noscript

Please Wait...

Lorsque Israël est tombé amoureux de Siniora

Lorsque Israël est tombé amoureux de Siniora
folder_openWikileaks access_time depuis 13 années
starAJOUTER AUX FAVORIS

Mohamad Bdeir
Après que Fouad Siniora, l'ancien premier ministre libanais, a  versé des larmes  auprès des ministres arabes des Affaires étrangères réunis à Beyrouth lors de la dernière semaine de l'agression de juillet 2006, la réaction de Tel Aviv, à son égard, était un mélange de sévérité politique et du sarcasme. La ministre israélienne des Affaires étrangères de l'époque, Tsipi Livni, a appelé Siniora à essuyer ses larmes et agir pour assurer une meilleure vie aux civils qui les pleurent" soulignant que "le futur de la région dépend, en premier lieu, de lui et de ses decisions.
Ce que Livni ne voulait pas annoncer, pour des raisons connues est la position israélienne dissimulée envers Siniora. Une position qui n'a pas été dévoilée, comme le montrent les documents de Wikileaks, que lors des réunions à huit clos, où le sujet d'un partenariat objectif avec le PM libanais face au Hezbollah, selon Tel Aviv, peut être abordé sans avoir des retombées négatives sur Siniora.

Un partenariat basé non seulement sur "des intérêts communs" faisant du soutien du gouvernement de Siniora et des forces du 14 mars une politique officielle pour Israël, qui considère que toute tentative de l'effondrer la menace, voire sur des sentiments positifs, atteignant le degré d'amour, affichés par les responsables de Tel Aviv pour cet homme.
Le fait de feuilleter les télégrammes envoyés par l'ambassade américaine à Tel Aviv montre la grande place occupée par Siniora dans les pourparlers menés entre les responsables israéliens et leurs collègues américains dans le cadre de la coordination commune dans la direction de la guerre et de la période ultérieure. Une collaboration qui a débuté dès le premier jour de la guerre lorsque l'ambassadeur américain à Tel Aviv, Richard Jones, a notifié le ministre israélien du Tourisme, Isaac Herzog, qu'il est nécessaire que la riposte se concentre contre le Hezbollah et non pas contre le gouvernement libanais. Répondant à la question du Herzog sur le profit israélien de cette approche, Jones a clarifié que "l'attaque contre le gouvernement et les infrastructures libanais risque de renforcer le soutien libanais au Hezbollah et diminuer le soutien de la communauté internationale à Israël (document numéro 2728/2006).

Selon le document 2788/2006, Jones s'est basée dans sa demande sur des informations qui rapportent que "le cabinet libanais tiendra une réunion au même jour au cours de laquelle Siniora fera une déclaration critiquant les opérations du Hezbollah". Sur ce, l'ambassadeur américain a confirmé auprès de la présidente de la Knesset, Dalia Itzik, l'importance "qu'Israël n'adoptera pas des mesures qui compliqueront la mission de Siniora de rallier le soutien pour une déclaration ferme qui mettra le Hezbollah sous pression.

Jones n'a pas dévoilé la stratégie de Siniora. Cependant, le conseiller de la secrétaire d'Etat Philip Zelikow a accompli cette tâche dans une réunion de coordination avec le chef du Bureau de la sécurité diplomatique du ministère israélien de la Défense, Amos Gilad. Selon le document numéro 2961/2006, Zelikow a dit au cours d'un rapport sur la force internationale qui sera déployée au Liban après la fin de la guerre, présenté auprès de son interlocuteur israélien, que
“Fouad Siniora se dote d'une stratégie, celle de dénuer le Hezbollah de son prétexte utilisé dans la politique libanaise interne et l'isoler politiquement”. 
Les responsables de Tel Aviv n'avaient pas besoin d'une recommandation américaine pour prêter attention à Siniora. Selon la ministre israélienne des AE, Tsipi Livni, le gouvernement israélien connaît bien que le cabinet libanais représente un exploit pour la communauté internationale qui considère le gouvernement Siniora un pas vers un meilleur futur pour le Liban.
Pour cela, le gouvernement israélien a distingué entre le gouvernement libanais et le Hezbollah contre lequel il a concentré ses attaques.

