L’interview de l’an effectuée par la chaine de télévision panarabe AlMayadeen
Chers téléspectateurs
Le phénomène sayed Hassan Nasrallah est étrange. Lorsqu’il s’exprime, il attire l’attention et lorsqu’il garde le silence, il attire aussi l’attention. Lorsqu’il est présent, il attire l’attention et lorsqu’il est absent, il le fait aussi. Lorsqu’il s’exprime devant un grand public, il attire l’attention et parvient à mobiliser les foules par sa seule fougue et lorsqu’il s’exprime en petit comité, il attire l’attention et il réussit à convaincre ses interlocuteurs grâce à son calme.
Il est vraiment étrange ce phénomène. Lorsque sayed Nasrallah s’adresse à l’ennemi, il attire l’attention des politiciens et des commentateurs et avant eux, celle des militaires et des responsables sécuritaires. Les analyses commencent et ne s’arrêtent plus. Aujourd’hui, nous sommes à l’ère des tweets. Certains sont sérieux et cherchent à analyser ce qu’il a voulu dire et d’autres sont légers et s’arrêtent à des considérations de forme : comment il a levé la main, comment il pointe son doigt, comment il touche ses lunettes et bouge ses lèvres.
Il est vraiment étrange ce phénomène, lorsqu’il prévient les responsables de l’occupation de ne pas se lancer dans de nouvelles aventures, il attire l’attention. Ceux-ci s’empressent de lui répondre en multipliant les messages rassurants. C’est arrivé à plusieurs reprises, indépendamment des dénégations des occupants et du niveau réduit de leurs guerres psychologiques. Lorsque l’homme le plus dangereux pour eux déclare qu’il ne cherche pas à déclencher une nouvelle guerre mais qu’il est prêt à riposter à toute agression, il attire l’attention. L’opinion publique israélienne le croit plus qu’elle ne croit ses propres dirigeants, indépendamment de l’arrogance des occupants qui refusent de reconnaître cette réalité et en dépit de la faiblesse de leurs armées électroniques et des campagnes qu’elles mènent, tout en portant de multiples nationalités, certaines locales et d’autres arabes....
Il est étrange le phénomène de sayed Nasrallah. Certains dirigeants arabes qualifient sa résistance de terrorisme et affirment qu’il ne commande pas mais au contraire il est commandé. Selon eux, son mouvement est une organisation fragile en dépit de son apparence forte. Son public nombreux est victime d’une désinformation qui utilise la religion. Mais si c’était le cas, pourquoi mener contre lui toutes ces guerres publiques ou secrètes, politiques, sécuritaires et médiatiques ? Pourquoi toute cette mobilisation contre lui si lui et son parti sont une illusion ? Pourquoi toutes ces sanctions sur un parti fragile et en pleine déliquescence ? Pourquoi ce blocus et ses contraintes sur un parti et un public qui n’ont aucune consistance ? Ici, je voudrais dire une chose pour être honnête : les partisans de la résistance et son environnement sont une exception dans notre monde moderne par les qualités dont ils font preuve : l’engagement, l’allégeance, la foi, la patience, le courage...IL faut donc poser une question : si sayed Nasrallah, son parti, sa résistance, son public, ses partisans et ses alliés au Liban, en Palestine et dans la oumma arabe ainsi que tous ceux qui battent pour la liberté dans le monde sont une quantité négligeable, pourquoi le silence mûrement choisi par cet homme attire tellement l’attention et fait l’objet de nombreux commentaires et autant d’analyses ? Même lorsqu’il décide de rompre le silence, les commentaires et les analyses se multiplient, cherchant à définir les raisons de la décision du sayed, tout en essayant à l’avance d’en circonscrire les effets ? Quoiqu’il fasse, il est au cœur de l’attention générale. Ses empreintes sont visibles en Palestine, et il a un grand impact au Yémen où le courage n’est plus à prouver. Il a aussi une influence non négligeable en Irak, notamment dans le cadre de la libération. En Syrie, qui affiche sa victoire sur le terrorisme et le takfirisme et sur la partition et l’effritement, il a aussi un grand rôle. Dans tous les pays arabes et au sud, il reste un grand symbole. Au sein de l’axe de la résistance, il est un chef opérationnel et efficace...Il y a d’ailleurs beaucoup à dire sur ce sujet. Pour toutes ces raisons, il attire l’attention. Lorsque nous avons cité son nom et créé un hashtag en disant que le sayed sort de son silence, selon son propre timing, des millions de personnes réagissent et nous les remercions toutes, une par une.
Nous disons ce soir avec calme et modestie, mais aussi avec clarté et confiance : l’entretien de l’année 2019 sera je l’espère un espace important sur le plan de l’information, de l’analyse et de la position. Cet entretien sera aussi truffé de messages et surtout il constituera un flagrant démenti à tous ceux qui ont répandu des mensonges et des rumeurs, avec un sadisme détestable. Ceux qui ont affirmé que cet entretien a été préenregistré devraient avoir honte maintenant ainsi que ceux qui ont dit que tout a été minutieusement préparé et convenu. Ils parlent en fait d’eux-mêmes.
Nous sommes donc ce soir en direct, quelque part au Liban dans un bel endroit reposant. Bonsoir sayed Hassan Nasrallah. Merci d’avoir répondu à notre demande et de nous accorder un peu de votre temps pour l’entretien de l’année.
Sayed Hasasn Nasrallah : Ahlan sahlan
Ghassan ben Jeddo : Nous avons reçu des centaines de milliers de questions mais je voudrais commencer par une remarque d’Abou Nour qui m’a conseillé de ne pas oublier de commencer l’entretien par Bismillah al Rahmane al Rahim. C’est ma 19ième rencontre avec vous et c’est l’entretien de l’année 2019. Bismillah al Rahmane al Rahim je commence aussi par une question qui a été formulée à plusieurs reprises : pourquoi avez-vous gardé le silence depuis le 10 novembre 2018 ?
SHN : Bismillah al Rahmane al rahim. Mon silence et mon éloignement des médias n’est sûrement pas dicté par des raisons de santé. Je reviendrai sur ce sujet car j’ai été beaucoup interrogé sur mon état de santé ces derniers temps. Je tiens donc à affirmer que tout ce qui a été dit sur ce sujet était des mensonges. Mon cerveau, mon cœur, mon corps et grâce à Dieu mon esprit, mon âme et mes émotions sont en bon état. Je n’ai pas de problème de santé et je n’ai pas eu un quelconque ennui de santé pendant cette période.
GBJ : N’êtes-vous pas allé à Shiraz ?
SHN : Ya reit ! cela ne s’est pas produit du tout. Dieu merci, je jouis d’une bonne santé, bien que je sois entré il y a quelques mois dans ma soixantième année. Tout ce qui a été donc dit à ce sujet sont des mensonges. Le plus drôle c’est que certains éditorialistes et certains sites ne se sont pas contentés de dire que j’étais malade. Ils ont été jusqu’à dire que j’étais mort et mis à la morgue depuis quelque temps et que le commandement du Hezbollah était en réunion exceptionnelle. Je dis cela pour alerter les gens sur l’époque dans laquelle nous vivons et où le mensonge est courant. Mais quand l’information vient d’un menteur, d’un ennemi plein de rancœur, il ne faut pas en tenir compte. Au sujet des raisons de mon silence, vous savez que je ne suis pas bavard. Je m’exprime lorsqu’il y a une occasion pour cela ou lorsqu’il le faut. A certaines occasions, je sens que je dois parler. Par exemple pour la commémoration des martyrs, le 16 février, je suis obligé de prononcer un discours. Cela fait partie de nos traditions au Hezbollah. Il y a donc des occasions au cours desquelles il est naturel que je m’exprime. Parfois, certains développements exigent que nous nous exprimions. Nous en parlons entre nous et nous décidons si c’est moi qui doit le faire ou quelqu’un d’autre du parti. Cela pour dire que nous ne parlons pas parce que nous en avons envie ou parce que nous aimons le faire. Il se trouve qu’en décembre et en janvier, nous n’avons pas d’occasions spéciales, comme la commémoration des chefs martyrs, Achoura , La Journée Al Qods etc. Dans la plupart des cas, ces occasions ne tombent pas en décembre ou janvier. S’il n’y a donc pas une raison spéciale, je n’apparais pas.
Deuxièmement, il y a eu des développements importants. Par exemple ce qu’on a appelé « le bouclier du Nord ». J’espère qu’on en parlera ce soir. Netanyhau avait flanqué à ses côtés l’ex-chef d’Etat major de l’armée Izenkot pour annoncer solennellement une opération militaire qui est moins qu’une guerre qu’il a appelée « le bouclier du Nord ». Il a mené une vaste opération médiatique. Nous nous sommes réunis entre frères pour évaluer l’opération. J’aurais pu m’exprimer le deuxième ou le troisième jour. Mais nous avons estimé qu’il était préférable de laisser Netanyahu Izenkot et les Israéliens achever leur opération. Il était clair pour nous qu’ils avaient besoin de cette vaste opération médiatique. Nous avons donc préféré ne pas les aider dans ce tapage et de ne pas faire partie de cette opération médiatique. Nous avons donc décidé de ne pas nous exprimer avant la fin de cette opération. Pour confirmer cette thèse, Izenkot a pris sa retraite depuis et il voulait afficher une réalisation avant son départ. Ils ont donc annoncé la fin de l’opération, qui, en réalité, n’est pas terminée, puisque hier encore, les bulldozers étaient encore à la recherche de tunnels. Aujourd’hui, c’est le congé du sabbat. Je ne suis pas sûr que les soldats chôment le samedi. Je crois qu’ils travaillent. Donc, Izenkot a annoncé la fin de l’opération qui n’est pas terminée juste pour pouvoir dire qu’il a fait cette réalisation, avant son départ à la retraite. Nous avons décidé de ne pas nous exprimer avant la fin ( officielle) de l’opération.
C’est dans ce climat, il y a quelques semaines, que l’on a commencé à parler de mon état de santé, de ma mort ou de mon départ pour Shiraz., quand ce n’était pas mon séjour dans un hôpital à Damas soigné par des médecins iraniens. Pour être franc, nous en avons aussi parlé avec les frères et nous avons estimé que les Israéliens cherchaient à me pousser à s’exprimer selon leur propre timing. Mais nous avons décidé de choisir nous-mêmes le timing.
Ensuite, nous ne voulons pas établir la règle selon laquelle chaque fois qu’un site ou un journaliste minables évoquent ma situation de santé, je dois apparaître pour démentir ces informations. Si je devais le faire, je devrais alors apparaître tous les jours. C’est pourquoi je dis à tous mes partisans et à l’ennemi aussi que nous ne sommes pas obligés de démentir les fausses informations. Il n’y a pas de règle à ce sujet. C’est nous qui décidons quand le faire. Nous ne voulons pas nous engager à le faire systématiquement.
De plus, nous nous sommes rencontrés vous et moi à la fin de l’année 2018 et nous nous sommes entendus pour faire cet entretien en janvier 2019. Si je m’étais exprimé auparavant, j’aurais peut-être été amené à me répéter. Je n’aime pas cela. Voilà toute l’histoire. En tout cas en février, je m’exprimerai à trois occasions.
GBJ : Je vous souhaite bonne santé et longue vie. Une remarque toutefois. Tout ce que vous dites donne le sentiment que vous vous adressez à l’ennemi. N’y avait-il pas moyen de rassurer ceux qui vous aiment et votre public ? Ils étaient inquiets à votre sujet.
SHN-Il y a eu des contacts internes, des questions, des indications et c’était suffisant. L’environnement interne commence à comprendre et doit se renforcer pour que les ennemis ne continuent pas à utiliser ce procédé.
GBJ-Parlons maintenant de l’opération « Bouclier du Nord ». Les Israéliens ont voulu que ce soit un grand événement pas seulement médiatique. Ils ont été au Conseil de sécurité. Israël a affirmé avoir découvert des tunnels du côté palestinien occupé et les a détruits. Quel est votre commentaire et franchement, avez-vous été surpris par la découverte par Israël des tunnels ?
SHN-Je vais parler en détail comme vous l’aimez et les Israéliens attendent cela. Je vais donc répondre à leur attente, les amis aussi d’ailleurs. Pour commencer, je voudrais préciser que je ne suis pas obligé de dire qui a creusé les tunnels. Nous préférons dans ces questions, adopter le flou constructif. Personne ne souhaite donner des informations aux Israéliens gratuitement. Jusqu’à maintenant, les Israéliens affirment que telle partie a creusé les tunnels et ils n’ont jamais donné une preuve de cela. Je ne suis pas obligé de dire ce que je ne dois pas dire. Mais ce que je dis est vrai.
GBJ-Il y a donc des tunnels ?
SHN-bien sûr il y a des tunnels et ils ont été découverts. C’est la réalité. Il y a donc des tunnels dans le sud du Liban, indépendamment de la date à laquelle ils ont été creusés, avant la 1701 ou après, avant la guerre de juillet 2006 ou après. Indépendamment aussi de qui les a creusés ou de leur nombre, ou encore de leur importance. Oui, il y a des tunnels. Les Israéliens en ont découvert certains après de nombreuses années. Ce n’est pas étonnant. Ce qui l’est c’est le temps qu’ont mis les Israéliens pour découvrir certains tunnels. La frontière chez nous est différente de celle de Gaza, elle est rocheuse et escarpée. C’est pourquoi il est difficile de creuser discrètement. Je voudrais revenir sur un point. Vous vous souvenez lorsque Barak était ministre de la guerre dans le gouvernement de Netanyahu, il était venu à la frontière Nord de la Palestine occupée et il avait déclaré à ses soldats vous devez être prêts au jour où votre commandement vous demandera d’envahir le Sud du Liban. J’ai prononcé un discours le lendemain et j’ai déclaré aux résistants : préparez-vous au jour où la résistance vous demandera d’occuper la Galilée. Depuis ce jour, nous avons un dossier qui s’appelle : le Hezbollah et la Galilée. Cela est lié aux développements des dernières semaines.
GBJ-Vous avez parlé d’anciens et de nouveaux tunnels. Y a-t-il donc des tunnels qui remontent à la période précédant la 1701 ?
SHN-Bien sûr. Cela confirme d’ailleurs l’échec des renseignements israéliens. Selon mes informations, au moins un des tunnels trouvés par les Israéliens remonte à 13 ou 14 ans. Il existe à l’intérieur des territoires palestiniens occupés. Pendant 14 ans, les moyens techniques et technologiques israéliens, les soldats et les services israéliens n’ont pas réussi à le découvrir sur le territoire qu’ils contrôlent. Les médias israéliens en ont parlé et ils ont dit que ce tunnel remontait à 13 ans. C’est une estimation assez précise. Je dis que certains tunnels ont été creusés avant la 1701. Ce qui est un échec des renseignements israéliens pendant plus de 13 ans.
GBJ-Selon vos informations, tous les tunnels ont-ils été découverts ?
SHN-Cela doit rester flou. Je répondrai à toutes vos questions. Et si vous oubliez quelque chose, je le dirais tout seul. Mais je voudrais préciser un fait. Yalon a déclaré pendant l’opération Bouclier du Nord (c’est un ancien ministre de la guerre et un ancien chef d’ Etat major) qu’il était au courant de l’existence des tunnels depuis deux ans, car les colons avaient signalé aux soldats qu’il y avait des opérations de forage à la frontière du Nord. Mais Yalon a dit que l’information avait été démentie sciemment parce que nous voulions berner l’ennemi. Aujourd’hui, je demande aux Israéliens s’ils sont sûrs que leurs responsables, Netanyahu et Izenkot ainsi que le nouveau chef d’ Etat major ne sont pas en train de leur mentir, comme cela a été le cas auparavant ? Vous devez vous assurer de ce point.
GBJ-Cela signifie-t-il que la menace de contrôler la Galilée est terminée ? Vous nous surprenez en disant que l’opération n’est pas terminée, alors qu’ils ont tenu une conférence de presse pour annoncer sa fin, en ajoutant que la menace a été éliminée ?
SHN-Netanyahu promet à son peuple cela pour lui donner une réalisation mensongère. Je voudrais justement développer ce point. Lorsque Netanyahu a donné sa conférence de presse, ayant à ses côtés, Izenkot, pour annoncer le début de l’opération Bouclier du Nord, destinée à neutraliser les tunnels qui faciliteraient l’offensive du Hezbollah vers la Galilée, il nous a fait un grand service médiatique. C’est d’ailleurs l’une des raisons de notre silence. Car, en général, Netanyahu, Izenkot et tous ceux qui sont comme eux traitent à la légère les menaces arabes, celles des Etats, des armées et des mouvements de résistance. Mais à travers cette conférence de presse, Netanyahu a dit à son peuple que les propos du Hezbollah sur une opération en Galilée étaient sérieux. Israël lance même une grande opération pour éliminer les possibilités d’une telle offensive. Plus même, les murs que nous voyons actuellement, les gros blocs de ciment et même le changement de la géographie des lieux limitrophes et le conflit avec le Liban au sujet de certaines collines sont dus à la crainte israélienne d’une attaque du Hezbollah en Galilée. J’ai même dit que s’ils ont tellement peur d’une éventualité, qu’auraient-ils fait si j’avais été affirmatif ? Nous n’avons pas encore atteint ce moment. Ce jour pourrait venir.
