Assassinat d’Hariri: Les empreintes d’"Israël" apparaissent
« …L’arrestation de Qazzi et d’al-Raba’a dans le démantèlement des réseaux d’espionnage israéliens devrait pousser le TSL à orienter son attention sur le seul acteur régional qui a bénéficié de l’assassinat d’Hariri celui qui continuera dans cette voie si et quand ses désirs d’impliquer le Hezbollah sont réalisés. Il est temps de regarder en direction de Tel Aviv. »
Au Moyen Orient, le lien entre les machinations politiques l’espionnage et les assassinats est soit aussi clair que le jour soit aussi clair que la boue.
En ce qui concerne l’assassinat en Février 2005 du premier ministre libanais, Rafiq Hariri, une affaire toujours pas éclaircie, la boue semblerait l’emporter sur la lumière du jour.
Le démantèlement des réseaux d’espionnage israéliens opérant au Liban a donné lieu à plus de 70 arrestations ces 18 derniers mois. Parmi elles on trouve 4 officiers de haut rang de l’armée libanaise et de la Sécurité Générale- l’un d’entre eux ayant espionné pour le Mossad depuis 1984.
Il y a eu fin juin une avancée significative dans l’enquête en cours culminant sur l’arrestation du chef des transmissions et émissions d’Alfa, l’un des deux opérateurs de téléphonie mobile du Liban appartenant à l’état.
Selon le quotidien libanais, As-Safir, Qazzi a confessé avoir installé des programmes informatiques et planté des puces électroniques dans les transmetteurs d’Alfa. Ceux-ci pouvaient alors être utilisés par les services de renseignements israéliens pour surveiller les communications, localiser et cibler des individus pour les assassiner, et déployer éventuellement des virus capables de détruire l’information enregistrée dans les lignes de contact. On rapporte que la collaboration de Qazzi avec Israël a démarré il y a 14 ans.
Le 12 Juillet, une deuxième arrestation à Alfa a été faite. Tarek-al-Raba’a, un ingénieur et partenaire de Qazzi, a été arrêté accusé d’espionner pour le compte d’Israël et d’avoir compromis la sécurité nationale. Quelques jours plus tard un troisième employé d’Alfa a de la même manière été détenu.
"Israël" s’est refusé à tout commentaire sur les arrestations. Néanmoins, leur apparente capacité à avoir pénétrer les secteurs militaires et des communications au Liban a secoué le pays et mis d’urgence en avant les problèmes de sécurité.
Qu’est ce que tout ceci a à voir avec l’assassinat d’Hariri ?
Mis à part les ramifications nuisibles évidentes d’officiers supérieurs militaires libanais travaillant pour Israël, la légitimité même du Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) est maintenant remise en question. Le TSL est l’organisme choisi par l’ONU pour enquêter sur les responsables de l’assassinat de feu le premier ministre. Le 14 Février 2005, une charge de 1000 Kg d’explosifs a explosé à proximité du cortège d’Hariri circulant en voiture le tuant lui et 21 autres personnes.
On croit que le TSL va émettre des inculpations dés Septembre dans cette affaire - s’appuyant principalement sur des conversations téléphoniques enregistrées et des transmissions de téléphonie mobile.
Selon l’AFP: "une enquête préliminaire par l’équipe de l’ONU a dit qu’elle avait collecté comme preuves des données d’appels téléphoniques de mobiles passées le jour de l’assassinat d’Hariri".
Le National a de même rapporté que « l’enquête internationale qui pourrait émettre des inculpations ou des conclusions dés Septembre, selon des informations non vérifiées parues dans les médias, a largement utilisé des enregistrements téléphoniques pour tirer ses conclusions concernant le complot qui a tué Hariri, accusant principalement la Syrie et ses alliés libanais… »
Dans un discours télévisé le 16 Juillet, le secrétaire général du Hezbollah, Sayyid Hassan Nasrallah, a avancé que le STL utiliserait les informations collectées dans les communications manipulées par les Israéliens pour impliquer le groupe à tort dans l’assassinat du premier ministre.
"Certains comptent dans leur analyse des inculpations du STL sur les témoins dont certains se sont révélés être des faux témoins et sur les réseaux de télécommunications qui ont été infiltrés par des espions qui peuvent changer et manipuler les données".
"Avant la guerre de 2006, ces espions ont fourni d’importantes informations à l’ennemi israélien et sur la base de ces informations "Israël" a bombardé des immeubles, des maisons, des usines, et des institutions. De nombreux Martyrs sont morts et beaucoup d’autres ont été blessés. Ces espions sont partenaires dans les massacres, les crimes, les menaces et les déplacements".
Nasrallah a appelé la manipulation du TSL un "projet israélien" visant à "créer du tumulte au Liban".
En Mai 2008 le Liban avait effectivement fait l’expérience d’un avant goût de ceci. Au summum de l’impasse de 18 mois sur la formation d’un gouvernement d’union nationale dirigé par le premier ministre de l’époque Fouad Siniora, la décision de son cabinet de déclarer unilatéralement le système de communication téléphonique fixe du Hezbollah illégal a poussé le pays au bord de la guerre civile.
Reconnaissant l’importance que leurs lignes de communication sécurisées ont eu dans leur combat en Juillet 2006 contre l’invasion israélienne et suspectant que les télécoms appartenant à l’état étaient compromises le Hezbollah a résisté aux plans de Siniora de démanteler son réseau. Leurs hommes ont ratissé l’Ouest de Beyrouth et mis rapidement fin au plan du gouvernement. Deux ans plus tard, leurs soupçons semblent avoir été fondés.
Le député de l’opposition et chef du Free Patriotic Movement, Michel Aoun, a déjà mis en garde Nasrallah que le TSL inculpera probablement des membres « incontrôlés » du Hezbollah et ce sera suivi de « tension entre Libanais et Libanais, entre Libanais et Palestiniens, et par une guerre israélienne contre le Liban. »
Accréditant les affirmations de Nasrallah et Aoun, le chef d’état major de l’armée israélienne, Gabi Ashkenazi a prédit « le souhaitant très fortement» que la situation au Liban se détériorerait en Septembre après l’ inculpation du Hezbollah par le TSL pour l’assassinat d’Hariri.
Le témoignage jubilant et prémonitoire d’Ashkenazi devant le comité des affaires étrangères de la Knesset trahit ce qu’"Israël" espère des retombées du rapport du TSL: fomenter une guerre civile et semer la discorde entre les groupes sectaires du Liban, généralement divisé entre factions pro et anti - syriennes. Ashkenazi anticipe ces évènements bien sûr car il sait que l’accès complètement libre d’Israël à des enregistrements téléphoniques cruciaux leur aura permis de mettre en cause le Hezbollah pour l’assassinat.
Les agents d’"Israël" et ses opérateurs au Liban et son infiltration du réseau de télécoms ont été mis à nu. Le TSL doit au minimum reconnaître que la preuve de l’implication supposée du Hezbollah dans la mort d’Hariri (un groupe qui historiquement a entretenu de bons liens avec ce dernier) est complètement entachée et probablement fabriquée.
L’arrestation de Qazzi et d’ al-Raba’a dans le démantèlement des réseaux d’espionnage israéliens devrait pousser le TSL à orienter son attention sur le seul acteur régional qui a bénéficié de l’assassinat d’Hariri celui qui continuera dans cette voie si et quand ses désirs d’impliquer le Hezbollah sont réalisés.
Il est temps de regarder en direction de Tel Aviv.
Rannie Amiri - counterpunch.org (25/7/2010)
Amiri est un commentateur indépendant sur le Moyen Orient.