Le Monde accuse l’Elysée de "violation des sources" des journalistes
Le quotidien français le Monde a accusé lundi en Une l'Elysée d'avoir violé le secret des sources d'un de ses journalistes travaillant sur l'affaire Woerth en utilisant les services du contre-espionnage et annoncé qu'il va déposer plainte contre X. "Affaire Woerth: l'Elysée a violé la loi sur le secret des sources des journalistes", titre le quotidien.
"Les service du contre-espionnage ont été utilisés pour rechercher l'informateur d'un de nos reporters", est-il affirmé en première page. "Afin d'identifier la source d'informations parues dans Le Monde sur l'affaire Woerth-Bettencourt et de tenter de mettre un terme aux révélations dans la presse sur cette enquête, l'Elysée a eu recours, courant juillet, à des procédés qui enfreignent directement la loi sur la protection du secret des sources des journalistes", écrit Sylvie Kaufmann, directrice de la rédaction du quotidien. Ces enquêtes du contre-espionnage auraient été initiées après la publication par Le Monde d'informations sur les conditions d'embauche de l'épouse d'Eric Woerth par le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre.
Le quotidien avait publié en Une de son édition des 18-19 juillet un article de Gérard Davet sous le titre "Le principal collaborateur de Liliane Bettencourt met Eric Woerth en difficulté". "Selon plusieurs sources interrogées par Le Monde à la Direction générale de la police nationale (DGPN) ainsi qu'à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), ordre a alors été donné à la DGPN de mettre fin aux fuites qui avaient abouti à la publication de ces informations dans Le Monde", écrit Mme Kaufmann. "Les services de la DCRI, c'est-à-dire du contre-espionnage français, ont été mis à contribution hors procédure judiciaire, une quinzaine de jours avant qu'une enquête préliminaire ne soit ordonnée par le parquet de Paris, le 4 août", poursuit-elle.
La DCRI "a assuré au Monde avoir agi dans le cadre de sa mission de protection des intérêts de l'Etat" et, après avoir transmis, courant juillet, ses conclusions à l'Elysée, le haut fonctionnaire soupçonné, David Sénat, conseiller pénal au cabinet de la Garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie, a été appelé à quitter ses fonctions, selon le quotidien.
L'Elysée a démenti "totalement" lundi les affirmations du Monde, et a assuré n'avoir "jamais donné la moindre instruction" pour enquêter sur l'origine des informations du quotidien dans l'affaire Woerth. Le Monde maintient ses accusations. "Nous avons des certitudes et des éléments de preuves", a déclaré lundi Eric Fottorino, directeur du journal. "Pour publier un titre aussi fort, il fallait qu'on ait des éléments tangibles, recoupés, c'est ce que nous avons fait tous ces derniers jours, toutes ces dernières semaines", a-t-il dit sur les ondes d'Europe 1.
"Woerthgate", "Sarkogate", "Affaire d'Etat": la gauche a tiré à boulets rouges lundi sur l'Elysée après les accusations de violation du secret des sources dans l'affaire Bettencourt. Aurélie Filippetti (PS) a ainsi évoqué "un Woerthgate". Parlant d'un "Sarkogate", Eva Joly (Europe Ecologie) a jugé "extrêmement grave" de "confondre la notion des intérêts de l'Etat avec les intérêts personnels d'un parti et de quelques hommes, comme M. Sarkozy et M. Woerth". Pour Noël Mamère (Verts), "on est à la veille d'une nouvelle affaire d'Etat (...) La République irréprochable de Nicolas Sarkozy a fait pschitt". Benoît Hamon, porte-parole du PS, a demandé que "toute la lumière soit faite" sur la "réalité" ou non d'écoutes téléphoniques au Monde, qui auraient pu justifier la mise à l'écart du conseiller de MAM, David Sénat. L'ex-numéro un du PCF, Marie-George Buffet, a dénoncé une nouvelle étape "dans le délabrement de notre démocratie", ajoutant que "pour aller muter le haut-fonctionnaire à Cayenne (allusion à M. Sénat, ndlr), cela en dit long sur l'état du régime!" "Dans cette affaire, la vérité devra aller jusqu'au bout", a prévenu le sénateur PS David Assouline. "La liberté de la presse est la prunelle des yeux de la République".
Source: Le Monde