Ils ont donc fait tout cela parce qu’ils prenaient au sérieux la possibilité d’une attaque contre la Galilée. Ils n’ont pas pensé que ce sont des propos en l’air, comme c’est le cas de certains dirigeants arabes lorsqu’ils lancent des menaces contre Israël. Tout l’argent qu’ils dépensent aujourd’hui et toutes les manœuvres menées, la plus importante a eu lieu en 2017, dans le cadre d’une semaine de la défense du Nord et de la Galilée, c’est excellent pour nous. Ils nous ont facilité la tâche, si nous devions un jour déclarer que nous voulons envahir le Nord et la Galilée, nous n’aurons plus beaucoup d’efforts à faire pour convaincre les Israéliens de notre décision. Bien entendu, ils ont agi ainsi pour des raisons qui leur sont propres. Ils n’avaient pas l’intention de nous rendre service.
Le second service que Netanyahu et Izenkot nous ont rendus, c’est qu’ils ont introduit la peur et la panique dans les esprits et les cœurs des colons au Nord, sans contrepartie. Certains des adversaires de Netanyahu le lui ont d’ailleurs dit. J’ai vu des colons du Nord sur certaines chaînes étrangères qui disaient qu’avant l’opération Bouclier du Nord, nous étions plus rassurés. Nous pensions qu’il n’y avait pas de tunnels et tout ce dont nous avions peur, c’était que les missiles du Hezbollah nous tombent sur la tête si une guerre éclate. Nous avions même préparé dans ce but des abris sûrs. Nous ne savions pas qu’ils s’apprêtaient à entrer chez nous. Dans ce cas, où allons-nous nous réfugier ? En amplifiant la menace des tunnels, pour des raisons personnelles ( j’y reviendrai par la suite), Netanyahu nous a rendu un grand service dans le cadre de la guerre psychologique, en semant la peur dans l’esprit des colons dans le Nord de la Palestine occupée.
Vous devez être sûr, oustaz Ghassan que désormais si un colon dans les colonies du Nord entend un coup de marteau, il va immédiatement alerter l’armée israélienne. C’est le service que nous a rendus Netanyahu et c’est pour cela que nous nous sommes tus.
GBJ : je crains que vous n’ayez ainsi une instruction secrète à vos partisans au Sud pour donner des coups de marteau.
SHN-Izenkot, je ne parle pas de son remplaçant pour lui donner un peu de temps, a aussi trompé les Israéliens en leur disant que l’opération est terminée et qu’ils ont trouvé des tunnels qu’ils ont dynamités et donc fermés. Izenkot qui prétend être un stratège, peut-il croire que le Hezbollah, s’il voulait entrer dans la Galilée, se limiterait à 4 ou 5 tunnels, sur une ligne qui s’étend sur 100 kms ? Le Hezbollah pourrait-il engager des milliers de combattants dans une opération de ce genre avec juste 4 à 5 tunnels ? Quel cerveau militaire pourrait accepter cela ?
GBJ-Comment pourrait se faire le contrôle de la Galilée ?
SHN-Demandez-leur, ce sont eux qui vous le diront, leurs généraux. Je reconnais qu’ils sont sérieux, mais parfois, leurs intérêts personnels priment et ils se mettent à mentir et à ignorer les réalités. Mais les généraux qui connaissent leur métier ont déjà dit que si le Hezbollah décidait d’entrer en Galilée, il n’aurait pas besoin de tunnels. La nature géographique et démographique des lieux de notre côté est en notre faveur et elle diffère de celle du nord de la Galilée. Ce point était d’ailleurs souvent évoqué par Izhac Rabin, qui était un chef militaire historique chez l’ennemi. Pour pénétrer en Galilée, nous n’avons pas besoin de tunnels. Les tunnels peuvent certes aider de façon partielle et limitée. Mais une telle opération si elle était décidée doit être rapide et elle a besoin pour être réalisée de toute la frontière, des vallées, des collines et des montagnes. Si nous devions décider d’entrer en Galilée, les Israéliens ne sauraient pas par où nous le ferions. Je ne dis pas que dans une prochaine guerre, nous planifions de le faire, mais je dis que si une telle décision était prise, il ne s’agirait pas d’une entreprise élémentaire, mais d’un plan professionnel. Ils ne sauront pas par où nous comptons entrer, sous terre, au-dessus du sol, par air, d’une hauteur de plusieurs mètres... Il y a peu de temps, une des chaînes de télévision libanaises a fait un reportage sur le « moto cross », les motos qui font des bonds de trois mètres et plus, en disant que le Hezbollah a de l’expérience dans ce domaine.
En tout cas, personnellement, j’ai beaucoup ri en entendant Netanyahu et Izenkot que la menace à partir de la Galilée a été éliminée puisqu’ils ont découvert les tunnels. Il y a deux lacunes dans cette affirmation : d’abord qu’est-ce qui leur permet de dire qu’une éventuelle opération en Galilée se limiterait aux tunnels et qu’est-ce qui leur fait croire qu’ils ont trouvé tous les tunnels ?
GBJ-Si je devais résumer ce que vous avez dit jusqu’à présent, ce serait ainsi : Premièrement, votre stratégie ne comporte pas nécessairement une entrée en Galilée et le contrôle de cette zone. Mais vous pourriez être contraints à le faire si l’ennemi israélien vous attaque ou mène une vaste agression contre le Liban. Si une telle décision est prise, l’entrée en Galilée peut revêtir plusieurs formes, par des tunnels, par des motos en utilisant des milliers de combattants, comme vous venez de le dire, en venant du ciel ou par le sol. Mais le mur de ciment ne constitue-t-il pas une entrave, surtout qu’il est construit sur des points conflictuels entre le Liban et la Palestine occupée ?
SHN-Oui, selon notre plan pour protéger le Liban, nous estimons qu’il est de notre droit de prendre toutes les mesures défensives nécessaires. C’est ce que nous croyons. Si certains ne pensent pas comme nous, c’est leur affaire. Lorsqu’une autre partie pourra prendre toutes les mesures défensives nécessaires pour défendre le pays, nous nous retirerons. Mais tant que la force en question n’est pas prête, nous nous sentons concernés par la protection de notre pays. Face à la guerre totale dont nous menacent les Israéliens, nous devons avoir recours à tous nos éléments de force. Dans ce contexte, je le dis, le plan que nous avons mis au point te pour lequel nous nous sommes préparés prévoit l’entrée en Galilée. Mais tous les plans restent tributaires des développements de la guerre. C’est donc une partie de notre plan et nous avons la capacité de l’exécuter. Lorsqu’il y a la capacité, la décision dépend des circonstances, des données et des intérêts.
GBJ-Avez-vous cette capacité ?
SHN-Oui, sans aucun doute et cela depuis des années. Après l’expérience acquise en Syrie, c’est même devenu plus simple que nous ne l’avions cru. Maintenant ils construisent des murs dont le Coran avait parlé il y a 1400 ans. Ils construisent des murs et ne combattent qu’à travers des villages fortifiés. Ces lâches se cachent derrière les murs, mais nous avons trouvé une solution à cela.
GBJ-Comment cela ?
SHN- Je ne vous le dirais certainement pas.
GBJ-Bien sûr, ne nous donnez pas votre plan militaire. Mais comment avez-vous trouvé une solution aux murs ?
SHN-Tout a une solution. Ils ont des cerveaux. Nous aussi. L’essentiel est de faire travailler les nôtres.
GBJ-Vous menacez fréquemment l’ennemi israélien d’une riposte s’il décidait d’attaquer le Liban. Mais dans votre dernier discours en novembre, vous avez dit une phrase remarquable : vous avez dit si l’ennemi attaque, il le regrettera, qu’avez-vous voulu dire exactement ?
SHN-Lorsque cela se produira, chacun saura ce que signifie qu’ils le regretteront !
GBJ-Ne nous donnez pas de plan militaire, mais expliquez-nous ce que vous entendez par cette expression...
SHN-Cela signifie que l’ennemi ne songera plus à répéter son agression. Car le prix de cette agression sera beaucoup plus élevé qu’ils ne le croient. En fait, l’une de nos discussions ce soir est de pousser Netanyahu, le nouveau chef d’état-major et tous ceux qui sont à leurs côtés de ne pas faire une erreur d’évaluation, surtout en Syrie. Mais finissons d’abord avec l’affaire des tunnels.
GBJ- Mais je voudrais parler du regret. S’agit-il d’un regret global, ou bien qui touche les villes, les institutions et les constructions ? Cela signifie-t-il qu’ils regretteront leur attaque de la Galilée jusqu’à la frontière avec Gaza ?
SHN- Allez aussi loin que vous le voulez. Nos options sont ouvertes. De toute façon, les Américains et les Israéliens disent toujours que toutes les options sont ouvertes. Aujourd’hui que pour l’axe de la résistance, toutes les options sont aussi ouvertes. Nous ferons tout ce qu’il faut lors de la prochaine attaque, avec courage, sagesse et raison ( certains cachent leur lâcheté derrière la sagesse et la raison, ce n’est pas notre cas) pour renforcer la résistance et la dissuasion et aboutir à la victoire.
GBJ- Vous avez parlé de résistance et de victoire. La résistance signifie-t-elle que l’objectif est d’empêcher les Israéliens d’atteindre leur objectif de façon minimale ou d’une façon radicale et la victoire signifie-t-elle que vous voulez empêcher définitivement les Israéliens de lancer la moindre agression ?
SHN- C’est un grand débat qui porte sur des détails. Tantôt, nous parlons d’une agression globale, une guerre. Dans ce cas, nous demandons quels en sont les objectifs. A d’autres moments, nous ne parlons pas d’une guerre globale, mais d’une attaque précise destinée à modifier les règles de la confrontation. Nous ne permettrons pas à l’ennemi de modifier les règles de la confrontation pour nous en imposer d’autres. Nous avons atteint un niveau dans la dissuasion que nous devons au moins préserver. Nous devons aussi le renforcer au cas où l’ennemi décide de modifier les règles de la confrontation. Quant à la confrontation globale, c’est un grand sujet qui mérite à lui seul un entretien. Je parle donc pour le front libanais. A Gaza, nos frères palestiniens sont responsables et en Syrie nous en parlerons en Syrie.
GBJ-Que peut faire l’Israélien qui sera considéré par vous comme une tentative de modifier les règles de la confrontation ? La construction du mur avec le Liban par exemple ? Alors qu’il reste des points controversés entre le Liban et les Israéliens ?
SHN-Cela c’est une affaire différente qui n’a rien à voir avec les règles de la confrontation. Je me rappelle qu’à la veille du retrait israélien les 23, 24 et 25 mai 2000, j’avais prononcé un discours. J’avais dit, en réponse à une grande question : que fait le Hezbollah à la frontière ? J’avais donc dit que nous sommes principalement concernés par la libération d’un territoire libanais. On m’a alors demandé qu’est-ce que le territoire libanais pour vous ? J’ai répondu : ce n’est pas la résistance qui définit cela, mais l’Etat libanais. J’avais même précisé, l’Etat et pas le gouvernement, car il s’agit d’une question souveraine qui concerne le gouvernement, le Parlement, la présidence de la République, bref tout l’Etat. En tant que résistance, nous sommes concernés par la libération de la terre libanaise. A cette époque, en 2000, le président de la République Emile Lahoud, le Premier ministre Sélim Hoss et le président de la Chambre Nabih Berry ont considéré que les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba comme une terre libanaise. Nous avons respecté leur opinion et nous les avons considérées comme telles. Un officier de l’armée officiellement chargé par l’Etat de la mission s’est rendu sur place pour considérer ces territoires comme libanais, dans le cadre du tracé des frontières. Nous ne sommes pas intervenus ni de près ni de loin dans sa mission et d’ailleurs, auparavant, nous ne parlions pas des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba. Nous disions simplement la bande frontalière. Bien entendu, nous avons sur ce sujet, une approche intellectuelle, idéologique, juridique, constitutionnelle et politique. Mais nous ne sommes pas intervenus. C’est la responsabilité de l’Etat face au peuple libanais. De même, concernant le mur, nous nous tenons derrière l’Etat. La résistance se tient derrière l’armée. Je l’ai déjà dit. Nous attendons de voir comment l’Etat va gérer ce dossier. Nous définirons notre position sur cette base. Je parle donc de situations différentes si l’ennemi israélien bombarde des objectifs dans l’intérieur libanais ou effectue une opération sécuritaire à l’intérieur du territoire libanais ou s’il effectue un assassinat à l’intérieur libanais...
GBJ- L’assassinat de qui ?
SHN- N’importe quelle personne.
GBJ-De la résistance ou... ?
SHN-Un assassinat qui nous vise directement. Nous avons élargi le concept après l’assassinat de Quneïtra pour considérer que tout assassinat d’un de nos frères du Hezbollah en Syrie fera l’objet d’une riposte. Au Liban, il ne s’agit pas seulement de viser le Hezbollah. Tout ce qui est considéré comme une atteinte à la souveraineté et à la stabilité du Liban. J’ai donné ainsi des exemples mais ils ne sont pas limitatifs...
GBJ- Quand considèrerez-vous qu’Israël mène une guerre et non une attaque limitée ?
SHN-Il n’est pas besoin de donner des critères ; A ce moment-là, tout le monde sentira qu’il y a une guerre. Celle-ci a des critères visibles.
GBJ- La guerre signifie-t-elle des bombardements globaux et une invasion terrestre globale ? Si les Israéliens décident de bombarder des positions qu’ils considèrent essentielles du Hezbollah, des usines par exemples, comme ils le disent, comment le considèrerez-vous ?
SHN-Toute opération visant des objectifs même peu nombreux est une tentative de modifier les règles de la confrontation et la balance de la dissuasion. Nous nous comporterons alors sur cette base. Mais toute opération élargie, même si l’ennemi la considère limitée, sera considérée par nous comme une déclaration de guerre. Il n’y a pas de ligne de démarcation claire entre l’opération élargie et la déclaration de guerre, les deux mènent à une guerre...
GBJ- C’est cela qui est demandé, car parfois, les Israéliens peuvent faire une mauvaise évaluation et mener une opération qui vous visent en territoire libanais, en considérant qu’il s’agit d’une simple agression qui ne fera l’objet que d’une riposte limitée, alors que vous la considèrerez comme une attaque globale et une guerre qui exigent de votre part une grande riposte...
SHN-Tout cela se précisera dans l’évaluation à laquelle nous arriverons dans quelques instants. L’un des problèmes de 2019 est justement la crainte d’une mauvaise évaluation de la part du Premier ministre israélien qui traverse une crise morale ( il est accusé de corruption) et il cherche à détourner l’attention de toutes les façons possibles. Tantôt par l’affaire des tunnels qui est venue simultanément avec les accusations portées contre lui. Il n’a donc pas de problème à se présenter devant son peuple comme un héros de pacotille. Il n’hésite pas à introduire la terreur dans les esprits des habitants du Nord, juste pour se renforcer sur le plan judiciaire. Les affaires de corruption le minent. Il ne craint pas de mener la situation en Syrie au bord de la confrontation globale pour améliorer sa situation électorale et montrer qu’il est un ministre de la Défense solide, fort et capable. Je préviens donc les Israéliens. Je ne veux pas intervenir dans leurs élections, car pour nous, Netanyahu, Barak ou n’importe qui d’autre sont les mêmes. Mais pour eux, ils peuvent être différents. Les Israéliens doivent donc faire attention, d’ici jusqu’aux élections. Cet homme peut commettre des erreurs d’évaluation à cause de la crise qu’il traverse et de ses ambitions personnelles. Il est prêt à tout sacrifier pour rester Premier ministre et pour ne pas être emprisonné.
GBJ- S’il fait une mauvaise évaluation vous être prêts à la riposte ?
SHN-Nous et l’ensemble de l’axe dont nous faisons partie sommes prêts à la riposte. Bien entendu, la décision revient à l’axe. Nous parlerons de ces questions lorsque nous évoquerons chaque paya séparément. Concernant le Liban, j’ai été clair il y a deux mois, avant la période de silence. Il y avait à l’époque, des menaces israéliennes et des informations sur la volonté des Israéliens de bombarder tel ou tel autre lieu. J’avais alors dit aux Israéliens : si vous attaquez tel ou tel autre lieu comme vous pensez le faire, nous riposterons certainement.
