Les chrétiens: le présent et l’avenir
Synode en faveur du Mashreq
Source: al Akhbar
Le parcours du général Michel Aoun, qui revient aux origines du Machreq arabe des chrétiens du Liban et de la région, se poursuit. Un parcours qui a dépassé les intérêts étroits fondés sur les calculs étroits du Liban. C’est une chose que Aoun confirme jour après jour, et pas après pas. Il est revenu à une révision totale qui lui permet de consolider ou de modifier une position ou même de se diriger vers une nouvelle étape, totalement différente de la précédente, une étape qui introduit des modifications essentielles dans les mécanismes de la réflexion, les approches et le discours lui-même, et même jusqu’aux termes. L’étape du synode en faveur du Machreq s’est imposée avec force sur le général Aoun, et sur les autres concernés par la question, à partir d’angles supplémentaires, et parmi eux le chercheur Ghassan Chami qui a commencé sa discussion avec Aoun sitôt la préparation réussie de ce dernier à Alep, et leur accord sur la préparation d’une étude documentée qui soit une source historique de référence pour formuler une position politique définitive. Pendant quatre mois, Chami a travaillé, s’appuyant sur des amis en Egypte, en Irak et en Syrie, et s’éloignant autant que possible du politique. De l’autre côté, le « général » a pris en charge la préparation d’un message à caractère politique pour le synode, qui est supposé mettre les points sur les i, en tant que dirigeant politique chrétien. Chami déclare qu’il a découvert, au cours de ses nombreuses réunions avec les évêques et les centres de recherche, l’absence d’études sérieuses à ce propos. Il a tenté de consulter toutes les sources existantes, et de contacter tous les responsables spirituels et temporels concernés par le champ de son étude, mais il s’est vite aperçu, ainsi que son équipe de recherche, qu’il y a une grave tentative datant de près de vingt ans, depuis l’apparition du concept d’islamophobie, de diaboliser l’islam après l’effondrement de l’union soviétique. Le général Aoun a suivi les détails du travail, presque une fois par semaine, il a lu et a loué l’action. Il a élargi sa vision du sujet, et approfondi la question qui le préoccupe depuis trois ans à propos des chrétiens du Machreq. Il a suivi le sujet avec le conseil des évêques il y a neuf mois, et dans ses tournées des congrégations, ses rencontres fréquentes avec les concernés par ce sujet, dès que les élections législatives otn été achevées.
Ghassan Shami
Pour comprendre les espoirs des chrétiens du Machreq, leur rôle et leur avenir, il est nécessaire de faire une rapide introduction historique qui donne un aperçu de leur passé jusqu’aux temps présents, de leur histoire dans la région avant de se tourner vers les musulmans, où les deux religions du Machreq partagent un texte, un esprit, une histoire et une culture.
La période avant le décret de Milan (313 ap. JC) émis par l’empereur Constantin le Grand, qui a fait du christianisme une religion reconnue dans l’empire byzantin, n’est pas la même que celle qui suit, où le christianisme, malgré l’oppression, est parvenu à gagner les pays du Machreq, grâce à la foi des croyants. Les byzantins se sont appuyés sur les tribus chrétiennes, la plus importante étant celle de Ghassan, dans leurs conflits politiques et militaires avec les Perses qui s’étaient également appuyés sur les tribus chrétiennes lakhmites des Manadhira au cours de ces conflits, et le christianisme s’est répandu au sein des tribus qui s’installaient dans le pays du Sham, dont la majeure population était araméene, qui vivait dans les villes, les campagnes et les lieux désertiques. Ses tribus étaient les Taghlib et les Ghassan, qui levaient la bannière de Mar Sarkis, ainsi que les tribus de Kalb, Bakr, Lakhm, Jadham Tay, Qada’a, Tanoukh, Daja’im des Slih et d’autres. Tous entretenaient des relations suivies avec les tribus de la péninsule arabique, à cause des déplacements, des lieux de parenté, et du commerce, le christianisme était présent à Najran, au Yemen, à Bahrayn et également à la Mecque, où le prophète Muhammad et le prêtre Waraqa b. Nawfal célébraient leur culte.
Le christianisme était un message transmis par le messie, malgré la propagation des discordes théologiques, mais lorsque les empereurs s’en sont emparés, les choses ont changé. Depuis Constantin et le concile de Nicée (325 ap. JC), le pouvoir temporel a exercé une grande influence sur les affaires de l’église, et la preuve en est le conflit avec Arius (256-336 ap. JC) qui avait affirmé que la parole n’est pas un dieu. Après que le concile ait interdit ses enseignements qu’il a jugés hérétiques et qu’il ait ordonné son exil, l’empereur a été obligé de revenir sur sa décision le concernant à cause du jeu politique et de l’intérêt du pouvoir. Les successeurs de Constantin sont intervenus encore plus dans les affaires de l’église et dans la nomination et la démission des évêques en fonction des tendances politiques et confessionnelles. Il en est résulté une lutte confessionnelle amère qui a pesé pendant très longtemps, et auquel le concile de Chalcédoine (451 ap. JC) n’a pas mis un terme, ni même le retrait de Hercule devant les armées arabes en 638. L’historien Oster Grosky dit que l’empereur n’était pas le juge suprême, mais il est devenu « un gouverneur tyrannique, puisant son pouvoir non d’une force terrestre, mais de Dieu », il a acquis le pouvoir sur l’église et parmi les traits « de l’empire byzantin, la domination du pouvoir impérial sur l’église ».
Le nombre des chrétiens dans le monde arabe s’élève à 12 millions d’individus, sur un total de 330 millions.
