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Arabie saoudite : MBS, le prince autocrate s’est fait de nombreux ennemis

Arabie saoudite : MBS, le prince autocrate s’est fait de nombreux ennemis
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Par AlAhed avec La Croix

Six mois après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, la gouvernance autoritaire du prince héritier saoudien fragilise le royaume.

Cela fera six mois mardi 2 avril que le journaliste saoudien Jamal Khashoggi était assassiné à Istanbul. Six mois au cours desquels le prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS) a renforcé son pouvoir, en dépit des remous suscités par l’affaire. Le roi Salmane, son père, a, semble-t-il, passé l’éponge, même s’il a récemment manifesté sa mauvaise humeur quand MBS a nommé, sans son aval, la princesse Reema bint Bandar au poste d’ambassadrice aux États-Unis, et son frère cadet Khalid ben Salmane comme ministre adjoint de la défense.

Vaste purge dans la famille régnante

Depuis l’arrivée aux commandes de MBS en juin 2017, une vaste purge a visé la famille régnante. Ses deux principaux rivaux, son cousin Mohammed ben Nayef, ex-prince héritier et ministre de l’intérieur, en charge des services de sécurité, et Mutaib bin Abdullah, ancien chef de la garde nationale ont été écartés et mis en résidence surveillée. « En emprisonnant ses ennemis et ses rivaux et en les forçant à faire allégeance, MBS s’est assuré que son pouvoir ne sera pas contesté à la mort de son père », explique Madawi Al-Rasheed, professeure invitée à la London School of Economics (LSE), en dénonçant le « mensonge systématique » de MBS, qui met en avant son combat contre le wahhabisme et sa prétendue promotion d’une religion plus tolérante.

MBS se garde bien de mentionner l’endoctrinement des Saoudiens pendant des décennies dans le strict respect de la tradition wahhabite radicale, l’exportation de l’extrémisme dans le monde musulman pour aider les États-Unis, pendant la Guerre froide, quand l’hégémonie américaine était menacée par le communisme et le nationalisme, et la promotion d’un « islam radical », longtemps un élément essentiel de la politique étrangère saoudienne.

Faire taire toute dissidence

Selon le « New York Times », dès 2017, le prince héritier a confié à une équipe dirigée par son éminence grise, Saud Al-Qahtani, la tâche de mener une campagne pour faire taire toute dissidence dans le royaume. Surveillance, enlèvements, détentions et torture font partie de la panoplie utilisée par ce « groupe d’intervention rapide », impliqué dans le meurtre de Jamal Kashoggi. La répression tous azimuts touche aussi bien les islamistes que des militantes pour le droit des femmes, des religieux, intellectuels et des activistes.

Parmi eux, Abdullah Hamid Ali al-Hamid et Mohammad Fahad al-Qahtan, cofondateurs de l’Association saoudienne pour les droits civils et politiques (ACPRA), et le prédicateur Salman al-Oudah, tous partisans d’une société civile authentique et d’une monarchie constitutionnelle. Sous la pression internationale, onze militantes des droits humains détenues depuis près d’un an ont été libérées dont certaines tout récemment : l’universitaire Aziza al-Yousef, la linguiste Emam al-Nafjan et Loujain al-Hathloul, arrêtée pour avoir voulu rejoindre les Émirats au volant d’une voiture, certaines ayant été victimes de torture et de harcèlement sexuel. D’autres, comme l’archéologue Hatoun al-Fassi, devraient l’être prochainement.

« MBS a instauré un règne de terreur sans précédent dans l’histoire moderne du royaume », analyse Bruce Riedel, expert à la Brookings Institution et spécialiste du Moyen-Orient. « L’assassinat de Khashoggi n’est que la partie visible de l’iceberg de la répression. Mohammed ben Nayef est toujours en résidence surveillée près de deux ans après son limogeage, et Internet est surveillé de près par l’État ».

Divisions dans l’establishment

Si MBS a consolidé son pouvoir, sur le plan intérieur comme sur la scène internationale, au vu de sa récente tournée asiatique, il semble plus vulnérable sur le long terme. Les réserves financières s’érodent, les revenus pétroliers diminuent, les investisseurs se font attendre. La détention de nombreux citoyens – y compris des membres de la famille royale – a créé des divisions dans l’establishment. La société militaire privée de l’Américain Erik Prince, un proche de Donald Trump, assure désormais la protection rapprochée du prince héritier qui s’est fait beaucoup d’ennemis.

« L’Arabie saoudite est passée d’une gouvernance collégiale avec une répartition des prébendes entre les différentes branches de la famille à une gouvernance autoritaire au profit d’une seule famille dans la branche des Sudairis » souligne Denis Bauchard, conseiller pour le Moyen-Orient à l’Ifri. « MBS pourra difficilement continuer à gouverner le royaume de cette façon sans provoquer des réactions. Un premier moment de vérité interviendra avec la mort du roi Salmane ou son incapacité totale. À terme, tout dépendra de sa relation avec les États-Unis. Son projet de construction de centrales nucléaires ne peut qu’inquiéter les Israéliens ».

L’Allemagne gèle ses ventes d’armes six mois de plus

Berlin a annoncé jeudi 28 mars la prolongation de six mois du gel de ses ventes d’armes à l’Arabie saoudite, jusqu’au 30 septembre. L’Allemagne avait imposé un gel sur les exportations vers Riyad, y compris les ventes déjà approuvées, depuis l’assassinat de Jamal Khashoggi à Istanbul, et en raison du conflit au Yémen. Cette décision avait envenimé ses relations avec la France et le Royaume-Uni, qui faisaient pression pour une levée du moratoire le 31 mars. Des systèmes communs avec la France et le Royaume-Uni sont en effet concernés par ce gel en raison de la présence de composants allemands.

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