GBJ-Je parlerai de l’axe plus tard. Mais je pose une question inspirée par de nombreux coups de fils et par les commentaires des téléspectateurs. Pensez-vous que d’ici aux élections, Netanyahu pourrait faire un mauvais calcul et lancer une agression, en pensant qu’elle est limitée, mais elle pourrait déclencher une large escalade militaire ? Je parle du Liban et non de la Syrie.
SHN-Je ne crois pas au Liban. Mais je ne peux pas éliminer cette éventualité. Je crois plutôt que là où il pourrait faire une mauvaise évaluation, c’est la Syrie, ou même à Gaza. Le Liban reste en tout cas en état d’alerte.
GBJ-Pourquoi ?
SHN-Parce que les circonstances sont différentes.
GBJ- Que signifie une mauvaise évaluation à Gaza ?
SHN- par exemple, exercer encore plus de pressions sur Gaza. Gaza n’acceptera pas de mourir de faim. Gaza n’accepte pas ce blocus et le fait de tuer ses habitants, les responsables, les cadres et les commandements. Gaza est prête surtout après la dernière victoire qui est réelle, psychologique, politique et militaire sur le terrain. Les habitants de Gaza ne permettront plus d’être ainsi attaqués et leur plafond n’est pas bas dans la façon de se comporter face aux agressions israéliennes.
GBJ-Que feront-ils ?
SHN-Comme ils ont agi dans le passé et même plus. Un seul missile est tombé à Askalan et en voyant ce missile franchir le premier seuil puis le second , tout l’Etat et la société se sont mobilisés pour revoir leur position à ce sujet.
GBJ- Ils ont revu la position au sujet d’une riposte militaire venant de Gaza ?
SHN- Bien sûr.
GBJ-Ce sont des informations ou de l’analyse ?
SHN-Il n’est pas besoin d’avoir des informations ou de faire des analyses. C’est une connaissance réelle des chefs, des moujahidins et du peuple de Gaza.
GBJ-Je sais cela. Mais comme je m’adresse à un pilier de l’axe de la résistance qui a des relations essentielles avec la résistance palestinienne...
SHN- Je peux vous assurer qu’ils ne seront pas conciliants...
GBJ- Nous avons reçu des questions de la part des téléspectateurs sur l’éventualité d’une agression contre Gaza...
SHN- Permettez-moi de conclure d’abord au sujet des tunnels, parce que c’est ce que j’ai prévu. Vous avez voulu m’emmener à Gaza. Mais j’ai encore quelque chose à dire sur les tunnels.
Je disais donc que Izenkot a aussi participé au fait d’effrayer les Israéliens. Que leur a-t-il dit ? Il n’a pas lié les tunnels à la guerre. Il a affirmé que le Hezbollah les a creusés pour pouvoir introduire 1500 combattants qui feraient des actes terroristes de nature à ébranler Israël. C’est lui qui a dit cela. Il n’a pas mis cela dans le cadre d’une guerre. Comme si par une nuit banale, les tunnels seront ouverts et 1500 combattants du Hezbollah s’introduiront en Galilée et y accompliront des attaques pour ébranler l’entité israélienne. En disant cela, il provoque une grande panique chez les Israéliens. Il a dit qu’il a fermé les tunnels. Mais qu’est ce qui prouve que d’autres ne seront pas creusés ? Malheureusement, tout ce qui compte pour Izenkot c’est d’achever son mandat en tant que chef d’état-major avec une grande réalisation virtuelle, même si elle doit se faire au détriment du sentiment de tranquillité des colons que nos frères palestiniens appellent les troupeaux qui colonisent le nord. Izenkot est parti mais le problème c’est que Netanyahu continue sur la même voie.
C’est pourquoi je dis que le sujet des tunnels a été amplifié. Il ne justifie pas l’opération Bouclier du Nord. Il aurait pu réagir par des mesures sur le terrain, l’envoi de militaires pour traiter la situation sur le terrain. C’est cela l’ampleur du problème. L’affaire des tunnels n’élimine pas l’opération en Galilée. Elle n’a aucune influence sur cette opération, même pas 10%. De même, l’affaire des tunnels a échoué politiquement. Les Israéliens espéraient sans doute à travers elle, créer une polémique et une division au Liban surtout que les Libanais font des polémiques sur tous les sujets. Heureusement, sur cette affaire, l’Etat a affiché une grande cohésion : le président de la République, le président de la Chambre, le Premier ministre et les ministres, l’opinion publique en général... et aucune brèche n’a été ouverte pour permettre à Netanyahu et à ses instruments médiatiques de s’y introduire pour influer sur l’intérieur libanais. Peut-être que notre silence sur cette question a contribué à préserver le climat de calme. Il y a donc eu un échec politique et médiatique israélien au Liban. De même, Netanyahu croyait en soulevant ce problème devant le Conseil de sécurité de l’ONU, mobiliser ce dernier pour obtenir une modification du mandat de la FINUL pour qu’elle se transforme en police travaillant pour le compte de Netanyahu. Les Israéliens avaient déjà essayé de le faire en 2006, puis l’an dernier et cette année. Ils n’ont pas pu atteindre leur objectif. La position officielle libanaise a un rôle à ce niveau. Pour être juste, je dois dire que le Liban, dans toutes ses composantes, a eu une attitude parfaite. Le Liban officiel a eu une attitude parfaite au Conseil de sécurité. Il faut aussi saluer la position du Koweit qui représentait les pays arabes au Conseil de sécurité. La position française s’est aussi distinguée de celle des Etats-Unis. Au final, Netanyahu a aussi échoué au Conseil de sécurité. A mon avis, il avait fixé à cette opération une série d’objectifs qu’il n’a pas atteints. Au contraire, il nous a rendus service sur le plan psychologique et médiatique. La seule réalisation est qu’il a découvert certains tunnels. On ne sait pas s’il les a découverts tous et en tout cas ce n’est pas la fin du monde.
GBJ-Et ils ne sont pas récents. Mais pouvez-vous qu’Izenkot que l’on présente comme l’un des meilleurs chefs d’état-major de l’armée israélienne, ayant de grandes réalisations au Liban et en Syrie, est passé à la retraite défait ?
SHN-Il est parti à la retraite et il a enregistré une grande réalisation virtuelle. S’ils voulaient en Israël lancer un véritable débat sur l’opération Bouclier du nord, ou celle des tunnels ( certains généraux l’ont fait), ils auraient abouti à la conclusion que l’appellation est une tromperie.
GBJ-Il s’agit d’une opération, moins qu’une guerre. Au plus, il s’agit de certaines mesures...
SHN- C’est bien moins qu’une opération.
GBJ-Comme l’opération du Litani comme ils l’avaient appelée
SHN- En l’entendant parler de cette opération, nous nopus étions attendus à ce qu’il découvre 20 ou 30 tunnels. Rien de tel n’est apparu.
GBJ- Y a-t-il un tel chiffre ?
SHN-Dieu seul le sait !
GBJ-Nous parlions du mur que sont en train de construire les Israéliens. Le Haut Conseil de défense libanais s’est réuni et en a discuté. Peut-être que vous devrez bientôt discuter de nouveau de la stratégie de défense. Ma question est la suivante : Considérez-vous que la position du Liban, qui n’a pas beaucoup bougé à la suite de la construction du mur, est normale ? Et ensuite, êtes-vous prêts de discuter de la stratégie de défense à la lumière de ce qui s’est passé ?
SHN- Lorsqu’il a été dit qu’un mur serait construit dans des points conflictuels, le Haut conseil de défense s’est réuni sous la présidence du chef de l’Etat et en présence du Premier ministre et des ministres concernés et des commandants militaires et sécuritaires. Il a été décidé d’empêcher les Israéliens de construire ce mur, sachant que pour le Liban, il ne s’agit pas de points controversés, puisque le Liban considère que ces points lui appartiennent, c’est la FINUL qui les qualifie de controversés. L’armée libanaise a donc été chargée d’empêcher les Israéliens de construire le mur même si elle doit tirer. Cela se passait il y a quelques mois. Sur la base de l’équation en or : armée-peuple-résistance et parce que la résistance fait partie du peuple, nous avons pris note de cette orientation officielle. Nos ministres sont présents au gouvernement, il est donc normal qu’ils soient au courant de cette orientation. Nous avons décidé de rester derrière l’armée. C’est pourquoi nous avons dit à nos frères de rester en contact. Nous ne voulons pas entreprendre la moindre action pour ne pas être accusés de vouloir entraîner le Liban vers une confrontation ou une guerre. Dieu merci, l’Etat libanais, les institutions publiques libanaises ont pris une décision forte à ce sujet et nous nous sommes placés à la disposition du commandant en chef de l’armée dans cette zone. L’armée a exprimé son intention de tirer si les Israéliens poursuivent la construction du mur et cette position a été communiquée aux Américains, aux Français, à la FINUL, aux Israéliens et à d’autres. Sur cette base, les israéliens ont suspendu les travaux et cela été considéré comme une grande réalisation.
Maintenant, il y a eu du nouveau et le Haut conseil de défense a tenu une réunion. Selon mes informations, la précédente décision a été confirmée. Il se peut qu’il y ait de nouveaux détails, j’en ai entendu parler aujourd’hui, mais en réalité, je n’ai pas eu le temps de m’en assurer. Mais ce que je sais, c’est que la décision libanaise est toujours en vigueur et il y a des contacts avec les Américains, les Français et les Russes pour empêcher Israël d’agir.
C’est une problématique. Il y a des tentatives. Les Israéliens cherchent un jour à mettre des pierres et le lendemain, ils s’arrêtent. Il revient ensuite avec les bulldozers. Il y a donc une situation confuse à la frontière. A mon avis, cette situation mérite qu’on s’y arrête. C’est la responsabilité de l’Etat et les responsables devraient à mon avis revoir ce qui se passe actuellement. Vont-ils laisser les Israéliens poursuivre la construction à leur convenance ? C’est une démarche qui sera négative pour tout le Liban, non pour une partie seulement. Ou alors, il faudra traiter la situation d’une façon déterminée. Si nous avons des idées ou des propositions, nous les présenterons par le biais de nos canaux directs avec les responsables de l’Etat, non à travers les médias.
GBJ- Etes-vous disposés à discuter de nouveau la stratégie de défense ?
SHN- Nous sommes toujours prêts à le faire. Lorsque nous l’avons fait en 2006 dans le cadre de la commission de dialogue national, j’avais proposé une vision globale et nul n’avait discuté avec moi. Il y a eu ensuite la guerre. Toutes les séances consacrées à ce sujet n’avaient pas le sérieux nécessaire pour un sujet aussi important. En tout cas, certains croient que nous sommes inquiets et que nous craignons le débat sur ce sujet. C’est faux. Nous avons une logique imparable, des arguments, la connaissance, l’expérience et les réalités, sans parler des réalisations. Nous irons à la séance consacrée à la stratégie de défense avec une valise pleine de documents, non d’une seule feuille. La feuille seule dit qu’il faut remettre les armes à l’armée. Est-ce là une stratégie de défense ? En résumé, lorsque nous serons conviés à discuter la stratégie de défense, nous irons sans conditions, à tout moment et dans n’importe quel lieu. Nous sommes prêts. Au contraire, nous souhaitons la discussion pour l’adoption d’une stratégie de défense nationale. Cela avait d’ailleurs figuré dans le document d’entente que nous avons signé avec le CPL.
GBJ-Comment expliquez-vous cette escalade verbale continue de la part de Netanyahu et de ses cadres ces derniers temps ? Ils sont sortis de la période de flou pour parler clairement de tout ce qu’ils font...
SHN-L’une des raisons de cette nouvelle attitude ce sont les développements en Syrie. Ces développements sont très importants. Les craintes des Israéliens en Syrie sont immenses. Pourquoi ? Car il y a un échec stratégique israélien en Syrie. Tout ce sur quoi Israël avait misé depuis 2011 a enregistré un flagrant échec. Netanyahu essaie donc en faisant beaucoup de bruit militaire et médiatique de cacher cet échec. Nous devons nous attendre, à partir de maintenant et jusqu’aux élections, à entendre beaucoup de bruit et même à un comportement peut-être peu sage de la part de Netanyahu. Nous savons que Lieberman lui a causé un problème à Gaza. Il y a aussi une tentative de le présenter comme un Premier ministre faible, lâche et fragile, qui n’a rien à voir avec les généraux. Il n’est pas de leur génération. Il veut donc affirmer son autorité même aux dépens des Israéliens et pas seulement aux dépens des peuples arabes, comme c’était généralement le cas. Ils avaient l’habitude de voter avec notre sang. Mais aujourd’hui, la crise dans laquelle ils se trouvent pourrait les faire voter avec leur propre sang.
GBJ- EN 1996, Pérès avait pensé de la même façon et il était faible. Il a lancé l’opération des Raisins de la Colère en croyant qu’elle allait lui être utile.
SHN- Il s’était appuyé sur Charm el Cheikh où tout le monde était avec lui.
GBJ- Mais il a alors échoué aux élections.
SHN- C’est parce qu’ils sont stupides.
GBJ-Les Israéliens répètent actuellement que la ligne rouge pour eux est que vous fabriquiez à l’intérieur du Liban ou à la frontière des missiles précis. Je me souviens qu’en 2006 ou 2007 vous aviez surpris tout le monde et surtout els Israéliens en disant que vous possédiez des missiles capables de toucher l’extrême sud de la Palestine occupée. Aujourd’hui, on dirait que les Israéliens découvrent aussi quelque chose de nouveau qui s’appelle les missiles de haute précision. Pouvez-nous nous en parler ?
SHN- A un moment donné, ils avaient un problème à nous voir posséder des missiles d’une portée maximale de 20 kms. En général, les mouvements de résistance ont des missiles katiochas de 19 à 21 kms. La résistance au Liban a possédé des missiles d’une portée de 40 kms qui touchent Haïfa. Ils ont essayé de changer cette situation. En vain. La résistance a été en possession de missiles qui allaient au-delà de Haïfa. Ensuite, comme nous l’avons dit pendant la guerre de juillet 2006, ce fut « au-delà, bien au-delà de Haïfa », c’est-à-dire Tel Aviv. C’est ce que nous voulions dire par cette expression. Pendant la guerre de juillet 2006, nous avons bombardé Haïfa, le centre du pays sans toucher Tel Aviv.
GBJ- Donc, en 2006 vous aviez en tête Tel Aviv, c’est la première fois que vous expliquez cela
SHN- Bien sûr, c’est le principal objectif au-delà de Haïfa. Pendant la guerre, lorsqu’ils ont menacé de bombarder Beyrouth, nous avons menacé de bombarder Tel Aviv. Moi, je ne peux pas menacer de quelque chose que je ne peux pas faire, que les moujahidins ne peuvent pas faire. Avec le temps, les Israéliens ont désespéré d’empêcher le Hezbollah de posséder des missiles de longue portée ( selon les dimensions du Liban et de la Palestine), forts et destructeurs. Ce problème n’a pas de solution. Maintenant, ils parlent du nombre, des centaines des milliers, c’est un détail. Ce n’est pas important. Un seul missile est tombé à Askalan et vous avez vu ce qui s’est passé. Imaginez que plusieurs missiles tombent en même temps sur Tel Aviv ! Demandez aux habitants de la ville ce qu’ils en pensent. Certains généraux sont sincères avec le peuple. Ils leur disent que la prochaine guerre ne sera pas comme les précédentes : elle aura lieu à la frontière alors que vous vivrez dans la sécurité. Cette fois, toute la Palestine occupée sera un champ de bataille. Nous avons obtenu les missiles de longue portée, même s’ils ne sont pas précis, ne peuvent-ils pas viser Tel Aviv ? Si, bien sûr. Ils peuvent atteindre des villes et des campements militaires, mais ils ne peuvent pas atteindre une cible précise, comme le ministère de la défense, l’aéroport, telle base aérienne par exemple. Un missile qui n’est pas de haute précision a une marge d’erreur assez grande. Ce qui n’est pas le cas du missile de haute précision, qui a une marge d’erreur de 5, 10 ou 15 mètres. 50 au plus. Lorsqu’on parle d’une base aérienne ou d’un grand bâtiment cela n’a pas d’importance. Je peux faire passer une plaisanterie sur les israéliens ?
GBJ- Allez-y !
SHN- Je voudrais dire aux Israéliens qu’il est dans leur intérêt de dire à Netanyahu qu’il doit laisser le Hezbollah posséder des missiles de haute précision. Car s’il décide un jour de bombarder une caserne militaire à Tel Aviv, s’il possède un missile de haute précision, il l’atteindra. Sinon, il y aura une marge d’erreur de 500 ou de 1000 mètres ! Donc, le missile tombera sur les gens. IL est donc dans leur intérêt que le Hezbollah possède des missiles de haute précision.
GBJ-Est-ce une plaisanterie ou une menace ?
SHN- Prenez-le comme vous le voulez.
GBJ- C’est une menace sous la forme d’une plaisanterie !