Le pouvoir impérial a contribué à effriter les chrétiens du Machreq en intervenant dans les conflits théologiques, et du fait de son rôle évident dans l’oppression des monophysistes et des chalcédoniens (ceux qui croyaient à la nature unique ou aux deux natures du Christ), bien qu’il avait besoin de tous les efforts et de toutes les énergies pour affronter l’infiltration des intérêts perses qui se propageaient à l’époque. Les moines et les saints ont cependant propagé l’esprit du christianisme au Machreq loin du tumulte politique, pendant qu’une haine profonde se cristallisait dans les esprits contre le pouvoir byzantin, favorisant l’aide apportée par beaucoup aux Perses lorsque ces derniers ont envahi la région et sont arrivés jusqu’à al-Qods (614 ap. JC), s’emparant de la planche de la croix, et par la suite, lorsque la population a considéré que l’armée arabe n’était pas une armée étrangère lorsqu’elle est entrée à Damas en 634 ap. JC.
Il n’est pas étrange de lire dans les ouvrages d’histoire que les chrétiens du Machreq ont aidé l’armée arabo-islamique, à partir de Bosra dans le Sham, puis l’aide apportée par Mansour b. Serjoun, aïeul du saint Jean le Damascène, aux Arabes, pour permettre à Khaled b. al-Walid et Abu Ubayda al-Jarrah de conquérir Damas et la remise pacifiquement d’al-Qods, par le patriarche Sefranious au calife Umar b. al-Khattab. Mais il y a aussi l’épisode de la révolte des Arméniens dans l’armée de Hercule au cours de la bataille décisive d’al-Yarmouk et ce qu’a rapporté Michael le syrien, le patriarche monophysiste et historien, disant : « le seigneur de la vengeance a fait venir des régions du sud les enfants d’Ismaël pour nous sauver des Grecs, et nous avons été atteints par le bien en étant libérés de la rudesse des Romains, de leurs maux et de leur colère envers nous » est une preuve de la manière dont ont été accueillis les musulmans par les chrétiens arabes. De son côté, l’historien britannique Edward Gibbon décrit dans « l’histoire de la montée et de la chute de l’empire romain », l’état des Egyptiens lors de la conquête disant : « les Arabes ont été accueillis comme les sauveurs de l’église jacobite, et lors de l’encerclement des troupes de Amrou b. al-Ass de Manaf, un traité secret a été signé entre une armée victorieuse et un peuple de serfs », car les Byzantins avaient exercé une forte oppression sur les Coptes à cause de la discorde confessionnelle. L’historien britannique Alfred Bulter, rapporte quant à lui les paroles d’un évêque nestorien, disant : « ceux à qui Dieu a remis le pouvoir à notre époque ne combattent pas le christianisme et sa religion mais défendent notre religion, honorent nos prêtres et nos saints et accordent des dons à nos monastères ».
La présence chrétienne au Machreq est demeurée prépondérante tout au long du premier siècle de l’hégire. Sir Thomas Arnold (1864-1930), auteur de livre « le patrimoine de l’islam » dit : « nous ne pouvons que reconnaître que l’histoire des chrétiens sous le gouvernement islamique se caractérise par un éloignement très marqué de l’oppression religieuse », ajoutant que les chrétiens ont acquis des fortunes et ont bénéficié d’une grande réussite au cours des premiers siècles de l’islam, grâce à la liberté que l’islam leur a accordée dans leur vie, dans leur appropriation et dans leur foi, et certains d’entre eux avaient un grand pouvoir dans les palais des califes.
Le père jésuite Henri Lamens dit que « le nombre des musulmans à la fin du premier siècle de l’hégire ne dépassait pas les 200.000 individus face aux 4 millions de Syriens », et les chrétiens ont occupé des postes importants dans l’Etat et pris en charge le mouvement de rédaction, traduction et transcription dans les sciences, la médecine et le commerce. Les noms dans ces domaines sont innombrables, ce qui signifie que les musulmans n’ont pas opprimé les chrétiens, hormis l’épisode de Umar b. Abdel Aziz qui a gouverné pendant trois ans, et bien qu’il soit enterré dasn une terre leur appartenant, à quelques pas du couvent de St Semaan près de la ville de Maarat Nu’man, en Syrie. Il avait expulsé certains de leurs fonctions officielles, transformé quelques églises en mosquées, interdit la construction de nouvelles églises et interdit le port du vêtement « amama », leur imposant de tondre le toupet, de se revêtir de manière spécifique, de monter à cheval sans monture. Mais ces mesures prirent fin à sa mort, mais ces mesures étaient dues à son tempérament personnel et non à cause d’une orientation religieuse.
Dans les faits, la première oppression réelle subie par les chrétiens a eu lieu au temps du dixième calife abbasside, al-Mutawakkil (847-861 ap. JC), qui est de mère turque, et le premier calife à adopter l’école shafi’ite. La période de son règne a assisté au début de la chute de l’Etat abbasside. Il a imposé à nouveau les mesures de Umar Abdel Aziz sur les chrétiens, ajoutant l’interdiction de célébrer leurs fêtes à l’extérieur de leurs maisons, le non respect de leurs propriétés et de leurs églises et près d’Alep, un groupe a été contraint à adopter l’Islam. Mais ce calife, dont la période de règne fut le théâtre d’un dur conflit avec les Byzantins, où des prisoniners arabes ont été exécutés après qu’il leur fut demandé d’abandonner l’islam et qu’ils aient refusé leur christianisation, n’a pas seulement opprimé les chrétiens, mais également les shi’ites et les alawites, il avait également ordonné la destruction de la tombe d’al-Hussayn b. ‘Ali à Karbalâ’.
