Amputer Gaza (article de Fadwa Nassar)
La récente déclaration du ministre israélien Avigdor Lieberman à propos de la bande de Gaza a été immédiatement dénoncée par toutes les organisations politiques palestiniennes. En effet, le 16 juillet dernier, ce colon venu de Russie et promu ministre des affaires étrangères de l’Etat colonial a proposé une version améliorée du plan Sharon de 2005 concernant la bande de Gaza : il s’agirait de couper les liens avec ce territoire palestinien, d’en faire une entité séparée, en d’autres termes, l’amputer de la Palestine, notamment de la Cisjordanie et d’al-Quds. L’objectif poursuivi par Lieberman qui va proposer sa version au conseil des ministres puis aux Etats-Unis, à l’ONU et aux capitales européennes, est de considérer le territoire palestinien de Gaza comme ayant été libéré, de fermer toutes les voies de passage qui le relieraient non seulement à l’entité sioniste, mais à la Cisjordanie également. Le plan consiste donc à se débarrasser de la responsabilité juridique envers Gaza, puisque juridiquement, le territoire palestinien est toujours considéré comme occupé. Par cette mesure, Lieberman espère obtenir la reconnaissance internationale de la fin de l’occupation israélienne de Gaza.
Aussitôt publié par le quotidien sioniste Yediot Aharonoth, les organisations palestiniennes ont riposté et dénoncé en termes clairs ce qu’elles ont jugé comme une consécration de la division interne palestinienne, division géographique aussi bien que politique. Parmi ces réactions :
Le porte-parole du Hamas, Sami Abu Zuhri, a déclaré : « Bien que la bande de Gaza ait été libérée quant à la présence militaire et coloniale sur le terrain, elle est toujours soumise, juridiquement et pratiquement, à l’occupation. Nous refusons ce projet car Gaza fait partie de la Palestine occupée, et l’occupant ne peut se débarrasser de sa responsabilité juridique tant qu’il occupe la terre palestinienne ».
Quant au mouvement du Jihad islamique, Sheikh Ahmad Mudallal, un de ses responsables dans la bande de Gaza, a déclaré à l’agence Falastine al-Yawm : « Nous ne permettrons pas qu’un tel plan soit réalisé, la bande de Gaza fait partie de la Palestine et le peuple palestinien considère Gaza comme il considère la Cisjordanie, al-Quds ou Haïfa, Yafa et toutes les terres palestiniennes. Le Jihad ne permettra pas d’arracher Gaza à la Cisjordanie. »
Pour le FPLP (Front populaire pour la libération de la Palestine), il s’agit de la poursuite du plan de désengagement unilatéral de Sharon en vue de limiter le danger démographique que représenterait Gaza sur l’Etat de l’occupation.
La proposition de Lieberman montre une fois de plus que la bande de Gaza est un poignard planté dans la gorge des sionistes. En 2005, le moribond Sharon avait proposé le désengagement unilatéral de ce territoire palestinien situé au sud de la Palestine, sur la côte méditerranéenne, entre l’entité sioniste et l’Egypte. Densément peuplé, à cause des centaines de milliers de réfugiés qui attendent leur retour vers les villes et villages de la Palestine occupée depuis 1948, Gaza est devenu le symbole de la résistance et de la fermeté à l’occupation depuis que la Cisjordanie a été soumise à Mahmoud Abbas et son équipe qui, pour montrer leur allégeance au plan américain, poursuivent les résistants et les jettent en prison.
Suite au désengagement unilatéral en 2005, l’armée sioniste et ses barrages se sont retirés de la bande de Gaza et les colons ont été évacués vers d’autres lieux, ce qui n’a pas été réalisé en Cisjordanie qui vit toujours à l’heure de l’occupation directe et de la colonisation. Cependant la bande de Gaza est soumise à un blocus meurtrier depuis 2006, date à laquelle le Hamas a remporté les élections législatives, ce qui n’a pas été du goût ni des sionistes, ni du Quartet (Etats-Unis, Union européenne, ONU et Russie) qui ont pris prétexte du programme politique du Hamas pour tenter de briser le mouvement de la résistance palestinienne en affamant le peuple palestinien. Si la Cisjordanie a pu échapper au blocus dont elle a été victime quelques mois, c’est à cause de la soumission de Mahmoud Abbas et de son équipe aux souhaits sionistes et du Quartet : empêcher la formation d’un gouvernement palestinien sous la direction du Hamas, dénoncer la lutte armée, soumettre ses services de sécurité au général américain Dayton, ce qui est à la base de la division politique et géographique palestinienne actuelle.
Il est vrai que la proposition de Lieberman est une nouvelle tentative israélienne pour empêcher toute réconciliation interne palestinienne, mais elle va beaucoup plus loin si l’on considère les autres déclarations sionistes et les lois récemment votées par la Knesset sioniste : la loi de la déportation 1650 qui permet aux sionistes de modifier la composition démographique des territoires palestiniens qu’ils veulent soumettre, la Cisjordanie avec al-Quds, et la loi sur « l’allégeance à Israël » qui complète la première et permet de déporter tout Palestinien, aujourd’hui de la ville d’al-Quds et des territoires palestiniens occupés en 48, qui ne proclame pas son allégeance à la colonie sioniste. S’ajoute à ces lois racistes et coloniales la proposition récente de Moshe Arenz, ancien ministre israélien de la sécurité, parue dans le quotidien sioniste Haaretz, où il demande l’annexion de la Cisjordanie tout en accordant la citoyenneté « israélienne » à sa population palestinienne.
Ce qui veut dire qu’au moment où Mahmoud Abbas et son équipe poursuivent la voie vaine des négociations indirectes ou directes, pensant mettre Israël au pied du mur (ce qu’ils font depuis près de 20 ans) en lui abandonnant territoires après territoires, Israël est en train d’agir sur le terrain en procédant au nettoyage ethnique de la capitale palestinienne, en promulguant des lois pour limiter le nombre des Palestiniens, en discutant de l’amputation de Gaza (trop peuplée et rebelle à leur avis) et de l’annexion de la Cisjordanie, soit la mise en place d’une nouvelle carte, où l’Etat palestinien que l’OLP voulait installer en Cisjordanie et Gaza, avec al-Quds pour capitale, disparaîtrait entièrement au profit d’une entité moribonde qui s’appelle Gaza, encerclée par l’OTAN et l’Egypte américaine. Et les Palestiniens de Cisjordanie, d’al-Quds et des territoires occupés en 48 seraient à la merci des colons: s’ils ne prêtent pas allégeance à leur Etat colonial, ils seraient déportés vers Gaza.
Il est évident que de tels plans ou lois n’auraient pas vu le jour sans la complicité de la communauté internationale, sans l’inertie sinon la complicité des régimes arabes, et notamment l’Egypte qui participe activement au blocus contre Gaza, et sans la poursuite de la voie vaine des négociations par Mahmoud Abbas et son équipe, dont les poignées de main, les embrassades et les sourires insultants aux côtés des chefs sionistes sont autant des encouragements à l’arrogance coloniale.