Syrie : la diplomatie française en échec
Par : Alain Barluet
«Dans cette crise, la France a voulu jouer le rôle d'éclaireur. Le problème, c'est que le quartier général a décidé de rappeler les troupes.» En une image, un bon connaisseur du dossier syrien décrit le contre-pied dans lequel se trouve prise la diplomatie française, alors que deux protagonistes majeurs, les États-Unis et la Russie, semblent maintenant décidés à agir de concert. L'enjeu: tourner la page d'une abomination qui, en deux ans, a fait plus de 70.000 morts, des centaines de milliers de blessés et des millions de déplacés et de réfugiés.
Qu'il s'agisse d'un trompe l'œil destiné à gagner du temps ou de l'amorce, enfin, d'une véritable sortie politique du conflit, l'accord russo-américain ressemble à un tournant dans le sanglant feuilleton syrien. Laurent Fabius en a pris acte mercredi dans Le Monde en se déclarant favorable à une solution politique et partisan «depuis longtemps» d'une réunion (dite «Genève 2», dans le langage diplomatique) visant à mettre en chantier un gouvernement de transition à Damas. Façon, diront certains, de monter en marche dans un train dont les deux locomotives sont à Washington et à Moscou. «Seuls, nous ne pouvons résoudre ce conflit», a lucidement concédé le patron du Quai d'Orsay.
Ni armes, ni recours à la CPI
Trop peu? Trop tard? Paradoxalement, Paris, qui apparaît aujourd'hui à la traîne, était à l'initiative sur le front syrien. Mais cette proactivité n'a pas toujours été menée à bon escient, pas plus qu'elle n'a conduit aux bons interlocuteurs. Elle a nourri des ambiguïtés et s'est accompagnée d'une absence de lisibilité qui fait dire à un autre expert que «jamais nos intérêts et les conséquences stratégiques de nos décisions n'ont été clairement définis et évalués».
Trop souvent aussi, les initiatives ont été dictées par des «considérations médiatiques», ajoute cette source. À son arrivée au Quai d'Orsay, Laurent Fabius a plaidé, comme son prédécesseur Alain Juppé , pour une saisie de la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre de Bachar. Un an plus tard et alors que les massacres se poursuivent, aucune démarche n'a été engagée vis-à-vis de la Cour de La Haye.
Paris a été parmi les toutes premières capitales à décréter que «Bachar doit partir» et à le répéter avec une constance qui honorerait notre diplomatie si, au fil du temps, le décalage ne s'était creusé avec la réalité. La proclamation de cet impératif catégorique a d'emblée «braqué» la Russie et contrarié la possibilité d'une issue négociée alors qu'il en était, peut-être, encore temps. Bachar, conviennent diplomates et militaires, «n'est pas près de partir», de même que la partie n'est pas gagnable sur le terrain où les lignes de front entre l'armée et les rebelles sont peu ou prou figées.
Vendredi, le Quai d'Orsay a une nouvelle fois appelé à une «solution excluant le maintien de Bachar». Il y a trois jours, John Kerry lui-même, face à son homologue Sergueï Lavrov, a convenu que ce n'était pas aux Américains d'en décider…
En pointe, Paris l'a également été pour reconnaître officiellement la coalition de l'opposition syrienne, constellation pourtant désunie. Avec de piètres résultats. Car ceux sur qui la diplomatie française comptait s'appuyer, tel Moaz al-Khatib, se sont dérobés, marginalisés par les bataillons djihadistes. Des franges radicales de la rébellion dont, paradoxalement là encore, pour un pays qui martèle son soutien aux opposants «modérés», la France aura accompagné la montée en puissance, à travers ses liens avec le Qatar. Tardivement, Laurent Fabius vient d'annoncer son intention de classer le Front al-Nosra, notoirement affilié à al-Qaida, sur la liste des organisations terroristes. La possibilité d'y adjoindre la branche armée du Hezbollah fait toujours débat à Paris.