Le gouverneur fatimide Bi-Amr Allah (985 – 1021) a émis des ordres supplémentaires ridicules, fixant aux chrétiens la longueur et le poids des croix qu’ils pendaient à leurs cous, leur interdisant de monter les chevaux, ils devaient se contenter des ânes et des onagres, sans montures. Il était d’ailleurs réputé pour son tempérament étrange et son caractère sanguinaire. Bien que sa mère ait été chrétienne, il avait ordonné la destruction de l’église du St Sépulcre, donnant le prétexte pour les Croisades. Cependant, il avait également détruit la mosquée de ‘Umru b. Al Aas à Alexandrie et opprimé les juifs et les musulmans qui professaient une autre confession.
Les chrétiens du Machreq n’ont pas eu, après l’arrivée des Ottomans, suite à la bataille de Marj Dabik, près d’Alep en 1516, une situation meilleure que celle qu’ils avaient au temps des Mamelouks, malgré la soumission des sultans aux considérations politiques et leur promulgation de « firmans » prétendant améliorer la situation des chrétiens. En réalité, la situation s’est détériorée et a entraîné l’intervention de l’Occident dans le jeu de repli sur soi des chrétiens et la liaison de certains avec ses capitales depuis le premier accord signé entre le sultan ottoman Soliman Le Magnifique qui a gouverné entre 1520 et 1566 et l’ambassadeur français Jean de Laforêt, qui fut renouvelé plusieurs fois, et qui garantissait l’extension des articles concernant les personnes et les propriétés françaises, pour inclure les chrétiens du Machreq, notamment les cathoiques. Cependant, la réalité indique que leur état est resté au niveau le plus bas, et qu’ils sont demeurés des citoyens marginalisés et impuissants, jusqu’au départ de l’Etat ottoman en 1916.
Du fait de leur situation historique conflictuelle, les chrétiens du Machreq ont à nouveau insufflé l’âme du renouveau arabe au cours de la période moribonde de « l’homme malade » ottoman. Ils contribuent, en tant qu’initiateurs, à diffuser la conscience grâce à des associations et des journaux et à revivifier la langue arabe pour contrer la turquisation. Ils offrent des martyrs dans les places de Beyrouth et de Damas, lors du départ de l’occupation ottomane, et les noms sont innombrables dans ce domaine. Ils se précipitent également pour fonder ou participent à la fondation des partis sur la base de la citoyenneté et la séparation de la religion et de l’Etat, et d’autres sur une base confessionnelle enveloppée par une tendance libérale. Le but de nombreux d’entre eux fut de se débarrasser du caractère de « dhimmis » en cherchant à fonder des Etats nationaux ou libéraux qui s’appuient sur le principe de la citoyenneté et de la justice sociale. Ils participent activement aux révoltes paysannes dans le Mont Liban (1780 – 1857) et dans le Hauran en Syrie. Après l’accord Sykes-Picot et le partage du Machreq arabe, la seconde guerre mondiale et la montée des Etats nationaux, les chrétiens s’insèrent dans la majorité des mouvements nationaux en fondant des partis laïcs et des mouvements patriotes, et paient leur tribut dans le conflit avec Israël après sa fondation en tant qu’Etat et son occupation d’une partie de la terre palestinienne et l’expulsion des Palestiniens, chrétiens et musulmans.
La répartition actuelle des chrétiens dans le Machreq
Il faut regretter l’absence de statistiques officielles ou semi-officielles sur le nombre réel des chrétiens dans les Etats du Machreq, et même l’absence de statistiques précises dans le monde. Dans tous les cas, les chiffres sont toujours approximatifs. Les chrétiens dans les pays du Machreq sont répartis, hormis l’Egypte, dans onze confessions, alors que les coptes se répartissent en trois confessions, tout comme les chrétiens se répartissent en minorités historiques et ethniques, comme les Assyriens, les Chaldéens, les Arméniens et un minorité au sein des Kurdes. Le nombre des chrétiens est estimé à 12 millions d’individus dans le monde arabe, sur un ensemble de 330 millions, mais la majeure partie d’entre eux se trouvent dans les Etats du Machreq, et se répartissent entre l’Egypte, le Liban, la Syrie, l’Irak, la Jordanie et la Palestine. L’ensemble de la population de ces Etats, selon les statistiques officielles, est de l’ordre de 150 millions de personnes, ce qui signifie qu’ils représentent 8% de la population des Etats du Machreq, bien qu’il faille indiquer que le nombre d’habitants dans l’Etat hébreu est, selon les dernières statistiques officielles, de 7,5 millions d’individus, 19% d’entre eux sont des Arabes, et le nombre des chrétiens s’élève à 148.000 individus, soit 2,1% de la majorité de la population. De même, le nombre des chrétiens en Turquie et en Iran est de l’ordre d’un quart de million, beaucoup d’entre eux ayant émigré ces dernières années vers différents Etats dans le monde.
L’émigration traditionnelle des chrétiens du Machreq
L’étude de l’histoire de l’émigration du Machreq mène à diverses voies. Celle-ci ne s’est pas limitée aux chrétiens mais a touché les autres constituants de la sociétés. Cependant, elle a souligné le faible nombre des chrétiens dans quelques pays. Quant aux causes de l’émigration, elles sont nombreuses et multiples.