Cependant, Livni a confirmé, auprès des représentants des délégations diplomatiques étrangères réunis en Israël le 7 août, la nécessité d'appliquer la résolution 1559 du Conseil de Sécurité, affirmant que "le gouvernement israélien admet la faiblesse du gouvernement Siniora", et soulignant "le besoin de la communauté internationale à des normes pour traiter des situations semblables à celle actuelle". Estimant que "la pression étrangère peut épauler les autres à adopter des décisions non-populaires", Livni a révélé que "la communauté internationale peut aider Siniora en adoptant des résolutions sans son approbation. De cette façon, il ne pourra pas atermoyer davantage".
Il est clair que "la faiblesse" de Siniora a déçu les Israéliens, une faiblesse qui, selon la plainte de Livni auprès du membre du Congrès américain, Robert Wexler, (document 3950/2006) "est aux dépens d'Israël". Dans un autre entretien avec le membre du Congrès Tom Lantos (document numéro 3433/2006), Livni a estimé que "peu de la pression étrangère aiderait Siniora à faire la bonne chose". "Nous connaissons que Siniora est faible. Nous le sommes aussi (le gouvernement israélien). Il est impossible de faire actuellement des gestes de bonne volonté, mais nous pouvons avoir recours à d'autres choses pour faire avancer la situation", a-t-elle ajouté.

Le Premier ministre israélien de l'époque Ehud Olmert a exprimé, auprès de Lantos, cette même position politique à l'égard de Siniora, mais avec plus d'émotion: "J'aime le PM libanais Fouad Siniora et je serais heureux de le rencontrer à tout moment", a-t-il dit. Selon le même document, Olmert a expliqué "qu'il comprend la faiblesse du gouvernement Siniora et connaît que cette faiblesse l'entrave de mettre la main sur les deux soldats israéliens et négocier pour les libérer". "Croyez-moi. Je connais tout sur la faiblesse gouvernementale. Je souhaite que ceux qui me demandent toujours d'aider à fortifier le président de l'Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas ou Siniora, connaissent à quel point je suis faible.
Cependant, la faible position politique du Siniora n'a pas changé l'opinion de Tel Aviv à son égard. C'est au moins que confirme le directeur général du ministère de la Défense Gabi Ashkinazi dans un entretien avec l'ambassadeur américain Richard Jones le 24 août. "Le PM libanais Fouad Siniora partagent les mêmes intérêts avec Israël, plus que les autres peuvent comprendre a affirmé Ashkinazi.
Indiquant qu'il a personnellement passé plusieurs années au Sud du Liban, Ashkinazi a confirmé la nécessité qu'Israël aide Siniora parce que "toute autre presonne ne pourra pas conduire le Liban vers la bonne direction". Lors d'un entretien avec l'assistante du président américain pour la sécurité intérieure et l'antiterrorisme, Frances Fragos Townsend (document numéro 4605/2006), Ashkinazi a reconfirmé la position de Tel Aviv à l'égard de Siniora affirmant que la politique d'Israël est de renforcer le gouvernement Siniora et les forces du 14 mars pour les rendre capables de faire face à Hezbollah". 
Cette position a été exprimée, au préalable, par Livni lors d'un entretien avec le chef du comité des renseignements au Congrès Peter Hoekstra (document 2950/2006) où elle a nié la présence des différends frontaliers et des malentendus entre Israël et le Liban qui partagent le même objectif qu'est le désarmement du Hezbollah afin de permettre au Liban de restaurer sa souveraineté sur l'ensemble de son territoire.

Concernant la manière de parvenir à cet objectif, le chef du Mossad Maïr Daghan explique sa vision à Hoekstra: "Les parties oeuvrant pour l'intérêt du Liban cherchent à rassembler les Chrétiens autour du patriarche Nasrallah Sfeir, les Druzes autour de Walid Jumblatt, les Sunnites autour du PM Fouad Siniora et le député Saad Hariri, et à diviser les Chiites afin que certains d'eux s'opposent fermement au Hezbollah".  Selon le document, Daghan a exprimé également son optimisme pour l'avenir du Liban si le Hezbollah a été désarmé". 

Les documents montrent que le point de vue de Daghan a été adopté par le service de renseignement militaire israélien Aman. Les officiers du service qui ont été désignés pour exposer devant une délégation de la commission des Affaires étrangères du Sénat un rapport détaillé sur les résultats de la guerre, ont souligné que "Siniora soutient et connaît bien l'importance d'une ingérence étrangère au Liban". "Siniora fait tout son possible pour renforcer les efforts de la communauté internationale pour stabiliser et améliorer la situation au Liban".

Dans un autre rapport sur la sécurité régionale et les menaces que subissent Israël, ces mêmes officiers,  soulignent après la guerre que "le Hezbollah demeure actif et il reconstruit rapidement ses capacités militaires avec l'aide de la Syrie et de l'Iran. Le danger actuel est que "le Hezbollah peut réussir dans le pari politique pour renverser le gouvernement libanais modéré du Premier ministre Siniora”.

//