanyahu est dans sa pire situation, et Mohammad ben Salmane est le plus inquiet pour son sort après les engagements de Joe Biden de cesser le soutien US à la guerre saoudienne au Yémen, et de punir ben Salmane pour l’assassinat de Khachekgi. Trump a échoué partout dans le monde.
Sur le plan personnel, je suis heureux pour la chute humiliante de Trump, certes, ceux qui viendront ne seront pas meilleurs, mais au moins, nous avons le droit d’afficher notre bonheur un peu. C’est lui qui a commis le crime du siècle en assassinant le dirigeant hajj Kassem Souleimani. Sur le plan pratique, et en raison de ce gouvernement US arrogant, les guerres étaient très probables. Les possibilités des guerres diminueront avec la nouvelle administration.
Reste ces deux mois à venir. D’aucuns affichent leurs craintes quant à une possible guerre suite à la démission de hauts commandants du ministère de la défense US. Peut-être la démission du ministre est liée au refus de déployer l’armée dans les rues US. Ou Trump compte utiliser l’armée US sur le plan régional. Donc, on ne peut pas trancher.
Dans les pays de l’axe de la résistance, directions et peuples, il faut rester vigilants et prêts à repousser toute offensive belliqueuse US possible.
Enfin, par rapport à la politique de sanctions US au Liban : ce qui importe aux Américains est avant tout d’assurer la domination israélienne, la protection de l’ennemi et la politique visant à arracher une reconnaissance de l’Entité. Le véritable problème US au Liban est l’existence du Hezbollah. Peu leur importe le problème de la corruption qui date de dizaines d’années. Le Hezbollah leur pose problème parce qu’il menace l’ennemi israélien à travers sa résistance. Le Hezbollah est un point de force qui impose à Israël de respecter les droits du Liban. L’ennemi est inquiet et n’a pas les mains libres au Liban. Pour cela, les Américains ont tout fait depuis 2005 pour désarmer le Hezbollah et l’affaiblir.
Suite au martyre du président Rafic Hariri, l’objectif était la guerre civile et la division sunnite-chiite. L’alliance quadripartite a mis à échec ce complot.
En mai 2008, fut le complot international pour provoquer la guerre entre l’armée et la résistance.
Ensuite, le projet des groupes terroristes en Syrie qui comptait de leur aveu transposer la guerre contre le Hezbollah au Liban.
Toutes les tentatives de provocation contre nous ont échoué.
Depuis trois ans, les USA oeuvrent pour provoquer les Libanais contre le Hezbollah, surtout la population de la résistance. C’est ainsi que la politique des sanctions économique a été mise en œuvre pour affamer le peuple. Ils ont accusé le Hezbollah de tous les maux, et lui ont imputé la responsabilité de la corruption. Mais là encore, ils ont échoué malgré les millions de dollars dépensés en ce sens.
Pour ce qui est des sanctions, nous au Hezbollah sommes exposés aux sanctions dans toutes les spécialités. De toute façon, les banques ont fermé nos comptes depuis plusieurs années. Ainsi, les fonds du Hezbollah ont été protégés. C’était donc dans notre intérêt. Les autres ont perdu leurs argents dans les banques.
Concernant les sanctions US contre notre ami Gebran Bassil, son refus de changer sa politique envers la résistance a poussé les USA à lui imposer des sanctions contre lui. Certes, certains avaient dit aux Américains que si le mouvement Amal ou Marada ne fléchissent pas, le Courant patriotique libre changerait de cap ou renoncerait à notre alliance. Le ministre Bassil m’a confié qu’il est sujet à des pressions US depuis un certain temps, pour tenir un point de presse dans lequel j’annoncerai la fin de notre alliance sinon, il subira des sanctions. Il m’a dit clairement : je n’accepterai pas les pressions US, parce que ceci affectera notre indépendance.
Je lui ai répondu : Vous êtes libre de prendre la position qui vous convient et qui vous laisse tranquille.
Je le dis à tous nos alliés : que chacun prenne la décision qui lui convient à la base de son patriotisme et de ses propres calculs. Et nous sommes prêts à fournir de l’aide là où nous pouvons le faire.
De toute façon, comment un pays qui exerce le terrorisme dans le monde, qui soutient les régimes les plus despotiques, qui vole et pille les richesses, vient sanctionner quelqu’un pour des accusations de corruption. Les USA sont à la tête du terrorisme mondial. Il est certain que la mesure US n’est qu’une politique de pression US.
Si le ministre Bassil dénoue son alliance avec le Hezbollah, les sanctions s’arrêteront et il ne restera plus corrompu. Les USA n’ont pas le droit de classer qui que ce soit au Liban dans la liste des corrompus, même s’il était notre adversaire. C’est une question d’indépendance.
La position de Gebrane Bassil est courageuse et patriotique qu’il faut prendre comme modèle dans la déontologie politique au Liban. Personne ne demande au Courant patriotique libre d’être à l’image du Hezbollah. Certes, il existe des divergences mais nous avons de nombreux intérêts à partager ensemble.
Bassil a fait preuve de force, d’indépendance et de patriotisme. Nous savons bien que la liste des demandes US s’allongera quand on répond à la première revendication. Nous devons tous renforcer nos liens dans l’intérêt de notre pays. Les USA doivent savoir qu’ils ne peuvent pas imposer aux Libanais de changer leur volonté patriotique.
La formation du gouvernement se réalise grâce aux efforts des deux présidents. Pour ce qui est du coronavirus, il faut respecter les mesures de précaution et le débat sur la fermeture totale ou partielle est un débat qui divise partout dans le monde».