L’émigration n’est plus un phénomène limité à certains Etats dans le monde, ou concernant une ethnie, religion, confession particulières, mais elle touche l’ensemble des religions et des origines nationales, et il ne faudrait pas l’approcher sous un seule angle, comme la politique, ou l’oppression religieuse ou la peur de l’autre, car cette approche démontre une ignorance, une courte vue ou cache des buts inavoués. La plupart des chercheurs et des spécialistes des statistiques considèrent que l’émigration est due à une décision individuelle prise par une personne précise, avant d’être une inquiétude collective. Il s’agit d’ailleurs d’un droit de l’individu qui souhaite vivre dans un lieu où il se recherche sa tranquillité. Là gît la différence entre l’émigré et l’exilé, le premier a volontairement choisi de s’en aller pour vivre, gagner sa vie ou modifier son appartenance, étant donné que ce qu’il recherche ne se réalise pas dans sa patrie mère. Certains émigrés s’en vont sans volonté de revenir, n’ayant aucune appartenance, recherchant une autre nationalité qu’ils considèrent comme un refuge pour eux et leurs ambitions. Le second, l’exilé, a été repoussé de force et contraint à abandonner sa terre. Cette situation s’applique aux chrétiens et aux autres, comme dans les cas de la Palestine et de l’Irak, et plus globalement, l’exil forcé est la conséquence du fanatisme religieux, phénomène rare au Machreq.
Les sources indiquent que la première émigration des chrétiens du Liban a commencé lors du déclenchement de la guerre civile en 1854, mais elle est restée globalement dans la région du Machreq, certains ayant émigré localement, une partie s’est dirigée vers la Palestine et une autre vers l’Egypte, et certains vers l’Amérique latine. La première émigration palestinienne de Bethlehem en direction du Brésil date de 1880, puis l’émigration de la population du Machreq vers l’Amérique du sud s’est étendue depuis 1892, atteignant son point culminant dans les années 1903-1930, à cause de la famine et de la première guerre mondiale, ou ce qui fut nommé « safar barlek », avant la disparition de l’empire ottoman. Quelques statistiques indiquent que le nombre des émigrés au Brésil a atteint le 1,8 million d’émigrés en 1970, alors que les chiffres du ministère brésilien de l’immigration indiquent que le nombre de Libanais ou les descendants d’origine libanaise a atteint le chiffre de 5,8 millions d’habitants.
Le conseil mondial des églises, le conseil des églises du Moyen-Orient, le centre de recherches de l’unité arabe et le congrès national arabe, ainsi que quelques universités chrétiennes, notamment au Liban, ont déterminé les causes de l’émigration en général, et affirmé que les taux sont les suivants : 44% à la recherche de travail, 30% à cause des familles mixtes, 15% pour étudier à l’étranger et choisir une patrie alternative, et 10% par crainte de l’extrémisme, ainsi que d’autres causes secondaires, ce qui indique que les causes religieuses viennent en dernier, ce qui nous oblige à y revenir, en détail, pour chaque pays en particulier, et même dans le cadre des groupes ethniques chrétiens, dans l’étude des causes qui ont entraîné l’émigration historique des nationalités.
Le facteur économique de l’émigration met en avant l’élément matériel, le manque d’opportunités de travail et la pauvreté, mais aussi le goût de l’aventure. Le brouillage historique de l’identité et l’absence de sa cristallisation en général ont contribué à affaiblir le taux d’appartenance, et pour le chrétien croyant, ceci est totalement opposé à la croyance dans l’annonciation et le Christ, dans le sens où il doit être témoin du vrai, avec le Christ, et que demeurer sur place signifie être le roc que Jésus a demandé à Pierre de l’être. Le maintien de la présence chrétienne au Machreq n’est une faveur de personne, mais un devoir. Ainsi, le fondamentalisme musulman a émergé clairement dès les années 50, issu d’une lecture unilatérale du texte religieux, ayant mis à profit, pour mobiliser ses partisans, le soutien absolu de l’Occident pour Israël. Ces mouvements se sont développés à partir d’une conception jihadiste, contre le marxisme au départ puis contre l’occident, et l’américain plus précisément. Il y a également le massacre démographique basé sur une conception préalable devant faciliter l’émigration des nationalités historiques du Machreq et leur assurer des lieux de refuge, le travail et la nationalité hors de leur cadre naturel, géographique, historique, linguistique et civilisationnel. Quant à l’émigration des chrétiens syriens vers le Liban, elle est historiquement due aux relations inter-familiales et aux intérêts. Une partie des chrétiens du nord de la Syrie, suite à la ruine des « villes inanimées » au cours des guerres arabo-byzantines et après les croisades, les tremblements de terre et autres troubles, est arrivée au Liban, et une autre partie a suivi, depuis les années quarante du siècle dernier, venant de Hauran, à la recherche de travail. L’émigration des chrétiens de Syrie s’est développée ensuite après la guerre de 1967 et notamment après les événements relatifs aux Frères musulmans en 1980. Nombreux sont ceux, parmi les diplômés et les aptitudes élevées, et même ceux qui sont aux postes administratifs, qui ont pu obtenir des visas grâce à leurs liens de parenté et sont partis vers l’Amérique, le Canada, la Suède et quelques pays d’Europe occidentale.
Les chrétiens du Machreq ont historiquement contribué à instaurer un équilibre social, culturel et relatif au savoir dans leur pays. Au cours des 2000 et quelques années passées, ils ont occupé une position centrale dans la construction et le développement de la civilisation arabe, tant au niveau de la langue, de l’architecture, de la culture, de la créativité et de l’économie, non pas en tant que constituant séparé dans la société, mais en tant qu’élément essentiel actif dans l’action humaine, le savoir et le travail. Grâce aux intérêts croisés dans la société, ils parvenaient à rapprocher ses éléments constitutifs, au niveau des us, des coutumes et des liens de parenté, comme ils ont représenté un pont pour la liaison avec le producteur de la connaissance en Occident, participant ainsi à atténuer la vision sombre et négative qui s’était propagée après les Croisades.