SHN-Comme vous voulez. En tout cas, il doit faire face maintenant au problème des missiles de haute précision. Il a continué à dire qu’il va bombarder la Syrie pour empêcher le Hezbollah de posséder ces missiles. Or j’ai déclaré il y a un mois, lors de la cérémonie de Achoura que cette affaire est terminée. C’est cela l’échec en Syrie. Aujourd’hui, il bombarde en Syrie sans objectif.
GBJ- C’est fini parce que vous possédez désormais des missiles de haute précision ?
SHN- Bien sûr. Nous en avons en quantité suffisante. Il n’a donc plus besoin de bombarder en Syrie pour nous empêcher de les posséder. Cet objectif est dépassé.
GBJ- Un nombre suffisant pour quoi ?
SHN-Pour la confrontation dans toute prochaine guerre.
GBJ- Le nombre suffisant pour bombarder quoi ?
SHN-Toute cible que nous fixons dans le cadre de notre plan pendant la guerre. Il réduit le sujet en parlant d’un petit nombre de missiles. Ok, pas de problème. Il manœuvre pour se sentir moins coincé et pour réduire la tension dans la région. Je ne vais pas discuter avec lui du nombre. Je dis simplement que cet objectif-là est dépassé. Bien entendu, il cherche à faire un grand tapage médiatique sur cette question. Il est allé aux Nations Unies et il a sorti la carte pour prétendre qu’il y a là une usine de fabrication de missiles et là, telle position, à l’emplacement du terrain d’entraînement du club sportif al Ahed. Dans le cadre de notre politique de flou, nous n’avons ni démenti, ni confirmé. Le ministre des Affaires étrangères Gebrane Bassil a pris une initiative très importante nous l’en remercions. Tous les ministères des Affaires étrangères ont en effet contacté le nôtre pour s’assurer de la véracité des propos de Netanyahu. Le ministre des Affaires étrangères a donc entraîné les ambassadeurs vers les lieux cités par Netanyahu. Il y a des conteneurs à Ouzaï. Ils ont été ouverts à la demande de certains correspondants de chaînes précises. Mais rien n’y a été trouvé. Cela signifie s’il faut en croire Netanyahu qu’en 24 heures, nous avons déplacé les missiles et les usines. Comme si nous pouvions le faire sans que les satellites et les avions d’espionnage qui pullulent dans le ciel et ne quittent pas celui de la banlieue sud ne le filment. Ses allégations se sont donc avérées fausses. Il a essayé de faire quelque chose de similaire avec l’affaire des tunnels.
En ce qui nous concerne, nous disons que nous possédons des missiles de haute précision. Ce dont nous avons besoin, nous le possédons. Nous n’avons plus besoin de le transporter. Tout ce dont nous avons besoin dans toute confrontation ou bataille qui seront imposées au Liban, nous l’avons. Nous ne manquons de rien. Peut-être qu’il considère que c’est peu ou un nombre réduit. Très bien. Que ses nerfs se calment. Je n’insiste pas aujourd’hui pour parler du nombre pour le coincer ou pour lui calmer les nerfs.
GBJ-Si nous voulons résumer : l’affaire des tunnels que les Israéliens ont soulevée en grande pompe ne vous a pas perturbés. De plus, ce qu’ils montrent comme une grande réalisation militaire est politique est virtuel. De même, cette affaire qui aurait dû être rassurante pour les colons dans le Nord de la Palestine occupée et en Galilée, avec la découverte et la destruction des tunnels est devenue au contraire une source de peur. Vous êtes aussi en train d’avertir Netanyahu pour qu’il n’aille pas trop loin et ne fasse pas de fausse estimation, car dans ce cas, votre riposte sera très violente et il regrettera son action. Enfin, vous affirmez posséder des missiles de haute précision qui peuvent atteindre tous les points figurant dans votre plan militaire. Maintenant, passons à la Syrie.
GBJ-Avant de poser la question, je voudrais dire que nous avons appris que certaines chaînes israéliennes sont en train de diffuser l’entretien en direct. Certaines ont même commencé à la commenter. C’est assez édifiant. Sur le plan syrien, sommes-nous sur le point d’aboutir à une victoire claire et définitive, ou bien la situation reste-t-elle complexe et on ne peut pas dire que la guerre touche à sa fin et que l’axe de la résistance et en particulier la Syrie ne peuvent pas parler d’une victoire proche ?
SHN- En Syrie, nous pouvons parler d’une grande victoire et nous sommes à l’étape finale. Mais on ne peut pas dire que le dossier est clos tant que la situation au nord, c’est-à-dire à Idlib, au Nord d’Alep et à l’est de l’Euphrate ( bien que le cas de ces deux régions soient différents)n’est pas encore réglée. Mais tous les dangers que nous avons craints et toutes les menaces qui pesaient sur le pays depuis 2011 ont été surmontés grâce à Dieu. Aujourd’hui, la situation en Syrie est préférable à celle qui prévalait en 2011 avant le déclenchement de la guerre. Même dans les dossiers qui restent en suspens, le commandement syrien est en position de force et il est à l’aise. Ce qui est très important. Le problème à l’Est de l’Euphrate concerne l’Etat syrien car il s’agit d’un territoire syrien, mais il en réalité, il concerne surtout la Turquie, les Kurdes et les Etats-Unis. En premier lieu. Il y a aussi un problème interne entre les Kurdes et les Arabes.. C’est aussi le cas dans la région d’Idlib et du Nord. L’armée syrienne, l’Etat et le commandement syriens sont en mesure de trancher la bataille du nord du pays avec l’aide de leurs alliés. Il se dirigeait vers cela après avoir libéré le Sud du pays. Mais, à ce moment, les interventions étrangères et régionales, les pays membres du processus d’Astana, les efforts turcs directs avec l’Etat russe et même, dans le cadre des rencontres d’Astana, les Iraniens n’étaient pas loin des débats, ont préféré recourir à d’autres façons de traiter le dossier du Nord, pour des raisons humanitaires liées sort de millions de réfugiés et pour éviter les bains de sang. Ils ont donc préféré une formule qui jusqu’à présent, n’a pas été couronnée de succès et qui continue d’être évaluée et discutée, créant une sorte de confusion dans les relations entre la Russie et la Turquie.
Il reste donc deux dossiers sur le terrain. Il faut préciser que l’Etat syrien contrôle une vaste partie de la région à l’est de l’Euphrate. Il faut aussi se rappeler qu’auparavant, dans cette région, les parties kurdes appuyées par les Américains essentiellement, mais aussi les Britanniques et les Français, avec notamment une présence américaine directe dans cette zone allant jusqu’à la frontière avec la Turquie, étaient donc en position de force et pensaient négocier avec le régime syrien sur cette base. (Je n’ai pas de problème à utiliser le terme de régime syrien. Certains le considèrent comme impropre. Pour moi, ce terme s’oppose au désordre et au chaos, mais dans notre vieux dictionnaire arabe, il a une mauvaise consonance). Donc, les parties kurdes appuyées par les Américains posaient des conditions élevées. Je ne crois pas que l’Etat syrien peut les accepter. Par ailleurs, les Turcs ont aussi un problème. Ils refusent le maintien des forces kurdes, même si elles sont intégrées à l’armée syrienne. Les Turcs ont un véritable problème avec cela, même si je ne crois pas que l’Etat syrien accepterait qu’il y ait dans son armée des unités à coloration religieuse, confessionnelle ou ethnique. La culture, la mentalité et l’idéologie syriennes n’acceptent pas cela. En tout cas, les Turcs considèrent que les kurdes et leurs partis sont une version syrienne du PKK. Par conséquent, ils sont des terroristes qui menacent la Turquie et sa sécurité nationale, car des deux côtés de la frontière, il y a des Kurdes. Les Turcs ont donc un problème, bien qu’étant les alliés des Etats-Unis, tout comme les Kurdes, qui considèrent que les Turcs cherchent à les éliminer. Il y a donc chez les deux alliés des Américains un véritable problème. L’Etat syrien pourrait être la solution. Quels sont les scénarios possibles ? Les relations entre Trump et Erdogan ont failli être rompues à cause du dossier de l’Est de l’Euphrate. Erdogan a accusé Trump de protéger des organisations terroristes qui menacent la sécurité nationale turque. Sur ces entrefaites, Trump annonce le retrait des troupes américaines de Syrie. Il a donc dit à Erdogan : la Syrie est à vous. Mais il a aussi terrifié les Kurdes et les alliés des Etats-Unis dans la région. Les Turcs semblent plus proches de l’option de mener une opération militaire dans cette zone, c’est-à-dire de mener une bataille avec les autres alliés des Américains entre les factions de l’opposition que les turcs appuient et les unités kurdes appuyées par les Américains et les Européens et qui continuent à être financées par les pays du Golfe.
GBJ- Les unités kurdes alliées aux Américains en Syrie sont financées par des fonds du Golfe ?
SHN-Certainement. Par l’Arabie saoudite et les Emirats, sur la base d’une décision américaine et d’une conviction saoudienne et émiratie. Nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous parlerons des Arabes et de la Syrie.
Aujourd’hui, le Turc veut envahir le territoire syrien, mais il a un problème avec les Américains et les Européens. En même temps, il porte atteinte à la souveraineté syrienne et il ignore l’issue de cette bataille. Le Russe n’est pas d’accord avec cette initiative turque et cela provoque une tension dans les relations entre les deux pays. Lors des précédentes rencontres, notamment lors de la visite à Moscou des ministres de la Défense et des Affaires étrangères ainsi que du responsable des Renseignements en Turquie, pour des pourparlers au sujet d’Idlib et de la région à l’Est de l’Euphrate, il n’y a pas eu de résultat. Selon mes informations, c’était un échec car il n’y a pas eu d’accord, juste des propos en général. Plus tard, Erdogan s’est rendu à Moscou pour trouver une solution. De retour dans son pays, il a parlé de l’accord d’Adana, qui avait été signé en 1998. C’est-à-dire lorsque Hafez Assad était président et qu’il fallait trouver une solution à la frontière au cas du PKK en mettant des lignes rouges à son action avec l’accord de la Turquie et de la Syrie.
GBJ-Le président Demirel était en place en Turquie.
SHN-Lorsque Erdogan parle du retour à l’accord d’Adana, cela signifie qu’il reconnaît que la seule solution à l’Est de l’Euphrate consiste dans le déploiement de l’armée syrienne officielle et légale le long de la frontière. Lorsque l’armée syrienne, le commandement et le régime syrien seront présents dans cette zone, à l’Est de l’Euphrate, ils pourront appliquer l’accord d’Adana. Aujourd’hui, il y a quelques heures, le ministère syrien des A2ffaires étrangères a déclaré être attaché à l’accord d’Adana alors que c’est la partie turque qui ne l’applique pas, en violant la frontière et en appuyant les terroristes qu’il arme aussi. C’est donc cela la solution et il y a une sorte de dialogue direct entre les deux parties.
GBJ-On dit aussi que les Turcs souhaitent amender cet accord pour permettre à l’armée turque de se déployer aussi à la frontière du côté syrien et pas seulement l’armée syrienne.
SHN- En tout cas, l’accord d’Adana est revenu sur le devant de la scène. Tantôt Erdogan dit qu’il veut l’appliquer tel quel et tantôt, il veut le rediscuter. Mais à mon avis, c’est dans tous les cas un développement positif.
GBJ-Il est obligé de le discuter avec l’Etat syrien auquel il refusait de parler
SHN- Je suppose que le commandement syrien n’est pas pressé de traiter cette question, celle des Kurdes. Il préfère prendre son temps. Je voudrais ajouter une petite chose. Je crois que d’ici peu la présence de Daech dans la petite poche face à Bou Kamal sera terminée par les unités kurdes appuyées par la coalition internationale. La superficie qui est encore sous le contrôle de Daech est très réduite : 7 kms de long et 10 de large, avec deux localités moyennes. Les combattants ont commencé à se rendre et leurs familles à partir. Ils font des accords. Seuls les combattants étrangers de Daech continuent de se battre. Finalement, ils vont se rendre et il y en a des milliers dans les camps des unités kurdes. Les Kurdes demandent à leurs pays respectifs de les récupérer. C’est un dossier ouvert. Lorsqu’on en aura fini avec Daech, nous serons tranquilles. Il n’y a aucun climat de bataille à venir entre les unités kurdes et l’armée et le commandement syriens. Le climat est à la négociation, au dialogue, à la recherche de solutions. Les contacts sont ouverts, ainsi que la ligne militaire, sécuritaire et politique. Ce sera à l'avantage de l’Etat syrien et cela nous reposera tous sur ce front. L’été dernier, lorsque Deir Ezzor et Bou Kamal ont été libérées, l’armée syrienne et ses alliés ont été empêchés d’en finir avec Daech par les Américains qui ont averti les Russes qu’ils bombarderaient toute avancée des troupes syriennes et alliées. C’est pourquoi nous nous sommes arrêtés devant l’Euphrate et la mission a été confiée aux unités kurdes, alors que nous aurions pu en finir avec Daech l’été dernier. Il s’agit d’une petite poche et cela leur a pris 7 ou 8 mois pour en finir. Cela signifie que cette bataille a été politisée. Pourquoi ont-ils accéléré le rythme maintenant ? Parce que M.Trump veut se retirer de Syrie et il ne peut pas laisser cette poche aux mains de Daech car il ne pourra plus alors dire : j’ai vaincu Daech et je sors de Syrie car la bataille est finie.
GBJ-Concernant Idlib ?
SHN-Nous devons suivre les discussions entre les Russes et les Turcs.
GBJ- Ai-je bien compris ? Etiez-vous en train de dire que l’an dernier l’armée syrienne et ses alliés étaient sur le point d’entrer dans un conflit militaire pour libérer Idlib, c’est bien cela ? C’est important parce que c’est vous qui le dites !
SHN- C’est vrai.
GBJ-Une libération complète ?
SHN- Un grand nombre d’unités militaires ont été déplacées du Sud et de la région de Damas vers la zone d’Idlib et la bataille était en préparation. Mais il y a eu ensuite les contacts internationaux, les Turcs et les Russes et Astana...
GBJ-A ce moment-là, même le Russe était d’accord pour la bataille ?
SHN-Je dirais même plus, il voulait l’accélérer. C’est du moins les informations qui m’étaient parvenues du commandement militaire. C’est lui qui poussait le commandement syrien et les alliés à se hâter dans le transport des forces vers le Nord. La politique est ensuite intervenue et il y a eu ce compromis.
GBJ- Que peut-il se passer dans l’avenir ? Vous savez que Hayaat Tahrir al Cham ( ex-Al Nosra) contrôle désormais toute la région là bas
SHN- Elle contrôle Idlib, l’Est et le Sud d’Alep. Ils ont des appellations différentes. IL y a ainsi la région du Bouclier de l’Euphrate, la région de la Branche d’olivier etc
GBJ-Je parle d’Idlib que Hayaat Tahrir al Cham contrôle. Est-elle une carte entre les mains des Turcs pour qu’il fasse du chantage avec elle ou fasse un compromis, ou bien se dirige-t-il vers une bataille militaire ?
SHN- Les options sont en réalité ouvertes. Bien entendu, aujourd’hui, tout le monde donne la priorité aux solutions politiques. Jusqu’à présent. En tout cas, sur le plan descriptif, le report de la confrontation à Idlib était prévu. Des groupes armés sont entrés en conflit dans des batailles horribles et c’est l’un des problèmes de ces groupes en Syrie. Les combats auxquels nous avons assisté ces derniers jours étaient durs et sans aucune règle. Ils se disent islamiques et ils ne respectent pas les règles morales de l’Islam et les règles humaines. Je suivais tout cela. En pratique, le Front al Nosra a liquidé les autres factions proches de la Turquie. Ce pays était-il d’accord avec cette opération ? C’est une question qui suscite des doutes. La Turquie était-elle incapable d’arrêter cette liquidation ou de l’empêcher ? La Turquie traite-t-elle avec le résultat de cette liquidation comme un fait accompli et cherche-t-elle à l’exploiter en sa faveur politiquement? Ces questions exigent des données et des informations pour leur trouver des réponses. Mais à mon avis, le contrôle du Front al Nosra sur un si grand espace géographique coince la Turquie car cette organisation est classée par le Conseil de sécurité et sur le plan international ( sauf quelques pays) parmi les organisations terroristes. Il ne s’agit donc pas d’un groupe syrien de l’opposition, islamique ou national que M. Erdogan peut protéger et dire que ses revendications sont légitimes et par conséquent, il doit faire partie de la solution politique en Syrie. Il y a donc une grande force militaire dans la région d’Idlib, classée terroriste et reconnue comme telle. La Russie traite avec elle comme telle et elle ne peut donc pas faire partie de la solution politique. Comment faut-il traiter cette question ? C’est pourquoi je crois que c’est difficile et à mon avis, la solution politique de ce problème est aussi difficile. Il a été question à un moment donné de pousser le Front al Nosra de fusionner avec d’autres groupes et de se noyer en eux pour qu’il soit dit : c’est un nouveau mouvement islamiste et national qui n’a rien à voir avec al Qaëda et avec le Front al Nosra. En d’autres termes, Al Nosra se serait transformée avec une autre structure et une autre hiérarchie, dotées d’une dimension nationale et islamique syrienne qui lui permettraient de faire partie de la solution, car l’idée de renverser le régime et d’arriver à Damas, c’était fini. Or, le Front al Nosra n’est pas capable de faire ce changement, ni Abou Mohammed al Joulani, ni sa mère, ni tous les combattants qui se battent sous des directives et qui sont venus des quatre coins du monde. Il s’agit d’une question idéologique de fond chez le Front al Nosra. Je crois donc que Idlib est un grand sujet. Je ne sais pas où il va. La Turquie est coincée. C’est pourquoi Erdogan a déclaré : nous nous sommes entendus sur l’importance d’affronter le terrorisme à Idlib.