Source: Le Figaro
«Dans cette crise, la France a voulu jouer le rôle d'éclaireur. Le problème, c'est que le quartier général a décidé de rappeler les troupes.» En une image, un bon connaisseur du dossier syrien décrit le contre-pied dans lequel se trouve prise la diplomatie française, alors que deux protagonistes majeurs, les États-Unis et la Russie, semblent maintenant décidés à agir de concert. L'enjeu: tourner la page d'une abomination qui, en deux ans, a fait plus de 70.000 morts, des centaines de milliers de blessés et des millions de déplacés et de réfugiés.
Qu'il s'agisse d'un trompe l'œil destiné à gagner du temps ou de l'amorce, enfin, d'une véritable sortie politique du conflit, l'accord russo-américain ressemble à un tournant dans le sanglant feuilleton syrien. Laurent Fabius en a pris acte mercredi dans Le Monde en se déclarant favorable à une solution politique et partisan «depuis longtemps» d'une réunion (dite «Genève 2», dans le langage diplomatique) visant à mettre en chantier un gouvernement de transition à Damas. Façon, diront certains, de monter en marche dans un train dont les deux locomotives sont à Washington et à Moscou. «Seuls, nous ne pouvons résoudre ce conflit», a lucidement concédé le patron du Quai d'Orsay.
Ni armes, ni recours à la CPI
Trop peu? Trop tard? Paradoxalement, Paris, qui apparaît aujourd'hui à la traîne, était à l'initiative sur le front syrien. Mais cette proactivité n'a pas toujours été menée à bon escient, pas plus qu'elle n'a conduit aux bons interlocuteurs. Elle a nourri des ambiguïtés et s'est accompagnée d'une absence de lisibilité qui fait dire à un autre expert que «jamais nos intérêts et les conséquences stratégiques de nos décisions n'ont été clairement définis et évalués».
Trop souvent aussi, les initiatives ont été dictées par des «considérations médiatiques», ajoute cette source. À son arrivée au Quai d'Orsay, Laurent Fabius a plaidé, comme son prédécesseur Alain Juppé , pour une saisie de la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre de Bachar. Un an plus tard et alors que les massacres se poursuivent, aucune démarche n'a été engagée vis-à-vis de la Cour de La Haye.
Paris a été parmi les toutes premières capitales à décréter que «Bachar doit partir» et à le répéter avec une constance qui honorerait notre diplomatie si, au fil du temps, le décalage ne s'était creusé avec la réalité. La proclamation de cet impératif catégorique a d'emblée «braqué» la Russie et contrarié la possibilité d'une issue négociée alors qu'il en était, peut-être, encore temps. Bachar, conviennent diplomates et militaires, «n'est pas près de partir», de même que la partie n'est pas gagnable sur le terrain où les lignes de front entre l'armée et les rebelles sont peu ou prou figées.
Vendredi, le Quai d'Orsay a une nouvelle fois appelé à une «solution excluant le maintien de Bachar». Il y a trois jours, John Kerry lui-même, face à son homologue Sergueï Lavrov, a convenu que ce n'était pas aux Américains d'en décider…
En pointe, Paris l'a également été pour reconnaître officiellement la coalition de l'opposition syrienne, constellation pourtant désunie. Avec de piètres résultats. Car ceux sur qui la diplomatie française comptait s'appuyer, tel Moaz al-Khatib, se sont dérobés, marginalisés par les bataillons djihadistes. Des franges radicales de la rébellion dont, paradoxalement là encore, pour un pays qui martèle son soutien aux opposants «modérés», la France aura accompagné la montée en puissance, à travers ses liens avec le Qatar. Tardivement, Laurent Fabius vient d'annoncer son intention de classer le Front al-Nosra, notoirement affilié à al-Qaida, sur la liste des organisations terroristes. La possibilité d'y adjoindre la branche armée du Hezbollah fait toujours débat à Paris.
Source: Le Figaro