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Le chef de l’espionnage soudanais «a rencontré le chef du Mossad pour discuter d’un plan de succession à Béchir»

Le chef de l’espionnage soudanais «a rencontré le chef du Mossad pour discuter d’un plan de succession à Béchir»
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Par Middle East Eye

Une réunion à Munich entre Salah Gosh et Yossi Cohen a eu lieu, l’Arabie saoudite et ses alliés cherchant à mettre « leur homme » au pouvoir à Khartoum, a indiqué une source militaire à MEE.

Le responsable des renseignements soudanais, Salah Gosh, s’est secrètement entretenu avec le chef du Mossad en Allemagne le mois dernier dans le cadre d’un complot élaboré par les alliés d’«Israël» dans le Golfe pour le placer à la présidence après le renversement d’Omar el-Béchir, a confié une source militaire soudanaise à Middle East Eye.

Gosh, responsable du Service national de renseignement et de sécurité (NISS), a rencontré Yossi Cohen en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité lors d’une réunion organisée par des intermédiaires égyptiens avec l’appui de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, a indiqué cette source.

Les Saoudiens, les Émiratis et les Égyptiens voient en Gosh «leur homme», a expliqué la source, dans une lutte pour le pouvoir qui se déroule actuellement en coulisses à Khartoum après des mois de manifestations contre le gouvernement que beaucoup considèrent aujourd’hui comme le début de la fin des 30 ans de règne de Béchir.

«Il y a consensus au sein du parti au pouvoir et de l’armée sur le fait que Béchir va partir. Le tout est de savoir qui lui succèdera», a déclaré la source.

«Gosh entretient des relations étroites avec les Saoudiens, les Émiratis et les Égyptiens. Ils veulent éliminer Béchir et ils veulent que leur homme prenne sa place.»

Un porte-parole de la Conférence de Munich sur la sécurité a confirmé que Gosh et Cohen avaient assisté à l’événement cette année, lequel s’est déroulé du 15 au 17 février. Une autre source diplomatique avec laquelle MEE a discuté a corroboré les détails de la réunion.

Gosh a également rencontré des responsables des services de renseignement européens, a déclaré à MEE le responsable du Common Media Center, proche du gouvernement soudanais.

Selon la source, Béchir n’était pas au courant de cette réunion «sans précédent» entre Gosh et Cohen à Munich. Le but de celle-ci était de mettre en avant Gosh comme son successeur potentiel et d’obtenir le concours d’«Israël» pour obtenir le soutien des États-Unis à ce plan.

«Les Israéliens sont considérés comme leur allié, celui sur lequel ils peuvent compter pour ouvrir des portes à Washington», a-t-il déclaré.

Selon les médias israéliens, le Mossad (service de renseignement israélien), a joué le rôle de ministère des Affaires étrangères dans ses relations avec des responsables de pays qui n’ont pas de «traité de paix» avec «Israël».

«Le Mossad sert de ministère des Affaires étrangères dans les relations avec tous les États qui n’ont pas de relations diplomatiques avec Israël», a expliqué un responsable israélien à Channel 13, dans un reportage sur la normalisation des relations entre «Israël» et Bahreïn.

L’homme de la CIA à Khartoum

Gosh est bien connu à Washington, où il s’est taillé une réputation dans les années 2000 en tant que chef d’espionnage avec lequel la CIA pourrait participer à la «guerre contre le terrorisme» contre «al-Qaïda». Il s’est même rendu aux États-Unis en 2005, alors que le Soudan figurait déjà sur la liste du département d’État en tant que commanditaire du terrorisme.

Un article publié le mois dernier sur le site Africa Intelligence indiquait également que la CIA avait identifié Gosh comme son successeur préféré de Béchir si la position du président soudanais devenait intenable.

Citant un rapport publié par une ambassade du Golfe à Washington, le site indiquait que la CIA n’œuvrait pas dans le but de provoquer un changement de régime car le gouvernement soudanais fournissait des informations précieuses sur le groupe «al-Chabab» en Somalie, en Libye et sur les «Frères musulmans».

Selon le rapport de l’ambassade, la CIA ferait toutefois en sorte que Gosh remplace Béchir si les manifestations ne pouvaient pas être maîtrisées.

Béchir a cherché à affirmer son autorité ces derniers jours en promouvant des officiers de l’armée à des postes à responsabilité et en introduisant de nouveaux pouvoirs d’urgence par décret présidentiel dans le but de mettre fin aux manifestations à travers le pays.