GBJ-Jawich Ogloo
SHN- Même dans les discussions avec les Russes, les Turcs ne peuvent plus défendre le Front al Nosra et proposer de les intégrer dans la solution politique. C’est pourquoi soit la Turquie trouvera une solution à la situation à Idlib, peut-être pas maintenant, mais dans deux ou trois mois. Nous ne savons pas comment les choses peuvent évoluer. Soit il y aura une autre démarche. Je connais le président et le commandement syriens. Pour eux, il n’est pas possible de laisser une portion de territoire syrien entre les mains des groupes armés surtout ceux qui sont takfiristes et terroristes.
GBJ-Le résumé c’est que dans le Nord de la Syrie, La Turquie, les Etats-Unis , les Kurdes et les forces armées là-bas sont dans une impasse. Concernant Idlib qui est désormais sous le contrôle du Front al Nosra, une solution politique est impossible. D’abord parce que ce front est classé terroriste et ensuite parce qu’elle a un problème idéologique et structurel. Finalement, la solution sera probablement la libération de cette région des groupes takfiristes et le commandement syrien ne peut pas accepter qu’une poche soit laissée sous le contrôle de ces groupes même s’ils seront sous l’influence d’un autre Etat. Enfin, vous posez des questions sur la position de l’Etat turc.
Je vais revenir aux Etats-Unis, car c’est une question essentielle et stratégique pour la région. Trump a déclaré qu’il compte se retirer de Syrie qu’il a qualifiée de « sable et mort ». Selon vous, s’agit-il d’un retrait tactique qui vise à vous mettre tous dans l’impasse ou bien s’agit-il d’un retrait sérieux qui indique la défaite des Etats-Unis ?
SHN- A mon avis, chaque fois que Trump dit qu’il veut retirer ses troupes d’un endroit, il est sérieux et conséquent avec lui-même. Il avait fait des promesses électorales avant son élection et il cherche à les appliquer deux ans plus tard. Il avait dit, lors de sa campagne : Pourquoi envoyons-nous nos enfants à l’étranger, mourir et pourquoi payons-nous tout cet argent pour protéger les autres ? Il a dit : nous avions payé 7000 milliards de dollars et nous avons envoyé nos soldats et malgré cela, je me rends en Irak en secret. Cela signifie que nous avons échoué. Il dit aussi si les pays du Golfe et l’Arabie en particulier veulent que nous les protégions, ils doivent payer. Même chose pour l’Europe, le Japon. Obama parlait des droits de l’Homme, de la démocratie, des libertés, des élections. IL y avait beaucoup d’hypocrisie dans ses propos. Trump, lui, depuis le début, ne parle que de millions, de trillions, bred de dollars. Il ne respecte personne et ses propos, même à l’égard de l’Arabie étaient insultants. Même chose avec ses alliés comme les Européens et les pays du Golfe en général, la Corée du Sud, le Japon. Il tient des propos, comme certains l’ont dit, de « voyou de quartier ». Il veut faire payer les autres, à tort et à travers. Il veut piller les ressources et contrôler la décision politique et c’est tout ce qu’il voit : la protection contre les dollars. Il s’est donc engagé à retirer les troupes américaines. Que se passet-il en Afghanistan aujourd’hui ? Les Talibans ont annoncé qu’ils se sont réunis avec la délégation américaine présidée par Zalmay KhalilZada à Doha et ils se sont entendus sur le retrait de toutes les troupes étrangères d’Afghanistan dans un délai de 18 mois. C’est cela Trump. Il faut se baser sur cela pour parler du projet américain dans la région et au Liban.
Où vont les Etats-Unis dans notre région ?
En Syrie, je crois que depuis le premier jour de son élection à la présidence, Donald Trump voulait retirer ses troupes de Syrie qui y avaient été envoyées dans le cadre des forces de la coalition internationale sous Obama. Mais son équipe a dû lui dire : faites attention, cela pourrait servir les intérêts de la Russie, de l’Iran et du président Assad. Il a donc obéi et il s’est lancé dans l’aventure. Mais avec le temps, il a découvert que c’était inutile. C’est pourquoi, il y a sept mois, je crois, il était en train de prononcer un discours dans un meeting et il a improvisé en disant : Nous comptons nous retirer de Syrie, prochainement, très prochainement. Nous sommes dans une période où il faut vérifier les traductions. J’avais demandé à un proche s’il possédait le texte exact en anglais et il a vérifié. Il avait réellement ces termes. Les propos de Trump ont soulevé un tollé de la part de Mathis ( l’ancien ministre de la Défense) et d’autres. Ils ont qualifié la décision de Trump d’improvisation qui sert les intérêts de l’Iran, de la Russie et du président Assad. Selon eux, en exécutant sa décision, Trump serait en train de donner à ceux-là une victoire gratuite. Là je vais vous faire une révélation importante. Les conseillers de Trump lui ont dit, si vous tenez à retirer les troupes américaines, il faut obtenir une réalisation auparavant. IL leur a répondu : pas de problème, de combien de temps avez-vous besoin pour réaliser quelque chose ? Ils ont parlé de six mois. Ce délai n’a pas été officiellement annoncé, mais des médias américains ont affirmé que Trump avait donné six mois à son ministre de la Défense pour remporter une victoire avant de retirer les troupes de Syrie.
Les Américains ont alors contacté les Russes pour leur dire : nous sommes prêts à nous retirer de Syrie et à n’y laisser aucun soldat américain. Nous sommes mêmes prêts à nous retirer de Tanaf, à condition que les forces iraniennes et le Hezbollah quittent aussi la Syrie. Si vous en parlez aux Iraniens et à Assad, nous sommes prêts à un retrait simultané et total des troupes américaines et iraniennes de Syrie. Poutine en a parlé avec Rouhani qui m’a envoyé un émissaire à ce sujet et les Russes ont envoyé une délégation de haut rang auprès du président Assad. Il y a donc eu des concertations entre les Russes, les Iraniens et les Syriens à ce sujet et je fais partie des personnes qui ont été consultées. Lorsqu’on m’a demandé mon opinion, j’ai dit que les Américains vont se retirer de toute façon. Ils cherchent à obtenir un lot de consolation pour sauver leur face et dire : nous partons après avoir obtenu une grande victoire. Trump pourrait considérer cela comme une grande victoire, ainsi que Netanyahu. Les Iraniens ont refusé et ils ont dit que notre présence en Syrie est due à une demande des autorités syriennes. Nous sommes venus en Syrie pour combattre les terroristes et les takfiristes. Comme ils sont encore là, notre présence est toujours utile. Le président Assad a donné la même réponse. Il a affirmé refuser le départ des Iraniens. Je ne parle pas de troupes car ce terme n’est pas conforme à la réalité. En Syrie, il y a des généraux iraniens, des conseillers, des experts en logistiques, des officiers, mais pas de soldats. En tout cas, Assad a refusé la proposition et il a affirmé qu’il ne met pas les troupes américaines et les Iraniens sur le même plan. Les Iraniens sont venus à notre demande, a-t-il dit, et les autres sont des occupants qui appuient mes ennemis. La bataille n’est pas terminée et s’ils décidaient de partir je leur demanderais de rester. Les Russes n’ont pas exercé de pression pour modifier les positions. Ils se sont contentés de transmettre un message. Je dis cela car il y a dans les médias des tentatives de semer la discorde entre les Iraniens et les Russes. Une fois la réponse obtenue, les Russes l’ont transmise aux Américains et l’affaire en est restée là. Trump a compris que cette tentative n’a pas été efficace. Il a donc poussé les troupes à augmenter les attaques contre Daech. Vous pouvez remarquer que les raids américains se sont multipliés ces derniers temps contre Daech à Deir Ezzor et il y a même eu des carnages. Le délai de six mois a expiré. Trump n’a surpris personne. Mathis et les responsables militaires savaient que le délai de six mois allait expirer. Ils n’ont rien pu faire et Trump a pris la décision du retrait comme il l’avait prévu.
Pourquoi veut-il se retirer de Syrie ? Il l’a dit lui-même : c’est du sable et de la mort ! En fait, ni le peuple syrien, ni l’avenir de la Syrie, ni la démocratie, les élections, la liberté ne signifient rien pour lui. Pour lui, ce qui compte, c’est Israël, quelques lignes rouges, quelques limites et quelques groupes, c’est tout. Il dit qu’il peut obtenir ce qu’il veut par l’hégémonie politique et les pressions, à travers la solution politique, tout en maintenant la possibilité des raids aériens. D’ailleurs, lorsqu’ils ont bombardé Damas avec des armes chimiques, ils sont venus de » la base américaine au Qatar par la Mer Méditerranée. Ils n’ont donc pas besoin d’avoir des bases en Syrie pour maintenir leur pression militaire sur ce pays. Trump compte donc se retirer de l’Est de l’Euphrate et il tient ainsi une de ses promesses électorales. Mais en même temps, c’est le signe d’un échec. Le retrait des forces américaines de Syrie, d’Afghanistan et d’Irak ainsi que l’allégement de la présence américaine dans la région et la recherche d’une nouvelle stratégie, c’est ce que j’appelle « la version trumpienne » du projet américain.
GBJ-Trump ne fait donc pas des manœuvres. Il est sérieux dans sa décision. Mais c’est comme vous le dites, le signe d’un échec non pas seulement pour Trump mais peut-être pour l’ensemble du projet américain...
SHN- C’est un échec et une défaite. Mais cela a créé un flou et un malaise dans la région. La question qui se pose est la suivante : jusqu’à quand il pourra continuer à être le gendarme de la région ? Il a donné plus d’un signe sur sa conviction que les troupes américaines ne devraient pas rester dans la région. Ce qui signifie qu’un jour il quittera Israël et vous imaginez ce que sa décision de retrait a provoqué chez ses alliés du Golfe qui sont aussi les ennemis de la Syrie ? Tous les alliés des Etats-Unis qu’il s’agisse d’Etats, de partis ou de personnalités ont pris peur. Ils ont éprouvé un grand désenchantement et une grande peur. D’autant que Trump leur a dit : sans nous, vous ne tiendrez pas une semaine, sans nous, en Arabie on parlerait le persan etc...Tout cela a créé un véritable malaise...Un grand nombre de groupes et de partis, notamment les partis kurdes sont venus à Beyrouth et ont demandé à rencontrer le Hezbollah. Ils sont aussi allés à Moscou et en Irak et ils ont sollicité une médiation irakienne avec la Syrie.
GBJ-De qui parlez-vous exactement ? Des Forces de la Syrie démocratique ?
SHN- Les Forces démocratiques de la Syrie, je veux dire les parties chargées des négociations politiques. Elles ont été à Moscou, Bagdad et Beyrouth. Pourquoi ? Parce qu’elles se sont senties trahies. C’est le cas à l’Est de l’Euphrate. Sur le plan des Etats, tous ont commencé à améliorer leur relation avec la Russie et certains ont voulu revoir leur relation avec l’Iran. De même, il a été question de l’arabité de la Syrie, aujourd’hui ou demain...
GBJ- Expliquez-nous un peu plus ce point
SHN- C’est ainsi que je comprends ce qui s’est passé ces derniers jours comme la réouverture de l’ambassade des Emirats à Damas.
GBJ- Avant cela, il y a eu la visite du président soudanais Omar el Bachir
SHN- Exactement. Le président al Bachir est venu seul en Syrie ?
GBJ- Quelles sont vos informations à ce sujet ?
SHN- Il est venu avec un feu vert saoudien
GBJ- Ce sont des informations
SHN- Oui. Il avait un feu vert saoudien et du Golfe. Ces derniers temps, le président al Bachir a rallié ce camp et la visite au président Bachar Assad signifie beaucoup pour eux.
GBJ- N’était-ce pas une idée russe qui a fortement irrité l’Arabie saoudite et les Emirats ?
SHN-Le problème entre le président al Bachir et l’Arabie saoudite n’a rien à voir avec sa visite en Syrie. Il est lié aux promesses et aux engagements financiers qui ont été pris lorsqu’il avait envoyé des unités de l’armée soudanaise combattre au Yémen. En tout cas, cette visite, la réouverture de l’ambassade des Emirats, la promesse du ministre des Affaires étrangères de Bahrein – A ce propos, il fait préciser que le ministre a menti en disant que l’ambassade de son pays est restée ouverte – tout cela, ainsi que les informations sur une visite du général Mamelouk en Egypte et sur une possible visite du président Sissi à Damas et une autre du président mauritanien, montrent qu’il y a un nouveau climat arabe à l’égard de la Syrie. Pourquoi ? C’est lié à la décision de Trump et à la démission de Mathis, ce dernier constituait un facteur rassurant pour beaucoup. Il y a donc désormais une grande peur chez les gens de l’Arabie et des Emirats, ces deux Etats en particulier. Ils ont tenu une réunion d’évaluation de la situation en Syrie à haut niveau à Abou Dhabi. Ils ont abouti à la conclusion que la guerre contre le président Assad est terminée, les parties qu’ils appuyaient ont échoué. Toutes les parties qu’ils finançaient sont désormais dans le giron d’Erdogan. Autrement dit tous ceux que les Saoudiens, les Emiratis et Israël ont financé dans le Sud de la Syrie sont désormais au Nord, sous l’influence d’Erdogan. La bataille contre Assad est terminée pour eux et tous leurs hommes, groupes et factions ont été soit exilés, soit envoyés au Nord. Le président Assad est un fait accompli, l’Etat syrien est sorti victorieux, ainsi que l’axe adverse. C’est là qu’intervient la décision de Trump de se retirer. Les Kurdes n’ont plus d’autre choix que de rallier le président et le régime, sinon, ils devront laisser les Turcs entrer à l’Est de l’Euphrate. D’une certaine façon, Trump a dit à Erdogan : La Syrie est à toi. Mais si la Turquie décide d’envahir la Syrie, cela devient un projet dangereux pour les Emirats et pour l’Arabie. Pouvez-vous imaginer que dans leur évaluation, ils en sont arrivés là ? Pour eux, le danger principal pour la Syrie n’est pas l’Iran, mais la Turquie. L’Iran vient en second. Le président Assad qui s’est imposé dans l’équation vient probablement à la troisième position. Par contre, leur position à l’égard de la Russie est moins catégorique. Ils peuvent chercher une sorte d’entente pour qu’elle devienne une garantie. Ils ont donc considéré que le principal danger venait de la Turquie, car ils pensent toujours en fonction de la confession. Pour eux, l’Iran reste avant tout un etat chiite et par conséquent, son influence en Syrie est limitée. C’est ainsi qu’ils pensent, je suis désolée de parler avec une telle franchise. Pour eux, si la Turquie envahit la Syrie, qui pourra l’en chasser ? Ils sont inquiets pour le peuple syrien ? Pas du tout ! Pour eux, le projet turc est un projet turco-qatari et Frères musulmans. La victoire de la Turquie en Syrie donnerait un nouvel élan à ce projet qui, selon eux, vise le régime saoudien, le régime émirati et le régime égyptien etc...C’est pourquoi, dans leur évaluation, il est préférable de s’ouvrir sur le président syrien et sur l’Etat syrien, tout en préservant leur adversité avec l’Iran et en cherchant à s’entendre avec la Russie pour empêcher la progression du projet d’Erdogan en Syrie et dans la région.
GBJ- Que s’est-il passé pour qu’ils renoncent à s’ouvrir sur Damas ?
SHN- L’ouverture a commencé. Il a été question du retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Le président al Bachir en a parlé avec le président Assad et la position de ce dernier n’était pas une surprise.
GBJ- De quoi s’agit-il ? Quelles sont vos informations ?
