Les droits de l’homme en Arabie saoudite, de la publicité à la réalité
Derrière l’image réformatrice qu’offrent les femmes saoudiennes savourant enfin leur droit de conduire, l’Arabie saoudite s’illustre toujours par la violation des droits de l’homme.
Une petite révolution est à l’œuvre en Arabie saoudite depuis dimanche 24 juin : les Saoudiennes sont autorisées à conduire. Très médiatisé, cet événement a vu les femmes saoudiennes s’émanciper très partiellement de la pression des autorités, qui leur interdisaient jusqu’alors de prendre le volant. Le régime n’est pour autant pas prêt à desserrer son emprise sur la population.
Un discours contradictoire
Pour preuve, quelques semaines avant l’entrée en vigueur de ce décret, 17 militants pour les droits des femmes ont été arrêtés. Selon les autorités, neuf sont toujours en prison. «Le prince Mohammed ben Salmane a un discours très contradictoire. Il légalise les femmes au volant et, en même temps, il fait arrêter des militants des droits des femmes, qui se battent pour cette cause depuis des dizaines d’années», déplore Katia Roux, chargée de plaidoyer Libertés chez Amnesty International France.
Communiquant à tout va sur son esprit d’ouverture et son côté «réformateur», le prince héritier, depuis une année qu’il a acquis ce titre (le décret fut publié le 21 juin 2017), a orienté toute sa campagne internationale de relations publiques en ce sens. «Le problème, c’est qu’il ne veut pas que ce décret soit vu comme une victoire de la société civile, mais bien comme une décision du haut vers le bas. S’il voulait vraiment réformer, il s’occuperait du système de tutelle», ajoute Katia Roux.
Le système de tutelle empêche en effet les femmes saoudiennes de voyager, d’avoir un travail, de faire des études ou de se marier sans la permission d’un tuteur masculin. Malgré ce système répressif, l’Arabie saoudite a quand même été élue membre de la Commission des droits de la femme des Nations unies en avril 2017. Le discours du prince semble donc faire son effet.
Les lois au cœur du système répressif
Huit activistes des droits des femmes étaient pourtant toujours en détention le 21 juin dernier selon Amnesty International. Loujain al Hathoul, Iman al Nafjan et Aziza al Yousef, des figures connues de la lutte pour les droits des femmes saoudiennes en font partie. Elles n’ont toujours pas été présentées à un juge, mais risquent de passer devant un tribunal antiterroriste. Sur les réseaux sociaux et dans la presse gouvernementale, elles ont même fait l’objet d’une campagne de diffamation, les qualifiant de «traîtres». La nouvelle loi antiterroriste d’octobre 2017, qui permet ce genre d’accusations très vagues, est devenue une vraie menace pour les activistes.
En Arabie saoudite, les lois sont en effet de vrais outils de répression. La loi contre la cybercriminalité, également mise en place en 2017, cherche par exemple à museler la liberté d’expression sur les réseaux sociaux. La liberté de rassemblement est également mise à mal, car aucune manifestation publique n’est autorisée depuis 2011. «La société saoudienne est de plus en plus verrouillée de l’intérieur et les espaces publics d’expression sont de plus en plus restreints», alerte Katia Roux.
Depuis deux ans, aucune organisation de défense des droits de l’homme n’a pu rouvrir dans le pays. L’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), la plus connue du pays, a vu tous ses dirigeants emprisonnés, accusés ou exilés. «Ce simple fait montre le peu de considération des autorités saoudiennes envers les droits de l’homme», estime la chargée de plaidoyer.
Malgré la bonne presse que cherche à acquérir le prince, Katia Roux reste sceptique quant à l’avenir des droits de l’homme en Arabie saoudite sur les droits de l’homme : «Le prince héritier communique sur une image qui est loin d’être réaliste.»
Source : la-croix