Ce remaniement du gouvernement intervient peu après que Gosh eut annoncé aux journalistes à Khartoum vendredi que Béchir se retirerait du parti au pouvoir, le Congrès national, et ne se présenterait pas aux élections présidentielles de 2020.

Béchir a nommé son ministre de la Défense, le général Awad Ibnou, premier vice-président, et a nommé seize officiers de l’armée et deux officiers du NISS comme gouverneurs des dix-huit provinces du pays.

Jeudi soir, il a confié la direction du PCN à son nouvel adjoint, Ahmed Haroun. Le PCN a déclaré dans un communiqué que Haroun serait chef par intérim jusqu’à l’élection d’un nouveau président lors du prochain congrès du parti.

«Militarisation» de l’État

Des analystes de Khartoum ont déclaré à MEE cette semaine que Béchir semblait s’orienter vers une «militarisation totale» de l’État et l’élimination de toute opposition au sein du parti au pouvoir.

Cependant, notre source a déclaré que l’armée restait méfiante à l’égard de Gosh et de l’influence saoudienne et émiratie dans le pays. Il a souligné la couverture favorable des manifestations dans des médias soutenus par les Saoudiens généralement opposés au «changement populaire».

«Les médias s’intéressent de près à ces manifestations. Cela n’arriverait pas sans approbation», a-t-il déclaré.

Gosh a dirigé le NISS entre 2004 et 2009, lorsque Béchir l’a nommé conseiller à la sécurité nationale. Il a été limogé en 2011 et arrêté par la suite, soupçonné d’implication dans un complot de coup d’État, mais a été libéré par une grâce présidentielle en 2013.

Il a été réélu à la tête du NISS en février 2018. Son retour a été perçu comme une tentative de Béchir de réprimer la dissidence alors que le pays était confronté à une aggravation des problèmes économiques et à des manifestations contre l’austérité, ainsi que pour créer de nouveaux ponts avec les États-Unis après la levée des sanctions fin 2017.

Selon la source de MEE, le retour de Gosh au NISS a également été adouci par les promesses saoudiennes de soutien financier à l’économie soudanaise en difficulté.

En janvier, le ministre saoudien du Commerce et de l’Investissement, Majid al-Qasabi, a déclaré lors d’une visite à Khartoum que Riyad avait versé 8 milliards de riyals (2,1 milliards de dollars) au Soudan au cours des quatre dernières années.

«Un ami inconstant»

Néanmoins, Béchir a également cherché à monter les Saoudiens et les Émiratis contre leurs rivaux régionaux, le Qatar et la Turquie, qui ont également des intérêts stratégiques à Khartoum, ce qui lui coûte la bienveillance des différents camps, selon un analyste régional cité par le site web Africa Confidential.

«Riyad et Abou Dabi, tout comme Doha, considèrent Béchir comme un ami inconstant en raison de sa tendance à ménager la chèvre et le chou», a déclaré l’analyste anonyme.

«Il a prêté des serments d'allégeance par le passé en échange de subventions et a ensuite tracé son propre chemin.»

MEE comprend que des diplomates américains et britanniques s’emploient également à persuader Béchir de se retirer en échange d’une promesse d’immunité vis-à-vis de poursuites devant la Cour pénale internationale, où il a été inculpé de crimes de guerre en 2009 pour des atrocités présumées commises par les forces gouvernementales et des milices pro-gouvernementales dans le Darfour.

Béchir aurait également discuté d’une éventuelle immunité avec le secrétaire général des Nations unies António Guterres en marge du sommet de l’Union africaine organisé le mois dernier en Éthiopie.

Des éléments de l’opposition politique soudanaise, notamment sa figure de proue Sadiq al-Mahdi, présentent depuis longtemps le gel de l’acte d’accusation à la CPI en échange de la démission de Béchir comme une solution possible pour avancer.

Toutefois, des groupes rebelles au Darfour, dont certains dirigeants se sont livrés à la CPI après avoir également été accusés de crimes de guerre, ont déclaré qu’ils rejetteraient toute initiative de ce type et abandonneraient alors les pourparlers de paix.

La Conférence de Munich sur la sécurité, dont Cohen est un habitué, fait depuis longtemps office de toile de fond bavaroise pour des rencontres discrètes entre adversaires géopolitiques et chefs des services de renseignement.

Parmi les intervenants de cette année figuraient le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif ou encore le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qatari Mohammed ben Abderrahmane al-Thani.

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