SHN-Il lui a demandé que la Syrie écrive une lettre pour réclamer son retour au sein de la Ligue arabe, en disant que la situation a changé et que la Syrie tient à l’unité arabe et à l’harmonie entre les pays arabes. C’est pourquoi elle souhaite revenir au sein de la Ligue. La réponse syrienne a été la suivante : nous ne sommes pas sortis de la Ligue pour demander à y revenir. Nous n’avons pas démissionné pour revenir sur cette démission. Celui qui a pris la décision de nous sortir doit nous demander de revenir. C’est une position digne et respectable qui ne nous surprend pas. Si les dirigeants arabes croient qu’il leur suffit de faire un signe du doigt à la Syrie pour qu’elle se précipite chez eux, ils se trompent. La Syrie reviendra au monde arabe. C’est dans son intérêt, mais la tête haute et sa dignité préservée.
L’élément nouveau qui a arrêté ce processus qui avait commencé, c’est qu’il y a eu une évaluation chez les Américains. Ils ont vu l’état de peur dans lequel se sont trouvés leurs alliés, chacun cherchant un nouveau protecteur, soit en Russie, soit à Damas. Ils en ont même oublié l’Iran, ne songeant plus qu’à la menace venant de Turquie. Et je ne parle pas du Liban, où les parties et personnalités qui avaient misé sur les Américains et sur la chute du régime syrien, dans quel état elles se sont retrouvées ! Il a donc été décidé d’envoyer Pompéo dans la région. L’objectif de sa tournée était de remonter le moral des déçus de la décision du retrait américain et de les empêcher d’aller vers d’autres options. Il fallait les rassurer d’autant que certains d’entre eux commençaient à craindre pour leurs trônes. Pompéo avait pour mission de leur dire que les Américains ne se retirent pas de la région. Preuve en est, il faut participer à la Conférence de Varsovie pour contrer l’influence de l’Iran. Cela en apparence. David Hale a été envoyé au Liban, car Pompéo est trop important pour venir au Liban. Hale était porteur du même message pour rassurer les effrayés, les déçus et les désenchantés par la décision du retrait américain de Syrie.
A ce sujet, je voudrais conclure par une phrase : les Américains ne peuvent pas faire plus qu’ils n’ont déjà fait. Je dis aux gouvernements de la région, aux peuples, aux mouvements et à Israël ( nous y revenons toujours), les Américains vont quitter la région. Ils pourront prendre un peu de retard, deux ou trois mois, mais ils vont partir. Ils s’en vont d’Afghanistan. A qui laissent-ils ce pays ? Aux Talibans ! Selon les termes de l’accord, ces derniers se sont engagés à ne pas permettre le retour d’Al Qaëda et de Daech en Afghanistan. Finalement, les Talibans sont le gouvernement du futur qui fournit des garanties aux Américains ! N’est-ce pas là une flagrante défaite des Etats-Unis en Afghanistan ? Les Talibans sont classés par les Américains parmi les organisations terroristes.
Les Américains s’en vont et ils ne sont pas en mesure de mener une guerre. Ni pour les beaux yeux de MBS ni pour ceux de Mohammed ben Zayed ni encore pour ceux de Netanyahu qui est de loin leur préféré. La situation interne et économique des Etats-Unis ne leur permet pas de mener une nouvelle guerre dans notre région. Dans ce cas que peuvent faire les Américains ? Ils veulent rassembler les gouvernants, les forces en présence, avec leur argent et leurs médias et en utilisant leur sang pour les mobiliser contre l’Iran qui fête actuellement le quarantième anniversaire de sa révolution. Mais dites-moi un peu que peuvent faire de plus les Etats-Unis et tous les tyrans de la terre pour faire chuter la République islamique, alors qu’ils ont déjà tout essayé depuis 40 ans ?
GBJ-Vous nous avez donné une information très importante sur le fait que les Américains ont réussi à freiner l’élan des pays arabes en direction de Damas...
SHN- Ces n’est pas si difficile que cela ; on les freine facilement. Vous supposez que ces Etats sont courageux, indépendants et dotés d’une volonté réelle qui pourrait leur permettre de se rebeller contre leur maître américain. Ce n’est pas le cas.
GBJ-Ce que j’ai voulu dire c’est que les Américains ont réussi à reconstruire l’axe autour d’eux, avec les Emirats, l’Arabie et tous les Etats considérés comme modérés.
SHN-Cela ne s’appelle pas une réussite. Je dirais plutôt qu’il s’agit d’empêcher l’effondrement rapide de l’axe...
GBJ- L’élan vers la Syrie s’est-il ralenti ou a-t-il été arrêté ?
SHN-Ce que nous avons entendu et qui nous a été rapporté c’est plutôt : « mollo mollo ». Ce n’est pas encore clair s’il s’agit de maintenir la rupture totale ou non. Je vous donne un indice. Il y a deux jours, il y a eu une rencontre entre deux délégations économiques, l’une émiratie l’autre syrienne. Je ne sais pas si la rencontre a eu lieu à Damas ou aux Emirats et à quel niveau. Mais je crois que ces rencontres vont se poursuivre. On saura bientôt si la délégation est venue en Syrie et s’il y a d’autres personnalités de plusieurs pays arabes qui se rendent à Damas, sécuritaires principalement. De toute façon, c’est le commandement syrien qui décidera d’en parler ou non.
GBJ- Des responsables de services de sécurité, par exemple ?
SHN- Par exemple.
GBJ-Qui peuvent décider ?
SHN- Oui.
GBJ- Dans des pays du Golfe influents ?
SHN- Disons plutôt dans des pays arabes. Ne réduisons pas le cercle. Ne disons ni cheikh, ni Monsieur, ni Hajj, ni Dr. Cela suffit pour l’instant. Certes, les Américains cherchent à pousser les pays arabes à faire marche arrière. Mais jusqu’à présent, ils ne leur ont pas donné des raisons d’être rassurés sur le fait qu’ils ne laissent pas la Syrie à la Turquie. Car c’est ce que veulent savoir l’Arabie saoudite, les Emirats, le président Sissi et d’autres. Ils veulent entendre cela clairement. C’est pourquoi nous assistons à un ralentissement de la dynamique arabe vers la Syrie. Mais je ne peux pas affirmer que cette dynamique s’est totalement arrêtée. Pour l’instant, je peux dire que les Américains ont échoué en Syrie et le plus lésé de cet échec est Netanyahu.
GBJ-Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit sur le refus du président syrien de la proposition transmise par les Russes sur le retrait iranien de Syrie. Il y a quelques mois, dans son dernier discours, le président syrien a salué ses alliés, citant nommément la Russie, l’Iran et la résistance au Liban. S’agit-il d’une simple loyauté morale, une des qualités du président Bachar Assad, ou d’une déclaration stratégique ? Autrement dit, était-il en train de dire que mes alliés pendant la guerre le seront aussi dans les étapes futures ?
SHN-Les deux. On peut associer les deux explications. Il s’agit d’une position morale et stratégique. Il pense comme cela. Tous ceux qui l’ont vu et ont évoqué cette question avec lui rapportent les mêmes propos : ceux qui se sont tenus à mes côtés et aux côtés du peuple syrien et de son armée pour empêcher la chute du pays entre les mains des terroristes ou pour empêcher sa partition, resteront à mes côtés et je ne romprai pas ma relation avec eux.
GBJ-Je ne parle pas de rupture des relations, mais de la dimension stratégique. Où sera la Syrie dans la prochaine étape, après la solution politique ? Reviendra-t-elle à la situation d’avant 2011 dans le domaine de ses relations avec l’Occident ?
SHN-Il se peut qu’elle ouvre des relations plus larges avec l’Occident, le président Bachar avait essayé cela et son père Hafez l’avait fait avant lui, mais le problème c’est que l’Occident exige toujours en contrepartie de ces relations, plus de concessions et d’obéissance. C’est ce que refusait le commandement syrien dans le passé et qu’il refuse aujourd’hui.
GBJ-Allons au dossier israélien. Dans cette équation où est la Syrie par rapport à Israël et où est Israël par rapport à la Syrie, à la lumière de la décision américaine ?
SHN-Netanyahu était Premier ministre en 2011. Où en est son projet pour la Syrie ? Cet homme, qui veut se présenter comme l’auteur des victoires sur plusieurs fronts et qui utilise ses visites à Oman et au Tchad et s’est comporté comme vous le savez dans l’affaire des tunnels, n’a pas le courage de dire à son peuple qu’il a perdu tous ses paris en Syrie. Il avait misé sur la chute du régime et du président syriens. Il avait misé sur l’effondrement de l’armée syrienne et sur le contrôle de la Syrie par les groupes terroristes et takfiristes. Il a aidé ces groupes. Izenkot avait reconnu avant son départ qu’il leur avait donné des munitions. Les médicaments et les soins médicaux, ainsi que l’hospitalisation étaient fournis publiquement. Mais il a reconnu officiellement qu’il leur donnait des armes et des munitions. Cette reconnaissance avait d’ailleurs été surprenante. Donc, les Israéliens se sont battus à leurs côtés dans le Sud de la Syrie et ils visaient l’armée syrienne et ses positions lorsqu’ils sentaient que les groupes armés étaient en difficulté. Leur objectif était le départ du président syrien, la chute de son régime et l’effondrement de son armée. Ils étaient partie intégrante de la guerre universelle politique, médiatique, diplomatique, sécuritaire et militaire menée contre la Syrie. Qu’ont-ils réalisé de tout cela ? Que sont devenus les groupes que vous avez aidés et que vous avez protégés ?
Aujourd’hui, Netanyahu dit que la garantie israélienne est son armée, ses frontières et son entité. Mais pourquoi cela n’a-t-il pas fonctionné pendant les sept dernières années ? C’est le premier échec.
Le second échec est le suivant. En faisant des bombardements en Syrie, Netanyahu affirmait qu’il voulait empêcher l’arrivée d’armes au Hezbollah au Liban. Des missiles de haute précision. Les Israéliens restaient dans le flou. Mais Izenkot a insisté sur cette question. Pourquoi ? A mon avis, il y avait un but médiatique et politique lié aux intérêts dans les élections. Netanyahu a parlé de 200 bombardements et à d’autres moments, il a parlé de 400. Pour quel résultat ? Vous n’avez pas réussi à empêcher l’arrivée des armes au Hezbollah et vous avez échoué en Syrie. Bombarder ne signifie pas atteindre son objectif.
Le troisième objectif annoncé par Netanyahu c’est le retrait iranien de Syrie. Il n’a pas laissé un chemin menant vers Moscou sans le pratiquer, à l’aller et au retour. Il a utilisé toute son influence aux Etats-Unis au point que ceux-ci ont mis leur retrait au même niveau que celui des Iraniens. Mais dites-moi où cela les a menés ? Où est la victoire dont il peut se vanter en Syrie ?
Je peux dire que les espoirs des Israéliens en Syrie ont été déçus. Tout ce qu’ils ont fait depuis 2011 a échoué. La Syrie se relève avec une armée plus forte et plus expérimentée, et un système de défense antiaérien plus fort. Inchallah la Syrie sera reconstruite et elle sera mieux qu’avant mais en même temps, elle ne renoncera pas à ses responsabilités arabes et envers la oumma.
Il reste un sujet. Netanyahu dit qu’il veut imposer le retrait iranien de Syrie par la force. Ce n’est pas nouveau. Cela fait des années qu’il travaille sur ce sujet, sans réussir à le réaliser. Il a échoué politiquement et militairement à travers ses bombardements répétés qu’il effectuait sous divers prétextes. Où veut-il aller dans ce domaine ? Ce qui s’est passé toutefois, il y a quelques jours, dans le ciel syrien est important. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai commencé mes propos en disant qu’il doit faire attention et ne pas procéder à des évaluations fausses. Il se peut qu’à tout moment, une décision soit prise non seulement de la part du commandement syrien mais de l’ensemble de l’axe de la résistance de traiter différemment les agressions israéliennes contre la Syrie. Je lui dis donc de ne pas faire de mauvaise évaluation. Mais vous pouvez me demander ce qui a changé ? Cela fait deux mois deux ans et deux mois qu’il bombarde et la situation reste inchangée. Il faut préciser que même en bombardant, il tient compte des règles de la confrontation et fait attention à ne pas les dépasser. Jusqu’à présent. Lorsqu’il y a eu l’attaque de Quneïtra, dans laquelle un général iranien a été tué, les Israéliens se sont empressés de dire qu‘ils ignoraient la présence d’un officier iranien avec ce groupe. Ils ont dit qu’ils ne voulaient pas tuer un Iranien. Nous voulions tuer des membres du Hezbollah. Et la réponse a eu lieu au Liban. Ils font donc désormais attention pour ne pas tuer nos membres, car nous répondrons au Liban. Même lorsqu’ils visent des positions syriennes, ils cherchent à ne pas tuer. Il faut être juste. Lorsqu’il y a des morts, comme ce fut le cas au T4, il s’agissait d’officiers et de soldats chargés de la défense antiaérienne qui s’opposent directement aux raids israéliens.
Vous me direz qu’est-ce qui a changé ? je vais vous dire que du point de vue syrien, la priorité était auparavant à ne pas se lancer dans une grande confrontation avec Israël, pour se consacrer au conflit interne. Aujourd’hui, la guerre interne n’est certes pas terminée, mais la situation est préférable à celle qui prévalait il y a quelques années. C’est un changement et Netanyahu et ses hommes doivent l’avoir en tête. C’est important. Je connais parfaitement l’état d’esprit et la réalité logistique et sur le terrain en Syrie. La situation est totalement différente de celle qui prévalait en 2018 et à plus forte raison en 2017 et 2016. Le second changement est que l’armée syrienne s’est resserrée de façon importante. Le troisième changement est que le système de défense syrien s’est développé. Certains considèrent le facteur russe comme négatif. Mais même s’il laisse une certaine marge aux Israéliens, il peut aussi aller loin lorsqu’il le veut.
Même notre axe en Irak est actuellement à l’aise. Daech est fini. En Iran, ce que prévoyait Trump avec les nouvelles sanctions entrées en vigueur le 4 novembre dernier n’ont pas eu l’effet escompté. Il avait prévu que des millions d’Iraniens descendraient dans la rue et que le régime allait chuter. Mais l’Iran a absorbé les sanctions. Il n’y a pas eu le moindre sit in de protestation. L’Iran tien bon, l’Irak est soulagé, en Syrie et au Liban tout va plutôt bien, sur le plan stratégique.
Il y a donc des changements importants. C’est pourquoi toutes les estimations qui sont présentées en Israël par les généraux et les Instituts de recherche sérieux montrent que la situation dans la région est différente de celle qui existait auparavant. Ils disent que la guerre serait dangereuse et elle n’éclaterait pas sur un seul front, ni contre une seule partie. Et ce qui pourrait arriver sur le front interne pourrait être très dangereux. Il faut donc tenir compte de ce changement dans l’environnement stratégique. Ils doivent tenir compte de cela comme notre axe doit aussi le faire.
En résumé, je voudrais dire à Netanyahu qu’il doit être prudent dans ce qu’il entreprend en Syrie. Il ne doit pas faire de fausse évaluation et ne pas entraîner la région dans une grande confrontation.
GBJ- En toute franchise, l’absence de riposte aux bombardements israéliens en Syrie est-elle une décision politique ou le fruit d’une incapacité à le faire ? Et si une décision politique devait être prise en ce sens, est-elle purement interne ou bien dépend-elle des pressions russes ?
SHN- Il s’agit d’une vision politique. Une décision politique basée sur la volonté d’organiser les priorités dans cette étape. Il ne s’agit donc pas d’une incapacité à riposter.
GBJ- Il s’agit d’une décision politique propre ?
SHN- Oui.
GBJ- Ai-je bien compris : lorsque vous dites à Netanyahu de faire attention, vous êtes en train de dire que l’axe pourrait décider de riposter, c’est bien cela ?
SHN- Damas en tête parce que c’est à elle en premier qu’appartient la décision.
GBJ- Jusqu’où pourrait aller la riposte de l’axe ? Ce qu’a déclaré Dr Bachar Jaafari au Conseil de sécurité peut-il se vérifier ? Il avait déclaré que la riposte pourrait être sur Tel Aviv, sachant bien sûr qu’il parle au nom de son commandement et de son pays ?
SHN- Tout est possible, à tout moment.
GBJ- L’axe de la résistance est-il en train d’étudier actuellement cette question de façon stratégique ?
SHN- Certainement. Lorsque des événements de cette nature se produisent, il y a toujours des contacts et des évaluations.
GBJ- Donc, actuellement, vous êtes en contact, vous vous consultez et vous évaluez la situation ?
SHN- Il y a des contacts, des évaluations, des études, des vérifications, des leçons tirées et une réévaluation des positions.
GBJ- Ce que vous avez dit il y a un instant, sur le fait que l’axe ripostera à Netanyahu signifie que vous parlez en son nom et non pas seulement en tant que Sayed Nasrallah le secrétaire général du Hezbollah ?
SHN-Bien sûr.
