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La répression s’est accrue contre les militantes saoudiennes des droits de l’homme

La répression s’est accrue contre les militantes saoudiennes des droits de l’homme
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Omaima al-Najjar, blogueuse saoudienne réfugiée en Italie, était à Genève lundi. Rencontre en marge d’une conférence sur la situation des prisonnières politiques

«Je ne suis pas seulement bannie de mon pays. Je n’ai plus de contacts avec ma famille ou mes proches. Je suis une exclue», témoigne Omaima al-Najjar. La jeune Saoudienne est une réfugiée politique. Et à 30 ans, la diplômée en médecine aimerait se concentrer sur son avenir. Son blog a été bloqué par le gouvernement saoudien il y a longtemps déjà. Mais depuis le printemps dernier et l’incarcération de 21 défenseurs des droits de l’homme, elle a décidé de s’exprimer: «Les réfugiés politiques sont les seuls à pouvoir témoigner de ce qui se passe. A l’intérieur du pays, et surtout depuis l’arrivée au pouvoir du prince héritier Mohammed ben Salmane, la situation s’est détériorée. Médecins, économistes, acteurs de la société civile… Toutes les personnes qui ont émis la moindre remarque visant le pouvoir sont en prison. Il fallait donc que je me mette à parler.»

Pourtant, Omaima al-Najjar se dit privilégiée: «Je viens d’une famille ouverte d’esprit, favorable à l’éducation des femmes. Mon père m’a permis de voyager.»

En 2010, elle ouvre un blog. «Au début, je ne pensais pas être une opposante au régime. J’écrivais sur la liberté d’expression, sur les droits de la femme… Jusqu’à ce que mon blog soit bloqué par le gouvernement. Cela, moins d’un an après son ouverture», raconte-t-elle. La blogueuse s’envole alors vers la Chine, où elle étudie la médecine. Pendant ce temps, le Printemps arabe éclate, la répression se fait plus dure. Impossible pour elle de rentrer au pays. En 2016, Omaima al-Najjar reçoit le statut de réfugiée politique en Italie. Aujourd’hui, elle est diplômée et prépare son concours de spécialisation.

Les femmes qui se sont battues pour le droit de conduire sont encore derrière les barreaux

Omaima al-Najjar

Les femmes universitaires ne sont pas une exception dans ce royaume ultra-conservateur. Elles sont largement plus nombreuses que les hommes. Elles deviennent médecins, ingénieurs, pilotes… Et depuis 2018, les femmes ont le droit de conduire. Un cinéma a été ouvert. Mais pour Omaima al-Najjar, il ne faut pas se voiler la face: «Ce ne sont que des réformes de façade. En réalité, les femmes qui se sont battues pour le droit de conduire sont encore derrière les barreaux.»

Le système de tutelle qui fait de l’homme le gardien légal de la femme n’a pas été aboli. Les femmes sont donc dépendantes de leur père, frère ou mari durant toute leur vie. Impossible d’aller à l’hôpital, d’étudier, de faire le moindre déplacement sans leur accord.

Chiffre sous-estimé

De plus, selon le dernier rapport du Gulf Centre for Human Rights présenté ce lundi, la répression s’est accentuée sur les femmes défenseures des droits de l’homme. Sur 100 arrestations enregistrées au Moyen-Orient en 2018, plus de 30 concernent des femmes. Rien qu’en Arabie saoudite, plus de 21 hommes et femmes défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtés depuis mai dernier. Or, selon ce rapport, le chiffre est largement sous-estimé. De nombreuses familles n’auraient pas ébruité les arrestations de leur proche.

Les détentions sont souvent effectuées de manière arbitraire et sans procès. Des tortures psychologiques et physiques ont été prouvées. Electrocutions, coups de fouet et agressions sexuelles en font partie. Vendredi, les médias saoudiens ont annoncé que des militants saoudiens des droits des femmes emprisonnés depuis près d’un an allaient être traduits en justice.

Le motif? Qu’importe. Le cadre juridique est «truffé de concepts vagues qui sont fréquemment utilisés pour condamner des personnes exerçant leur droit à la liberté d’expression», juge Alexandra Poméon, auteure d’un autre rapport sur la situation des femmes défenseures des droits humains en Arabie saoudite.

Pression internationale

La voix fluette mais décidée, Omaima al-Najjar profite de sa présence à la conférence organisée par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) pour insister sur l’importance de la pression des pays tiers. «La pression internationale fonctionne. Grâce à elle, la peine de mort prononcée contre l’activiste Israa al-Ghomgham a été abandonnée. De plus, les peines de prison sont occasionnellement revues à la baisse.»

Face à ces rapports unanimes, pas étonnant que cet évènement dérange à Riyad. Certains médias ont été approchés par les Saoudiens, qui auraient tenté de discréditer les organisateurs de la conférence. Selon eux, certains participants seraient des opposants politiques. Le discrédit a vite été balayé. Mais la pression est bien présente. Et l’Arabie saoudite est encore membre du Conseil des droits de l’homme. Une absurdité pour Omaima al-Najjar: «L’adhésion au Conseil des droits de l’homme ne devrait plus s’acheter. Elle devrait être méritée. Et l’Arabie saoudite n’y a pas sa place.»

 

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