L’émigration ne fut pas un destin implacable la plupart du temps, mais plutôt un choix et une obsession individuelle pour certains. C’est pourquoi il ne faut pas voir unilatéralement ceux qui optent pour ce choix. En réalité, un grand nombre d’émigrés ont essayé de préserver leurs coutumes et leur église dans l’exil, dans un effort de préserver leur identité authentique, mais la nature de la vie en exil et la différence entre les modes de pensée, les cultures, les coutumes et les traditions ont contribué ont ébranler, dans une grande mesure, leur identité machriqie.
Mesures et responsabilités
Depuis de longues années, certaines personnalités soucieuses de l’avenir de la région ont élevé leur voix pour mettre en garde contre les conséquences de l’émigration sur l’environnement du Machreq globalement et plus particulièrement sur les chrétiens, mais ces voix n’ont pas réussi à changer la décision de l’émigré ni à le faire revenir à sa patrie, ce qui indique l’existence d’un déséquilibre dans la pratique, le discours et l’adresse, et même dans les mécanismes de travail, dans l’enseignement, l’éducation et l’orientation, disant que le message n’est pas parvenu au commun des gens. C’est pourquoi il est nécessaire d’entreprendre une véritable critique des moyens d’action, du mode de discours et du mécanisme de l’adresse, avant de revenir et nous adresser au citoyen chrétien, lui demandant de demeurer sur sa terre et de s’accrocher à son identité machriqie.
Les responsabilités incombent aux: Etats du Machreq qui sont globalement constitués d’une mosaïque de confessions et d’ethnies. La perte de l’une d’elles entraîne leur appauvrissement, la perte de leur diversité, de leur caractère unique et de leur message, comme elle affaiblit leur économie et déstabilise leur structure sociale. C’est pourquoi les parties politiques exerçant un pouvoir dans le Machreq doivent prêter attention à la question de l’émigration chrétienne, non seulement d’un point de vue religieux, mais plutôt national, où elles y constatent les traits d’une crise rampante. Elles doivent prendre une initiative nationale pour freiner et supprimer les causes qui poussent les jeunes chrétiens à l’émigration. La Syrie et la Jordanie doivent accueillir les chrétiens d’Irak, du moins provisoirement, et ne pas se contenter d’être un pont pour leur exil lointain, et essayer de les ramener à leur patrie. Dans le cas de l’émigration des chrétiens d’Irak, le problème ne sera pas résolu car des séditions confessionnelles ou ethniques, sunnites- shi’ites, arabes – kurdes, sont à l’horizon, les unes à la suite des autres.
« les chrétiens du Machreq ont historiquement contribué à instaurer un équilibre social et culturel dans leurs pays »
Les patriarches catholiques du Machreq ont affirmé, dans leur message à l’occasion de leur première réunion au Liban, en 1991 que « le terrible fléau de l’émigration dévaste notre corps et annule notre parcours, il prive nos églises et nos patries de notre contribution, notre don et notre coopération. Nous avons besoin de nos patries car elles sont le milieu de notre appel et notre message, et nos patries ont besoin de nous pour que nous puissions les enrichir par l’authenticité de notre présence active et laborieuse ».
Il est évident que les églises du Machreq, qui ne sont pas toutes catholiques, supportent, d’une manière ou d’une autre, le poids de l’émigration. Le discours fleuve, la manière traditionnelle d’assumer leur rôle, leur travail social qui s’apparente au folklore, et éducatif basé sur le calcul du gain dans les écoles, le discours basé sur une grande part de méfiance vis-à-vis de l’autre, la non consolidation de la conception de l’appartenance à l’histoire et à la société, ont largement contribué à approfondir le phénomène de l’émigration chrétienne. L’église n’est pas une tour d’ivoire pour les pères et les moines, et n’est pas un luxe ajouté ni des prières ou de l’encens, mais elle est une insertion dans la société pour aborder ses inquiétudes, comme abordait Jésus Christ les soucis des gens, et comme il l’a fait, en expulsant les banquiers du temple et en les menaçant, et comme l’ont fait les saints et les ascètes en soignant les âmes et les corps et même en repoussant tout ce qui assaillait les sociétés. Beaucoup de pères de l’église ont affronté le gouverneur tyrannique et se sont sacrifiés pour la défense de leur foi en la justice.
Le document présenté par Sa sainteté le pape, lors de sa visite à Chypre, a décrit les chrétiens du Machreq, avec nos réserves sur l’utilisation du terme « chrétiens du Moyen-Orient » (qui est un terme politique), en tant que « citoyens authentiques qui appartiennent véritablement et juridiquement au tissu social et à la même identité particulière de leur pays ». Cette description est vraie, mais le document, qui a indiqué que les musulmans ont associé l’Occident au christianisme, a mentionné que l’Occident a une tradition chrétienne et que ses gouvernements sont laïques, dont la politique ne s’inspire pas de la foi chrétienne, mais au contraire, ils combattent certaines de ses expressions.
C’est là où l’église occidentale a un rôle à assumer en instruisant les fidèles occidentaux à ce propos, pour contrer une campagne virulente menée, en cachette ou en public, par les forces et les médias pour diaboliser l’islam, ce qui se réflète négativement sur les sociétés authentiques dont a parlé sa sainteté le pape.
Cependant, sa sainteté aborde la question, dans son message, à partir de la considération que « la disparition des chrétiens en Orient sera une perte pour la diversité qui a distingué les pays du Moyen-Orient ». Il faut indiquer ici qu’en terme de foi, le concept de « disparition » ne peut être accepté ici, à partir du témoignage du christ disant qu’il demeure auprès des croyants jusqu’à l’éternité, et que l’allégeance prêtée sur le rocher « et aux portes de l’enfer » ne sera pas vaincue. C’est pourquoi il faut franchement désigner les politiques occidentales soutenant Israël, que sa sainteté a abordées de manière souple, et même dénoncées, demandant qu’elles soient soumises au droit international et humain. Le document a rappelé que « l’occupation israélienne des territoires palestiniens rend la vie quotidienne difficile, tant au niveau du déplacement que de la vie économique ou socio-religieuse ».