GBJ- Donc, on peut dire que Netanyahu a reçu aujourd’hui un message clair. L’opinion publique aussi. En principe, l’entretien devait se terminer maintenant. Mais si vous le permettez , je voudrais le prolonger d’une demie heure et évoquer un peu la situation interne libanaise, ainsi que le Yémen et Bahrein, un peu aussi l’Irak, en espérant que les réponses seront rapides...
Au sujet de la Palestine, pouvons-nous dire que le « deal du siècle » a été gelé ou qu’il est fini ?
SHN- on ne peut pas dire que ce deal est fini. Mais il a été sérieusement ébranlé. Il est peut-être gelé. Je vais répéter ce que j’ai déjà dit. Ce deal a trois piliers, Trump, Netanyahu et Mohammed ben Selmane. Netanyahu est en difficulté et Trump aussi. Mais je crois que le pilier le plus important dans ce deal est l’émir Mohammed ben Selmane. Car le deal avait besoin d’une partie arabe, un Etat arabe qui a une position de leader et un symbolisme religieux et en plus qui possède des milliards de dollars, des médias, la religion tout. C’est cette partie qui devrait porter le deal, le faire accepter et même l’imposer. En compensation, il garantirait son règne pour les 50 prochaines années. C’est donc vraiment le deal du siècle.
Mais aujourd’hui, Mohammed ben Selmane est en position difficile. Il est en quête d’une bouée de sauvetage et il n’est plus ce pilier sur lequel on peut édifier un projet aussi important que le deal du siècle. Il a besoin de quelqu’un qui le sauve à l’intérieur de l’Arabie, dans la région, dans le monde arabe et même aux Etats-Unis, à l’intérieur du Congress. En raison de son échec au Yémen et de son échec sur le plan interne et suite à l’affaire Kashoogi, l’Arabie traverse une des pires périodes de son existence sur tous les plans. Donc, le pilier arabe, dans ce deal, est tombé. Selon mes informations, au début de 2018, Kushner s’est réuni avec les Jordaniens et les Egyptiens et avec d’autres représentants arabes et africains. Ils lui ont tous dit qu’ils ne peuvent pas porter ce projet. Il lui faut une épaule forte et la seule partie en mesure actuellement de l’être c’est l’Arabie et en particulier Mohammed ben Selmane. Il a été impliqué, mais aujourd’hui, il n’est plus en mesure de porter le projet. De plus, il faut ajouter un obstacle qui entrave le projet même si MBS est en mesure de le porter, il s’agit de l’absence d’une partie palestinienne prête à y apposer sa signature. Cela est d’ailleurs en l’honneur des Palestiniens, qui n’ont pas accepté de signer ce deal, qu’il s’agisse de responsables, d’organisations ou de toute personnalité en mesure de le faire. Les Palestiniens avaient signé l’accord d’Oslo ( Nous avions une position contre cet accord). On peut supposer qu’ils acceptent de faire des concessions sur le dossier des réfugiés, ou bien sur le fait d’avoir un Etat sans armée. Ils peuvent même faire des concessions sur les territoires, mais aucun Palestinien ne peut accepter un deal dans lequel Jérusalem Est, au moins ne figure pas. Or, tout le deal du siècle repose sur l’octroi de Jérusalem tout entière aux Israéliens. Il porte donc en lui son échec. Rien que pour cela, ce deal ne peut pas tenir la route.
GBJ- Puisque vous avez parlé des Palestiniens, vos relations ainsi que celles de l’Iran sont passées par une période de tiédeur avec le Hamas, mais elles sont restées bonnes avec l’aile militaire de cette organisation.
SHN- Même avec l’aile politique, les relations ont été maintenues.
GBJ- Ok, en tout cas vous avez de bonnes relations avec le Hamas, le Jihad et d’autres parties palestiniennes. Mais on vous reproche, vous et l’ensemble de l’axe, de ne pas considérer les Palestiniens comme un tout et de traiter avec eux au détail...
SHN- Nous avons des relations avec tous. L’ambassade de Palestine représente l’Autorité et pas seulement le mouvement du Fateh. Nous avons de bonnes relations avec elle et des échanges réguliers. A la suite de la décision américaine de déplacer l’ambassade de Tel Aviv à Jérusalem, je me suis réuni avec les représentants de toutes les factions palestiniennes. Au Hezbollah, nous avons des relations avec toutes les factions palestiniennes sans exception. La Syrie avait aussi des relations avec toutes les factions. Maintenant, il y a peut-être un problème avec le Hamas. Mais avec le Fateh et toutes les organisations présentes ou non en Syrie, les relations sont bonnes. Concernant la République islamique, l’ambassade de Palestine qui se trouve à Téhéran représente l’Autorité palestinienne, non le Hamas ou d’autres factions. Maintenant, il est certain que les relations ne sont pas aussi étroites qu’elles devraient l’être. Elles restent fluctuantes et dépendent des divergences dans les priorités et les programmes. Mais notre axe tient à avoir des relations avec toutes les parties palestiniennes.
GBJ- Vous avez évoqué l’affaiblissement de Mohammed ben Selmane. Pensez-vous que cela aura un effet positif sur les dossiers du Yémen et de Bahrein ?
SHN- Naturellement.
GBJ- Comment ?
SHN- D’abord pour Bahrein. J’ai toujours dit que si la décision appartenait au régime d’Al Khalifa, il y aurait eu un dialogue. De son côté, l’opposition a toujours prôné le dialogue. Elle avait même sollicité une médiation en ce sens du Qatar, qui, par la suite, a été accusé d’être de connivence avec l’opposition. Cheikh Selmane a été accusé d’établir des contacts avec le Qatar. La Turquie a aussi tenté une médiation. Le ministre turc des AE de l’époque, Davitoglu s’est rendu à Bahrein. L’émir du Koweit a aussi tenté une médiation. Ils sont tous revenus avec l’impression que le problème était avec l’Arabie saoudite. Je ne veux pas leur faire dire cela, mais c’est mon impression.
GBJ- Donc, l’Arabie pourrait changer de position à l’égard de ce dossier maintenant ?
SHN- Jusqu’à présent, il n’y a rien de tel.
GBJ- La condamnation de cheikh Selmane à la prison à vie montre un durcissement et non le contraire
SHN -Pour l’instant, il n’y a donc pas de retombée positive. Mais cela pourrait changer si les développements actuels se poursuivent...
Donc, ce qui empêche le déroulement d’un dialogue à Bahrein, c’est l’Arabie. Des responsables du régime pourraient demain contester mes propos, mais cette réalité est connue de tous les habitants de ce royaume.
Concernant le Yémen, L’Arabie et les Emirats ont été aussi loin qu’ils le pouvaient. Mais les habitants du Yémen ont résisté. Leur résistance est d’ailleurs légendaire et historique. Elle devrait être enseignée dans les académies militaires dans le monde. Ils ont résisté aux pires agissements, sur le plan militaire, humain, économique, au blocus, à la violence, à la barbarie, à la discorde confessionnelle, aux bombardements aériens...
Bref, aujourd’hui, les Saoudiens et les Emiratis sont arrivés à un stade où ils ne peuvent plus poursuivre cette guerre. Même ce qu’on appelle la communauté internationale est fatiguée. La situation est devenue délicate. Je crois et mes amis au Yémen pensent comme moi, que les Saoudiens et les Emiratis sont arrivés à un point où, ils veulent mettre un terme à cette guerre. Bien sûr, il faut rester prudent. Mais les données sur le terrain indiquent cela. Il ne s’agit certes pas d’une grandeur d’âme de la part de Trump ou de MBS ni de tous ceux qui sont impliqués dans cette guerre horrible, contre l’être humain et la civilisation. Ils veulent arrêter la guerre à la suite de leur échec militaire, d’autant plus criant qu’ils amené au Yémen des mercenaires de tous les coins du monde. Aujourd’hui, le plafond est la solution politique. Il reste une marge entre la fin de la guerre et la solution politique. Pour l’instant, ils jouent dans cette marge. Combien de temps peut prendre cette marge, je l’ignore. Mais nos frères au Yémen doivent être vigilants car les attaquants attendent la moindre occasion positive pour eux pour essayer de changer la donne et revenir à leurs anciens projets.
GBJ- Ce que vous avez dit sur l’héroïsme des Yéménites est remarquable. Mais il faut aussi préciser que c’est un peuple cultivé qui a une musique, des arts, de l’amour...Il peut donner des leçons à tous les hommes libres du monde ;
SHN- Avant cette guerre, je ne suivais pas vraiment le dossier du Yémen et celui de l’Arabie. Mais avec la guerre, j’ai découvert qu’il y avait un problème dans le sentiment de supériorité éprouvé à l’égard des Yéménites. Je sais que MBS a rencontré certaines personnalités et il leur a demandé : Vous voulez me convaincre que les Yéménites peuvent fabriquer des missiles ? Des drones ? Pourtant, c’est le cas. Le Yéménite affamé, massacré jour et nuit, victime de blocus aérien maritime et terrestre, surveillé en permanence par les satellites peut fabriquer des missiles...
GBJ- Venons-en au Liban. Comment avez-vous trouvé le sommet économique pour le développement et l’attitude du chef de l’Etat et du ministre des AE ? En toute franchise...
SHN- Je trouve que l’insistance pour la tenue du sommet et les discours politiques qui y ont été prononcés ( il s’agissait d’un sommet économique, mais il y a eu des discours politiques) étaient satisfaisants, indépendamment des remarques émanant de certaines parties, notamment au sujet de la participation de la Libye. Il ne fallait pas avoir trop d’attentes et la pérsence des rois et dirigeants n’aurait pas changé grand-chose, sinon donner un élan moral, c’est tout. Ce sommet avait été décidé en 2013. Peut-être qu’à ce moment, ceux qui ont décidé que le sommet devait se tenir à Beyrouth croyaient que Damas serait déjà tombée... De toute façon, les résultats du sommet ne dépendent pas du niveau de participation. Ce sont les Arabes. Mais ce qui a été dit, au sujet des réfugiés palestiniens, du droit du retour, de Jérusalem, la demande du président libanais et du ministre libanais des AE sur le retour de la Syrie au sein de la Ligue, est très important. Le courage dans le discours dans lequel il a dit nous n’attendons aucune permission de personne pour évoquer ces sujets, m’a plu. Cela a dû déranger les présents...qui eux, attendent des permissions américaines.
GBJ- Vous parlez du ministre Bassil ?
SHN- Bien sûr ! Le ministre Bassil leur a dit cela. Il a aussi évoqué l’affaire de l’imam Moussa Sadr en demandant à l’Etat libyen d’assumer une responsabilité réelle dans ce dossier. Cet Etat peut le faire, même s’il n’était pas au pouvoir à l’époque et il n’est pas responsable de ce qui s’est passé. Mais il peut aider à découvrir la vérité, aujourd’hui avant demain. Cela a été aussi dit pendant le sommet : il ne s’agit pas d’une affaire chiite, mais d’une question nationale libanaise, une question arabe et islamique qui concerne beaucoup de musulmans dans le monde. Pour toutes ces raisons je considère que le sommet était acceptable et plutôt réussi, malgré quelques remarques et malentendus. Ce qui compte, c’est l’aspect administratif et le contenu politique.
Concernant le dossier des déplacés, il y a une évolution évidente de la part des participants. Certes, nous n’avons pas encore atteint la position que nous souhaitons. Il est vrai que les Libanais sont eux-mêmes divisés sur ce sujet. Mais il y a une évolution claire dans la position arabe.
GBJ- Le président Michel Aoun s’est comporté en homme d’Etat. Mais nous avons reçu des centaines de questions qui portent sur le regard que vous portez aujourd’hui sur l’ex-leader du CPL, le général Michel Aoun et sur le ministre Gebran Bassil ? Comment voyez-vous les relations futures entre le CPL et le Hezbollah ?
SHN- Avec le général Michel Aoun, depuis qu’il est devenu président, rien n’a changé, ni au niveau de la relation, ni dans l’affection qui nous lie, ni dans les contacts. Chacun de nous comprend l’autre, même dans les questions stratégiques. Par exemple, lors de l’affaire des tunnels, j’ai dit que la position globale était homogène, y compris celle du général Aoun. Vous pourrez me demander au sujet de la position du président de la Chambre, je vous dirai qu’il était d’accord. Ce qui est très normal. Nous étions partenaires avec lui pendant la guerre de juillet. Aujourd’hui, Michel Aoun est président de la République. Il n’est plus chef du bloc du Changement et de la Réforme. Pourtant, sa position, sa fermeté, sa façon d’agir, rien n’a changé. La confiance entre nous n’a pas été ébranlée. Les détails qui se produisent de temps en temps entre nous et le CPL se produisaient aussi auparavant, en 2006, en 2007, en 2008 et plus tard pendant les élections, qu’elles soient syndicales, estudiantines. Depuis le début, avec le président, nous faisons une distinction entre les détails et les grandes options. Nous sommes deux partis distincts non un seul ; C’est la même chose entre nous et Amal. Mais la relation avec le président est inchangée. S’il y a un malentendu qui se pointe à l’horizon, il m’envoie un émissaire ou un message et je fais de même. Nous tenons tous les deux énormément à cette relation et lorsqu’il y a la confiance et l’affection, tous les problèmes ont des solutions.
Concernant le CPL et son chef, tout le monde sait au Liban que mes relations personnelles avec le chef du CPL sont particulières. Certains plaisantent à mon sujet en disant que je le supporte. En réalité, il y a entre nous une véritable amitié qui est née dès le début et elle a commencé par le respect, la sincérité et l’affection. Je vais le dire franchement ce qui a renforcé la relation avec le général Aoun et le ministre Bassil, ce sont les révélations de Wikileaks, après la guerre de 2006. Vous savez que certaines personnalités disaient une chose en public et d’autres choses en privé avec les Américains. Mais le général Aoun et le ministre Bassil ont tenu le même langage en public et en privé. Certes, ce n’était pas le cas de tous les frères au sein du CPL.
GBJ- Et actuellement, que pensez-vous de leur attitude ?
SHN-dans nos discussions internes, je dis que l’expérience de 2006 avec le général Aoun et le ministre Bassil constitue une base solide. Dans la situation actuelle, il nous arrive de ne pas être d’accord. Ce fut le cas lors des discussions sur la loi électorale ou au sujet des alliances électorales. C’est normal, nous sommes des alliés. Chacun de nous a ses calculs. Je voudrais ici m’adresser au public de la résistance et non seulement à la base du Hezbollah, il y a toujours une problématique sur nos relations, c’est aussi le cas avec le mouvement Amal et avec d’autres forces politiques : être alliés ne signifie pas être un, un seul courant ou un seul parti. Nous sommes deux. Nous pouvons aussi avoir deux cultures différentes et deux projets différents, et même des styles différents. Il y a toutefois des grandes lignes stratégiques eet des rencontres sur des plans tactiques ou provisoires. Il ne faut donc pas s’attendre à écouter la même chose chez nous et eux. C’est aussi valable pour le président Berry. Il est après tout chef du Parlement et il ne peut pas parler de la même façon que nous du sujet saoudien. Nous pouvons avoir la même opinion ou il peut y avoir des niveaux différents dans nos convictions notamment au sujet de l’Arabie ou du Yémen, mais nous restons d’accord et en phase sur beaucoup de sujets. C’est la même chose avec le CPL et le ministre Bassil. Nul ne doit s’attendre à ce qu’ils pensent et parlent exactement comme nous. Je vais rester dans les généralités sans entrer dans les détails.
GBJ- L’alliance initiale reste en vigueur ?
SHN- Oui, l’alliance, l’entente, la relation, les contacts. Dans les affaires très compliquées, nous nous contactons ; Il n’ y a pas de problèmes. Ce que je dis à notre public, je le dis aussi au public du CPL : Dans l’une de ses réunions, David Hale a déclaré devant plusieurs personnes qu’il faut trouver un moyen pour créer des dissensions entre le Hezbollah et le CPL. Cela s’est passé au cours de sa dernière visite. Il y a donc un travail sérieux sur ce plan. Je dis à nos frères du CPL de rester calmes. Le Hezbollah n’est pas le CPL. Cela signifie que si le chef du CPL dit quelque chose, cela ne signifie pas nécessairement que nous devons être tous d’accord. Si j’ai une remarque ou si un frère du Hezbollah fait une remarque cela ne doit pas soulever un tollé. ( Il est vrai que les réseaux sociaux enveniment les débats et souvent d’autres commencent et nous sommes entraînés dans les débats. Ceux qui commencent peuvent être à Tel Aviv. Ils ont préparé des armes électroniques. Il y en a aussi en Arabie. En Irak aussi ). Au Liban, il y a les équipes d’Amal, du Hezbollah, du CPL, du Futur, du PSP, tout le monde et tout le monde s’en mêle. Nous devons donc être prudents, être patients les uns avec les autres et nous calmer. Le 6 février, je prononcerai un discours pour célébrer le 40ième anniversaire de la Révolution islamique en Iran. J’ai choisi le 6 février parce que je dois aussi parler le 16, pour laisser donc un peu de temps entre les deux. Je pourrai ainsi parler des questions internes et des questions régionales. Mais je demande aux Libanais d’être patients les uns avec les autres, surtout avec les alliés. Nous devons prendre le temps de dialoguer et de discuter.
