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Pèlerinage à La Mecque: faut-il retirer à l’Arabie saoudite la gestion des lieux saints ?

Pèlerinage à La Mecque: faut-il retirer à l’Arabie saoudite la gestion des lieux saints ?
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Confiée à l’Arabie saoudite depuis des siècles, l’organisation du pèlerinage à La Mecque n’a jamais été autant contestée qu’aujourd’hui. Suite aux diverses accusations d’instrumentalisation et aux graves problèmes d’insécurité, le monde musulman fait pression pour instaurer une gestion collective des lieux saints de l’islam.

Pèlerinage à La Mecque: faut-il retirer à l’Arabie saoudite la gestion des lieux saints ?

Le pèlerinage à La Mecque fait depuis plusieurs années l’objet d’une attention préoccupée de la communauté musulmane. En cause, la gestion problématique de l’Arabie saoudite, qui se révèle incapable de contenir les tensions politiques hors du terrain religieux. En 2016 et pour la première fois, les pèlerins venus d’Iran, qui sont en moyenne 60 000 à faire le déplacement, n’ont pas été autorisés à accomplir le « hadj » suite à la rupture des relations diplomatiques entre Riyad et Téhéran. En 2017, seuls 60 à 70 pèlerins qataris avaient eu le droit de fouler les lieux saints de l’islam à la fin du mois d’août, contre 12 000 l’année précédente, en raison du blocus imposé au Qatar par le royaume wahhabite et ses alliés.

Si l’Iran a de nouveau pu envoyer près de 86 000 ressortissants à La Mecque et Médine l’an dernier au prix de longs mois de négociation et du port obligatoire de bracelets électroniques, les fidèles qataris ne savent toujours pas s’ils pourront s’y rendre à la fin du mois d’août, comme le veut la tradition. Débutée le 5 juin de manière particulièrement brutale, la crise du Golfe se poursuit en effet pour une durée encore indéterminée. Le boycott initié par l’Arabie saoudite n’a pas donné les résultats escomptés : tandis que Doha a profité de la rupture des relations diplomatiques et commerciales pour diversifier et moderniser son économie, c’est Riyad qui ressent le contrecoup économique.

En plus d’instrumentaliser le «hadj» à des fins politiques, le pouvoir saoudien fait face à d’importantes craintes en matière d’insécurité. Principale source d’inquiétude, le risque de mouvement de foule, qui a causé près de 2 300 victimes lors de la gigantesque bousculade meurtrière de 2015. L’an dernier, les autorités affirment avoir mobilisé 100 000 forces de l’ordre et 17 000 employés de protection civile afin de renforcer la sécurité des deux à trois millions de pèlerins qui viennent chaque année en provenance de 80 pays.

Un dispositif qui ne suffit toutefois pas à dissiper tous les doutes. «Ça m’angoisse. J’ai peur d’y aller, de me faire écraser et de perdre la vie, témoigne Dina, une Française de 27 ans. Je repense encore à tous ces gens partis chercher la transcendance et qui ont fini enterrés. […]» L’appréhension des pèlerins est d’autant plus élevée que le rassemblement sacré tel qu’il est organisé présente d’autres risques. Outre les menaces d’attentat terroriste ou d’épidémies comme la grippe A en 2009 et le choléra qui sévit actuellement au Yémen voisin, la gestion saoudienne est également fragilisée par son laxisme face aux nombreuses plaintes d’agressions sexuelles sur les lieux saints.

[…]

Donner mon argent à un État qui, au lieu de le redistribuer aux pauvres, préfère bombarder le Yémen

Étape incontournable dans la vie d’un musulman qui en a les moyens, le pèlerinage à La Mecque fait également polémique parmi les croyants pour sa dimension mercantile, qui s’est développée au fil des années. Principale source de revenus pour l’économie saoudienne avec le pétrole, le tourisme religieux aurait rapporté 16,4 milliards d’euros à l’Arabie saoudite l’an dernier. Le coût moyen pour accomplir le hadj, 4 100 euros pour les étrangers, irrite les candidats au voyage. « Idéalement, j’aimerais aller à La Mecque, mais c’est devenu un haut lieu du consumérisme. C’est juste un business, déplorait Ahmed dans les colonnes de Libération. Je me sens piégé entre ma foi, les bienfaits spirituels que je pourrais retirer d’un pèlerinage et le fait de donner mon argent à un État qui, au lieu de le redistribuer aux pauvres, préfère bombarder le Yémen.» «Cet esprit mercantile est contraire aux principes de l’islam, affirme Virginie, Française d’origine iranienne. Le hadj est censé faire disparaître les différences sociales, pas les mettre en compétition.»

Face à l’organisation chaotique de l’Arabie saoudite, une campagne mondiale s’est créée pour confier la gestion des lieux saints à une institution internationale, comme l’Oumma. Baptisée «Al Haramain Watch», cette mobilisation a pour ambition de soustraire l’administration de ces espaces à Riyad, de conseiller le pouvoir saoudien dans la rénovation des mosquées sacrées ou encore d’établir une liste des personnes interdites d’effectuer le pèlerinage pour mieux défendre les lieux. Un premier colloque international s’est déjà tenu sur le sujet en Inde, suivi d’une grande conférence en janvier dernier à Djakarta.

Par cette action, le monde musulman tenterait également de limiter le pouvoir dont abuse allègrement l’Arabie saoudite lors du hadj par «incitation à se conformer au wahhabisme, visible notamment dans le contrôle de la façon de réaliser les rituels», comme le souligne Sylvia Chiffoleau, chargée de recherche en histoire contemporaine au CNRS, ou à travers un chantage aux visas à l’encontre de pays politiquement en froid. «Des voix de plus en plus nombreuses, en Indonésie notamment, réclament une internationalisation de la gestion du hadj par une structure dont la forme reste à définir», confirme la chercheuse. «Ce serait plus cohérent de reconstituer l’Oumma dans l’intérêt des musulmans du monde entier. Et peu importe nos courants/branches religieux (ses). L’essentiel est de bénéficier de lieux saints sécurisés où règnent l’entraide et la solidarité», ajoute Virginie, convaincue que seul «un affaiblissement de la monarchie saoudienne» pourrait aboutir à une gestion plus «humaine» du pèlerinage à La Mecque.

Source: oumma.com

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