La question qui se pose est celle-ci : y a-t-il encore une vie quotidienne pour les Palestiniens pour qu’elle soit devenue difficile ? Les chiffres des Nations-Unies indiquent que le nombre de barrages militaires israéliens dans la Cisjordanie, qui s’étend sur 5760 kms2 est de 505 barrages, ce qui veut dire que le terme « difficile » n’est pas approprié. Est-ce que les guerres et les massacres des Palestiniens commis depuis plus de 70 ans et l’exil forcé sont-ils seulement « difficiles ? » Evidemment non. C’est pourquoi il faut souligner ici la responsabilité directe de « l’épuration religieuse » dont est responsable l’occupation israélienne, selon le droit international, mais également l’occident qui accorde à ces chrétiens des visas leur permettant d’émigrer. Par conséquent, l’église catholique doit assumer la responsabilité d’empêcher l’émigration des chrétiens qui demeurent en terre sainte, ne pas tolérer la vente ou la location des awqaf et biens de l’église aux Israéliens, tout comme l’église orthodoxe doit cesser de vendre et de louer ses biens aux parties israéliennes.
Les divergences implicites des églises au Liban ont masqué l’approche de la situation des chrétiens qui y vivent et évité de confirmer le message du synode pour le Liban en tant que terrain d’action pour instaurer un modèle de relations avec les musulmans. A peine une partie chrétienne a signé un accord écrit avec un élément constitutif musulman que des forces politiques et une église se sont levées publiquement et implicitement contre cet accord, certains essayant même de le diaboliser, alors que c’est un accord écrit qui a protégé le pays d’une guerre civile, à l’une des étapes troubles que le Liban a récemment vécues.
Le document évoque la « montée de l’islam politique en Egypte et l’isolement des chrétiens de la société civile », sans rechercher les causes réelles de ce qui est arrivé, tout en indiquant la situation de misère économique et l’évolution de la relation tendue entre l’église copte et l’Etat égyptien depuis l’alignement de ce dernier sur l’occident et sa transformation en état qui s’appuie sur les aides en provenance de l’occident.
Il faut remarquer que le document ne traite pas de la situation des chrétiens en Syrie et en Jordanie, où ils représentent, dans le premier pays, 10% de la population et sont au nombre de 20 millions d’individus, et dans le second, 4%, en prenant en compte que les deux pays supportent le plus les conséquences de l’émigration irakienne, et notamment des chrétiens, qui sont venus en majorité en Syrie.
De plus, il y a des partis politiques au Machreq, certains sont au pouvoir, d’autres dans l’opposition, et parfois, les pouvoirs ont eux-mêmes fondé des partis à leur mesure, des partis laïques ou bien masqués par la religion, d’autres religieux et confessionnels. Tous ont le devoir de définir ce qu’est la citoyenneté et essayer de ne pas séparer les constituants de la société, les uns des autres.
Les musulmans du Machreq et leur relation avec les chrétiens
Le véritable islam est celui qui appelle à la « parole juste », et non l’islam qui diffuse un discours politique et accusateur d’incroyance, tirant du Coran et du hadîth ce que bon lui semble pour essayer d’imposer son extrémisme et sa fermeture, sur les musulmans avant les chrétiens. C’est pourquoi les musulmans du Machreq assument le devoir de poser l’islam dans son vrai cadre, celui de l’appel qui ne distingue pas entre les prophètes et les messagers, basé sur le respect des doctrines « Ô vous qui avez cru, ayez toujours foi en Dieu, en Son prophète, au Coran qu’Il lui a révélé et aux Ecritures qui l’ont précédé ! Quiconque renie Dieu, Ses anges, Ses Livres, Ses prophètes et le Jour dernier s’écarte à jamais de la Vérité » (sourate les Femmes, 136). Le saint Coran poursuit, demandant aux croyants « Dites : « Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Ibrahim, Ishâq, Ya’qub et aux Tribus ; à ce qui a été donné à Musa et ‘Issa ; à ce qui a été révélé aux prophètes. » (sourate la Vache, 136, La famille de ‘Imran, 84) ; « Ô gens des Ecritures ! Tant que vous ne vous conformerez pas à la Thora, à l’Evangile, à ce qui vous a été révélé par le Seigneur, vous n’accomplirez rien de valable ! » (sourate La Table, 68). Dieu a voulu que les gens ne professent pas une seule religion, Il a laissé des millions de gens sans Livre ou inspiration : « Et si ton Seigneur l’avait voulu, Il n’aurait fait des hommes qu’une seule communauté » (Hûd, 118). Il a également dit : « Certes, ceux qui croient, ceux qui pratiquent le judaïsme ainsi que les Sabéens, les chrétiens, les zoroastriens et les polythéistes, Dieu les départagera le Jour de la Résurrection car Il est Témoin de toute chose » (Le Pèlerinage, 17). Même ceux qui ont été polythéistes, Dieu les départagera le Jour dernier, il n’y a personne d’autre qui juge, à part Lui. A partir de là, il n’y a pas de place dans l’islam pour ceux qui accusent d’incroyance, qu’en est-il alors pour ceux qui accusent les chrétiens en les décrivant comme des croisés, des