GBJ- Sleiman Frangié est toujours «la prunelle de vos yeux» ?
SHN-Il est toujours à sa place. Il n’a pas changé.
GBJ- Des accusations sont portées contre le Hezbollah de vouloir changer Taëf pour imposer le partage par trois du pouvoir...
SHN- En toute clarté, ces accusations sont dénuées de tout fondement. On en parle dans certains milieux chrétiens, en disant que le partage en trois parts est en faveur des musulmans. Et d’autres montent les musulmans contre ce projet sous prétexte qu’il donne aux chiites un tiers, aux sunnites un tiers et aux chrétiens un tiers, alors que les druzes devraient définir leur place ultérieurement. Quoiqu’il en soit, je dis que ces accusations sont sans fondement. Je le dis clairement- et là je parle au nom du Hezbollah, d’Amal, du Conseil Supérieur chiite et de tous les chiites et nous n’avons pas un double discours sur ce sujet-, cette idée ne nous effleure pas l’esprit. La première fois que j’en ai entendu parler, c’était en 2005-2006. Le Liban était en crise. L’idée m’a été transmise par un Iranien. Les Français en avaient parlé aux Iraniens et cela est arrivé jusqu’à moi. J’en ai immédiatement parlé au président Berry qui, comme moi, a dit que c’était une erreur et qu’il fallait clore le dossier. Cela a ensuite été évoqué par certaines parties chrétiennes. Nous ne soulevons pas cette question et je défie quiconque, même ceux qui ont peur des chiites de trouver un seul chiite, une personnalité, qui évoque ce sujet. Ces accusations sont donc dénuées de tout fondement et elles sont lancées pour alimenter la peur entre els Libanais, pour que nous ne nous calmions pas.
Le général Michel Aoun a une phrase que j’aime beaucoup. Il dit que l’entente entre nous a façonné la paix interne. Nous avons besoin de paix interne. Qu’est- ce que cela signifie ? Cela veut dire que les gens soient à l’aise entre eux, rassurés et tranquilles. Qu’il n’y ait pas de tranchées entre els citoyens, de bâtons et ensuite des armes. Nous avons besoin de tranquillité. Ceux qui parlent du partage du pouvoir en trois parts veulent justement empêcher la paix interne. Ils veulent que la peur et l’inquiétude continuent de régner, surtout chez les chrétiens. De même, on cherche à susciter la peur chez les sunnites au sujet d’une prétendue volonté de changer l’accord de Taëf. J’ai même plaisanté une fois sur ce sujet en disant qu’il nous est demandé d’ajouter le maintien de Taëf dans nos prières quotidiennes !
Nous ne voulons pas changer Taëf, ni le renverser. Un jour, le patriarche maronite a déclaré qu’il fallait combler quelques lacunes de Taëf. J’avais repris ses propos et ce fut aussitôt un tollé général. Une fois, pendant la période des printemps arabes, j’ai parlé d’un congrès fondateur. J’ai ajouté qu’il aurait pour objectif de faire évoluer Taëf, non de le renverser. Il y a eu aussi un immense tollé. Un autre se serait peut-être entêté pour défendre son idée. Moi, je l’ai retirée. J’ai dit que je ne voulais pas changer la Constitution de Taëf mais la faire évoluer. Mais de toute façon, nous retirons la proposition.
Donc, nous ne pensons pas au partage du pouvoir en trois parts. Nous ne voulons pas changer Taëf. Toute modification doit obtenir l’aval des Libanais pour se réaliser. Il n’y a donc aucune crainte à avoir à ce sujet. Mais il y a malheureusement certaines parties qui veulent maintenir la tension et la peur parce qu’elles ne veulent pas la paix interne.
GBJ- Au sujet du gouvernement, combien faudra-t-il attendre pour qu’il soit formé et êtes-vous prêts à attendre indéfiniment, si votre revendication de représenter les six députés sunnites n’est pas acceptée ?
SHN- Nous voulons un gouvernement dans les plus brefs délais. Nous l’avons dit depuis le premier jour. L’intérêt du peuple libanais est que le gouvernement soit formé.
GBJ L’Iran n’a rien à voir dans ce dossier ?
SHN- Nous avons facilité autant que possible depuis le premier jour. Avant de m’enfermer dans le silence, j’avais dit que s’il fallait compter, nous aurions pu avoir plus de 8 ministres avec nos deux blocs ( Amal et le Hezbollah) qui comptent 30 députés. Nous aurions pu aussi avec nos alliés des Maradas, du PSNS, l’émir Talal etc former un bloc de 40 ou 45 députés et obtenir ainsi dix ministres.
GBJ- Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? Ce bloc aurait eu une dimension nationale et politique au lieu d’être confessionnel...
SHN-Nous ne l’avons pas fait parce que nous ne voulions pas saboter le processus. Nous voulions que le gouvernement soit formé au plus vite et nous voulions faciliter cette question.
GBJ- Mais vous avez été mal compris
SHN- C’est ce que j’avais voulu dire dans mon dernier discours lorsque j’ai parlé de modestie. Je reconnais que nous aurions dû agir ainsi. Je l’ai dit dans le discours et j’ai ajouté que nous ne l’avions pas fait parce que nous étions de bonne foi. Personnellement, je ne m’attendais pas à ce qu’ils traitent de cette façon nos alliés, d’autant qu’ils disaient vouloir former un gouvernement d’unité nationale, avec toutes les parties, selon les résultats des élections...
GBJ- Etes-vous toujours attachés à ce point ?
SHN- Oui, mais je dois encore ajouter quelque chose. A aucun moment, l’Iran ne s’est mêlée de la formation du gouvernement, depuis huit ou neuf mois jusqu’à aujourd’hui. A aucun moment non plus, la Syrie ne s’est mêlée de la formation du gouvernement. En ce qui concerne notre camp, il n’y a aucune intervention étrangère, ni aucune influence étrangère. Ce sont eux qui attendent Trump, s’il va se retirer de l’accord sur le nucléaire ou non. Il s’est retiré et le gouvernement n’a toujours pas été formé. Ils ont attendu le 4 novembre, date de l’entrée en vigueur des nouvelles sanctions américaines contre l’Iran. Cette date est passée et le gouvernement n’a pas encore été formé. Qu’attendent-ils donc ? Maintenant, il y a un nouveau refrain. Ils attendent le sommet de Varsovie et avec cela ils disent que c’est le Hezbollah qui entrave la formation du gouvernement. Cela ne peut convaincre personne. En tout cas, personnellement, je n’y ai pas pensé un seul instant. Je ne savais même pas que le sommet de Varsovie se tiendrait. Cette légèreté et cette culture existent malheureusement au Liban. Chez nous, il n’y a aucune considération étrangère. Nous avons simplement dit : les résultats des élections donnent à ceux-ci droit à un ministre c’est tout. A un moment, je reconnais que nous avons été froissés avec le CPL, car nous avions dit cela depuis le début, ce n’était donc pas une surprise ni pour le président de la République, ni pour le ministre Bassil, ni pour le CPL ni pour le Premier ministre désigné ni pour aucune partie concernée par ce dossier. Nous avions dit cela dès le premier jour ou en tout cas deux ou trois mois avant le conflit sur ce dossier précis. Aujourd’hui, nous disons que le gouvernement doit être formé et il n’y a pas d’autre possibilité.
GBJ- Selon vos informations y aurait-il un dénouement proche ou non ?
SHN- Pour ne pas être optimiste ou pessimiste, je dirais qu’il y a des efforts sérieux en ce sens, un travail constant, jour et nuit qui se heurte toutefois à deux nœuds : donner un ministère à la Rencontre consultative et la distribution des portefeuilles. . les deux problèmes existent toujours, mais ces deux derniers jours, , hier et aujourd’hui, un effort exceptionnel est déployé pour leur trouver des solutions. Seront-ils réglés ? Il faut solliciter l’aide de Dieu.
GBJ- Une dernière question sur la situation économique et sociale qui est très difficile de l’avis de tous. La lutte contre la corruption n’a pas encore lancée comme elle le devrait. Qu’en dites-vous ?
SHN- C’est vrai qu’il y a du scepticisme à ce sujet. Mais je vous dis que nous sommes sérieux dans notre volonté de lutter contre la corruption. Certes, la situation économique et sociale actuelle n’est pas le résultat de ce qui s’est passé au cours des deux dernières années. Elle est le résultat d’un cumul de politiques inadaptées depuis des dizaines d’années et d ‘une corruption généralisée dans toutes les administrations et ailleurs. Pour régler tout cela, il faut d’abord du temps. Nul ne doit songer à nous demander des comptes dans six ou sept mois. On pourra nous demander : où en êtes-vous ? Mais pas nous reprocher de ne pas avoir éliminé la corruption. C’est une bataille longue, difficile, complexe, dangereuse et délicate. Mais nous tenons à la mener, nous n’avons aucune hésitation, bien que lorsque nous avons commencé à étudier les dossiers, nous nous sommes rendus compte combien ils sont compliqués. Pourtant, nous comptons aller de l’avant. Je vais citer deux exemples, rapidement. Lorsque j’ai annoncé notre intention de nous attaquer à la corruption, une grande personnalité, experte dans ce domaine, qui m’apprécie, m’a dit : sayed, demain, avec vos frères, vous allez commencer à étudier les dossiers, vous trouverez de la corruption, mais pas de corrompus, pour être jugés ou pour leur demander des comptes. L’homme a plus d’expérience que nous en politique et il est un expert dans ces dossiers. . U7ne fois que nos frères ont commencé à étudier les dossiers, il leur est apparu que la corruption se fait au Liban à l’ombre des lois. Autrement dit, il faudra entamer un grand chantier législatif pour pouvoir lutter contre la corruption. Je donne ici l’exemple des adjudications de gré à gré. Psi on veut donner le contrat d’aménagement d’une route à une société et s‘il coûte 50 millions de dollars, on facturera 60 millions et on se partagera les 10 millions en plus. Personne ne pourra trouver un document qui prouve où ont été les 10 millions de dollars en plus. Ils sont efficaces dans ce domaine. Et la loi permet ce genre de pratiques. C’est pourquoi notre première démarche a été de proposer un projet de loi qui interdit les contrats de gré à gré et exige des appels d’offres pour tous les contrats publics. Bien sûr, nous ne disons pas que les appels d’offre élimineront totalement la corruption, mais ils la réduiront et la rendront plus compliquée. En tout cas, elle sera plus facile à déceler, car les contrats de gré à gré sont signés la nuit, dans la plus grande discrétion. Avec le Bloc du développement et de la libération, nous avons élaboré un projet de loi en ce sens. Nous en discutons avec le bloc du Liban fort et avec d’autres blocs. Bien entendu, nous sommes avec le fait que tous les contrats publics fassent l’objet d’appels d’offres. Nous espérons que ce projet sera adopté et que les projets seront accordés sur cette base sans paralyser le pays. Ce serait un premier pas dans la lutte contre la corruption. Il faut toutefois préciser qu’il y a une corruption ancienne à laquelle il faut trouver une solution. Mais je ne veux pas attaquer ce dossier tant que la porte est encore ouverte devant la corruption. La fermeture de la porte devant la corruption commence par des législations, des mécanismes qui coupent la voie aux voleurs, aux corrompus et à ceux qui veulent exploiter les fonds publics pour leurs intérêts propres. Nous sommes déterminés à aller jusqu’au bout.
Naturellement, le fait qu’il n’y ait pas de gouvernement influe sur notre action.
Un autre problème que nous avons découvert en étudiant nos dossiers, c’est l’intervention politique dans le travail de la justice, ainsi que la couverture politique accordée aux corrompus. Nous avons étudié cela, nos dossiers sont prêts, ainsi que notre équipe chargée de cette mission. Nous irons de l’avant je l’espère et je suis convaincu que la lutte contre la corruption sera bénéfique pour consolider le pays. Les forces politiques se déclarent prêtes à coopérer dans ce domaine.
Le dossier économique, financier et social devrait être l’une des priorités du nouveau gouvernement. Je l’ai dit lors de mon dernier discours, si le gouvernement vaut vraiment utiliser les fonds de CEDRE, il doit les dépenser réellement dans l’intérêt du peuple libanais. C’est un nouveau défi pour nous et pour toutes les forces qui veulent combattre la corruption. Nous allons recevoir des fonds qui ne sont pas des dons, mais des crédits, pour la plupart. Il faut donc que les projets ainsi financés soient vraiment utiles, et que l’argent ainsi obtenu ne soit pas pillé. C’est la bataille vers laquelle nous nous dirigeons.
GBJ- On s’attendait à ce que votre relation avec cheikh Saad Hariri connaisse un développement positif après l’épisode de sa détention en Arabie. Cela n’a pas eu lieu. C’est vrai qu’il est calme à votre égard, mais il n’y a pas eu un changement décisif dans votre relation. Pourquoi à votre avis ?
SHN- Il y a des circonstances régionales et internes et des difficultés. Il ne peut pas ne pas ménager l’Arabie et je comprends sa situation. Le Président Saad Hariri n’est pas avec nous, foncièrement. Mais je dois reconnaître qu’il cherche à arrondir les angles, avec toutes les parties politiques, indépendamment de la façon dont il a évalué la période que vous évoquez, de qui a comploté contre lui et ce qui s’est passé avec lui. Il cherche à arrondir les angles et d’être positif mais en définitive, il y a une situation régionale, des camps adverses, des axes, des visions, des susceptibilités internes etc...
GBJ- Jusqu’à quel point êtes-vous ouverts ?
SHN- Nous tenons à l’ouverture, à la coopération et au positivisme avec le Premier ministre. Est-ce que nous critiquons le Courant du Futur ? Nous ne disons pas un mot, ni moi, ni nos députés, ni nos ministres, ni nos cheikhs. Par contre, eux de leur côté au Courant du Futur, ils nous attaquent jour et nuit, avec des mots très durs. Je dirais même qu’ils n’ont rien d’autre à faire que de nous attaquer. . certes, je ne demande pas au Premier ministre de les faire taire, car probablement ils n’ont rien d’autre à dire que de nous attaquer. Mais nous ne faisons pas comme eux. Car cela ne servirait qu’à susciter des susceptibilités, qu’à monter les gens les uns contre les autres et à augmenter les haines au sein du pays. Cela ne sert à rien. En politique, nous discutons, dans le précédent gouvernement, nous étions très coopératifs et lui-même disait que les ministres les plus coopératifs étaient ceux du Hezbollah.
Nous sommes positifs, nous n’avons pas de comptes à régler avec qui ce soit au Liban. Nous tenons à ce pays. A ceux qui disent que le Guide suprême de la République est en train de parler, je dirai que ces propos sont ridicules. Nous ne gouvernons pas le Liban. Je vous assure que dans beaucoup de cas, au sujet des nominations et de certains projets, nous n’avons rien à voir et nous n’avons aucune influence. Dans beaucoup de choses qui se passent dans ce pays, nous n’avons rien à voir. Vous pourrez me dire : Mais vous pouvez le faire. Je vous répondrai : C’est vrai, nous pourrions le faire. Mais nous ne voulons pas mener des batailles internes. La seule bataille interne que nous voulons mener est celle de la lutte contre la corruption vers laquelle nous allons. Nous ne gouvernons pas ce pays et nous ne voulons pas le faire. Même si tous les Libanais, toutes confessions confondues, venaient me dire : formez un gouvernement entièrement du Hezbollah, je demanderai à être démis. Je le répète pour la millième fois, le Hezbollah n’est pas dans cette perspective. Il connaît sa dimension et ses limites. Il est conscient de la complexité de ce pays. Il est très réaliste et il est convaincu que le Liban ne peut pas être mené que dans le cadre d’un accord entre toutes ses composantes. C’est sa particularité. Si nous ignorons cette réalité, nous serions en train de perdre le pays et de nous perdre.
GBJ- Merci sayed pour cet entretien de l’année. Merci de nous avoir accordé tout ce temps précieux, avec une telle ouverture et une telle patience. Je peux dire devant l’opinion publique que le sayed est en excellente forme et il l’était aussi pendant les mois de silence. Je l’avais d’ailleurs rencontré pour préparer cet entretien, mais maintenant, je peux le dire en toute clarté.
SHN- J’étais même très actif et j’ai réussi à perdre du poids.
GBJ- Bonne santé et longue vie. Merci encore.
Merci à vous chers téléspectateurs. Et à l’année prochaine, dans un autre entretien de l’année, sayed ?
SHN- Si Dieu nous prête vie.
GBJ- A la Grâce de Dieu.