Chili: le président exclut de démissionner, malgré trois semaines de crise sociale
Par AlAhed avec AFP
Il reconnaît qu’il est «responsable d’une partie» des «problèmes qui se sont accumulés depuis 30 ans» mais exclut de démissionner: en cette troisième semaine de contestation au Chili, le président Sebastian Pinera se dit ouvert à la discussion et n’écarte pas une réforme de la Constitution.
Cible de nombreuses critiques, le chef de l’Etat, qui gardait le silence depuis plusieurs jours, a balayé mardi 5 novembre l’éventualité d’une démission, que réclament de nombreux opposants.
«J’irai jusqu’à la fin de mon mandat. J’ai été élu démocratiquement, par une large majorité de Chiliens, j’ai un devoir et un engagement envers mes électeurs et envers tous les Chiliens», a affirmé M. Pinera, interrogé par la BBC.
Après avoir commencé par réprimer la crise sociale, décrétant l’état d’urgence, faisant appel aux militaires et instaurant un couvre-feu, le président s’est dit mardi pour la première fois ouvert au dialogue.
«Nous sommes disposés à discuter de tous les sujets, y compris une réforme de la Constitution», a déclaré le président chilien après plusieurs jours sans annonce, un fait inhabituel pour ce dirigeant hyperactif et omniprésent.
Approuvée en 1980 lors d’un référendum polémique sous la dictature, la Constitution a été rédigée pour garantir au régime d’Augusto Pinochet et aux partis conservateurs de conserver leur pouvoir, même une fois la dictature terminée en 1990.
Autocritique
Mardi, le président, ancien homme d’affaires milliardaire, encore impuissant à calmer la colère de son peuple, a annoncé un paquet de mesures pour les PME affectées par la crise. Les 6 800 entreprises concernées par les destructions, pillages et incendies depuis le début de la crise, devront bénéficier d’aides financières, d’assouplissements dans les paiements et de réductions d’impôts.
Sebastian Pinera, qui a dégringolé dans les sondages et affiche la popularité la plus basse depuis le retour de la démocratie en 1990, a concédé des erreurs et formulé des éléments d’autocritique.
«Nous n’avons pas écouté avec suffisamment d’attention, nous n’avons pas compris clairement le message. Et ceci n’est pas une critique dirigée uniquement envers le gouvernement», a-t-il expliqué, parlant de «problèmes accumulés ces 30 dernières années».
«J’assume ma responsabilité, mais je ne suis pas le seul», a-t-il ajouté, précisant qu’il pensait «augmenter les ressources» financières et «améliorer la qualité des politiques sociales».
Le président Pinera avait dû annoncer mercredi l’annulation du sommet de l’APEC (forum de coopération économique Asie-Pacifique) qui devait se tenir à Santiago les 16 et 17 novembre, et de la conférence de l’ONU sur le climat COP 25, également prévue dans la capitale en décembre. Ces deux évènements auraient dû permettre au Chili et à son président de briller sur la scène internationale.
Dix-huit jours après le début d’une fronde sociale inédite qui a fait 20 morts dans ce pays considéré jusqu’à récemment comme un des plus stables d’Amérique latine, la mobilisation ne faiblit pas. Des dizaines de milliers de manifestants sont descendus lundi dans les rues, donnant lieu à de violents affrontements avec les forces de l’ordre. Les manifestations quotidiennes ont été émaillées d’échauffourées, de pillages et d’accusations de violences policières.
La crise sociale a commencé le 18 octobre après l’annonce d’une augmentation du ticket de métro, qui a été depuis annulée sans faire retomber la colère populaire.
Révoltés par les inégalités sociales et une élite politique jugée totalement déconnectée du quotidien de la grande majorité des Chiliens, les manifestants réclament notamment une réforme du système de retraites et une révision de la Constitution, tous deux hérités de la période de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), ainsi que de profondes réformes du modèle économique ultralibéral chilien.