incroyants et des polythéistes ? Dans le saint Coran, 114 sourates évoquent le messie, et plus précisément, le terme « Jésus » est mentionné onze fois dans le Coran, le terme « Issa » 25 fois, alors que le terme « Maryam » est cité 34 fois. Le saint Coran a distingué le messie par des attributs nobles dont n’a bénéficié aucun prophète, il est le fils d’une Vierge « Comment, s’étonna-t-elle, pourrais-je avoir un enfant alors qu’aucun être humain ne m’a jamais touchée et que je n’ai jamais été une femme de mœurs légères ? » (Marie, 20). Il est le messager de Dieu et Sa parole : « Le Messie Jésus, fils de Marie, est seulement l’envoyé de Dieu, Son Verbe déposé.. » (Les femmes, 171), « Ô Marie ! Dieu te fait l’heureuse annonce d’un Verbe émanant de Lui, qui aura pour nom le Messie Jésus, fils de Marie. » (La famille de ‘Imrân, 45). Il est l’Esprit émanant de Dieu « Le Messie Jésus, fils de Marie, est seulement l’envoyé de Dieu, Son Verbe déposé dans le sein de Marie, un Esprit émanant du Seigneur ! » (Les femmes, 171). Il est infaillible, illustre et élu : « illustre dans ce monde et dans l’autre, et comptera parmi les élus de Dieu » (La famille de ‘Imrân, 45). Il accomplit des miracles : « je façonnerai pour vous à partir de la glaise la forme d’un oiseau qui sera vivant, par la grâce de Dieu, dès que j’aurai soufflé dessus » (La famille de ‘Imrân, 49), « je guérirai aussi l’aveugle-né et le lépreux » (La famille de ‘Imrân, 49). Il connaît les secrets : « Je vous dirai également ce que vous mangez et e que vous tenez en réserve dans vos demeures » (La famille de ‘Imrân, 49). Il ressuscite les morts « je ressusciterai les morts, par la grâce de Dieu » (La famille de ‘Imrân, 49) c’est lui qui se lève d’entre les morts « que la paix soit sur moi le jour où je naquis, le jour où je mourrai et le jour où je serai ressuscité » (Marie, 33). Le Coran a même honoré les chrétiens qui ont cru en ‘Issa et plaçant « ceux qui t’ont suivi au-dessus de ceux qui t’ont renié jusqu’au Jour dernier » (La famille de ‘Imrân, 55). La sourate « la Table », qui est une sourate médinoise et qui a été révélée parmi les dernières sourates du Coran, peut être ajoutée à celles de Mariam et la famille de ‘Imran car elle comporte des versets qui décrivent comment se comporter avec les gens du Livre : « Ô Jésus, fils de Marie, dira le Seigneur, rappelle-toi les bienfaits dont Je vous ai comblés, toi et ta mère quand, t’ayant soutenu par le Saint-Esprit, tu parlais aux gens, dans ton berceau, comme lorsque tu devins adulte : quand Je t’ai appris le Livre, la Sagesse, le Pentateuque et l’Evangile ; quand Je t’ai permis de former de l’argile un corps d’oiseau qui devenait vivant dès que tu soufflais dedans : quand Je t’ai permis de guérir l’aveugle-né et le lépreux ; quand Je t’ai permis de ressusciter les morts et quand Je t’ai défendu contre les fils d’Israël à qui tu apportas des signes évidents, pendant que les négateurs d’entre eux s’écriaient : « Tout cela n’est que pure magie ! » » (La Table, 110).
Le Coran ne s’est pas contenté d’honorer Marie par une sourate qui comporte 98 versets, mais il a ajouté la sourate de la Famille de ‘Imran qui honore sa famille et qui comporte 200 versets. Il suffit qu’elle soit la seule femme citée dans le Coran, ce qui signifie que Dieu l’a élue parmi les femmes du monde : « Et les anges de dire : « Ô Marie ! Dieu, en vérité, t’a choisie, t’a purifiée et t’a préférée à toutes les femmes de l’Univers » » (La famille de ‘Imrân, 42), ce qui correspond dans l’Evangile à « tu es bénie parmi les femmes » (Luc, 1/28). Elle est, avec son fils le Messie, un signe : «Puis Nous fîmes du fils de Marie, ainsi que de sa mère, un prodige » (Les croyants, 50). La vierge Marie est le seul nom féminin mentionné par le Coran, et les musulmans l’ont honorée dans tous les pays où ils vécurent, de Najran à Hira, de Tartous à Antakia, comme ils n’ont pas porté préjudice à l’église de Marie, centre de prière des tribus de Taghlib et Ghassan à Damas. En araméen, Marie veut dire « la pure » et est devenu un nom qui signifie la maîtresse-dame. Allah, en araméen et en syriaque, se dit « Morio » et le maître « mar », preuve supplémentaire du rapprochement entre l’islam et le christianisme à partir du messie et de Marie, et même les prêtres et les moines : « Tu constateras sûrement que ceux qui nourrissent la haine la plus violente contre les musulmans sont les juifs et les païens, et que ceux qui sont les plus disposés à sympathiser avec les musulmans sont les hommes qui disent : « Nous sommes des chrétiens ». Cela tient à ce que ces derniers ont parmi eux des prêtres et des moines et à ce qu’ils ne font pas montre d’orgueil » ((La Table, 82), avec un grand respect pour l’Evangile que le messie a rapporté de Dieu : « Nous le dotâmes de l’Evangile qui est à la fois un guide et une lumière » (La Table, 46). De même, Dieu demande à Son prophète Muhammad : « Et si tu as quelque doute au sujet de ce que Nous t’avons révélé, interroge ceux qui, avant toi, lisaient l’Ecriture. » (Jonas, 94).
Bien évidemment, le comportement relationnel est clair dès le premier jour pour les musulmans du Machreq entre le groupe conquérant et les chrétiens. Le pacte du prophète Mohammad envers le monastère de Ste Catherine dit : « il ne change aucun prêtre, aucun moine, aucun détenu dans ses tours, aucun visiteur, il ne démolit ni ne vend aucune maison appartenant à leurs églises, il n’introduit aucun des éléments de leurs églises pour construire une mosquée ou une maison aux musulmans. Quiconque agit de la sorte a rompu le pacte de Dieu et a contredit Son messager, il n’agresse aucun moine ni prêtre ni aucun de ceux qui acceptent la jizia et la taxe, et je les protège, pour ma part, où qu’ils soient, sur terre et sur mer, à l’est, à l’ouest, au nord et au sud, ils sont sous ma responsabilité, ils font partie de mon pacte contre tout préjudice… » rédigé par Ali b. Abi Tâlib, avec les témoins suivants: Abou Bakr b. Abi Qahafa, ‘Umar b. al-Khattâb, ‘Uthmân b. Affân, Ali b. Abi Tâlib, Abd-Allah b. Mas’oud, Al-Abbas b. Abd el-Muttalib, Al-Zubayr b. Al-Awwam. Il y a également le pacte du prophète aux habitants de Ayla, son pacte aux habitants de Ardhah et Miqna, au monastrère de Mar Jirjis al-Humayrâ’ en Syrie, le pacte de Khaled b. al-Walid à la population de Damas, celui du calife ‘Umar lors de la conquête d’al-Qods, le pacte d’Abi Ubayda b. al-Jarrah pour la population de Baalbeck, celui de ‘Abd-Allah b. Saad aux Nubiens.
La relation entre les musulmans et les chrétiens ne peut s’instaurer que sur le dialogue et c’est par le dialogue qu’elle se maintient, selon ce qu’a recommandé le Coran : « Ne discutez pas avec les gens des Ecritures que de la manière la plus courtoise, à moins qu’il ne s’agisse de ceux d’entre eux qui sont injustes. Dites-leur : « Nous croyons en ce qui nous a été révélé et en ce qui vous a été révélé. Notre Dieu et le vôtre ne font qu’un Dieu Unique et nous Lui sommes totalement soumis » » (L’Araignée, 46). Qui a été injuste, parmi les gens du Livre (chrétiens et juifs) tout au long de l’histoire commune qui les lie et qui dépasse les 1400 années ?
C’est pourquoi tout musulman qui s’écarte de ce mode de comportement avec les chrétiens en général et ceux du Machreq en particulier s’écarte des bases de l’islam et des fondements de la religion. Cela ne relève absolument pas d’une faveur que d’avoir un comportement basé sur le respect entre les deux religions célestes et égales. Les chrétiens sont une communauté au sein de laquelle « des membres passent des nuits entières à réciter les versets de Dieu et à se prosterner. Ils croient en Dieu et au Jour dernier ; ils ordonnent le bien, réprouvent le mal et s’empressent d’accomplir de bonnes œuvres. Ceux-là sont au nombre des justes » (La famille de ‘Imrân, 113-114).
C’est à ce niveau qu’incombe la responsabilité des musulmans du Machreq qui doivent sérieusement agir, et notamment les nouvelles générations qui connaissent le rôle du messie et des chrétiens dans le texte coranique et dans la vie commune, pour parvenir à la « parole juste » et diffuser une culture qui rassemble les enfants d’une même patrie. Beaucoup de musulmans actuels ont des racines chrétiennes, tout comme beaucoup de chrétiens du Machreq proviennent des religions d’avant l’Unicité, mais « notre Dieu et le vôtre ne font qu’un Dieu Unique ». Si cela ne se réalise pas, les musulmans vont se retrouver un jour en train de combattre des forces convaincues qu’ils veulent un monde unilatéral, car le véritable pont de l’Islam vers l’univers est le christianisme du Machreq qui le connaît à cause de la proximité, de l’histoire et de la maison commune.
Cette vision nécessite l’application des mesures pratiques basées sur une large campagne médiatique pour généraliser la culture de l’ouverture, du dialogue, des traits communs, vers les nouvelles générations des chrétiens et musulmans. Les hommes de religion doivent l’aborder, et l’église doit l’appliquer, son rôle consistant à montrer ces particularités musulmanes dans les sociétés qui influent sur son contexte culturel, au moment où les dirigeants musulmans doivent s’inspirer de l’esprit du Coran dans sa manière de considérer le christianisme devant le public et distinguer entre le politique et le religieux. Le document dit également que les « conflits politiques dans la région influent directement sur la vie des chrétiens étant donné qu’ils sont des citoyens et chrétiens à la fois, ce qui rend leur situation, particulièrement fragile et instable », au regard de ce qui s’appelle l’islam politique et son développement dans la région à partir de 1970, le décrivant comme « un phénomène important qui influe sur la région et sur la situation des chrétiens dans le monde arabe ». Il réalise qu’il « vise en premier lieu la situation de la société islamique, mais il a cependant des conséquences sur la présence chrétienne en Orient, et par conséquent, ces courants extrémistes sont une menace sur l’ensemble, les chrétiens, les juifs et les musulmans, et qu’il faut les affronter ensemble ». Ce qui veut dire que le synode doit discuter avec les musulmans du Machreq pour reconnaître également les dangers que représente cet extrémisme, et agir pour élaborer des mesures pratiques qui s’écartent du folklore des réunions et commissions formelles du dialogue, pour avancer vers des mesures pratiques et non formelles, qui rassemblent ceux qui mènent les dialogues.Tout cela n’a pas arrêté l’émigration d’un seul chrétien, ni musulman ni toute personne ayant subi des dommages à cause de cet extrémisme, le problème de l’émigration des chrétiens et des musulmans du Machreq doit unifier, car ses dangers les menacent tous, quant à leur citoyenneté et à leur vie.