Le Royaume-Uni pour un référendum sur l’appartenance à l’UE, les Européens mettent en garde
Le Premier ministre britannique David Cameron s’est engagé mercredi sous la pression des eurosceptiques à organiser d’ici à la fin 2017 un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans une Union européenne (UE) réformée, suscitant une bonne dose d’inquiétude dans son pays et sur le continent.
La question posée sera simple: ratifier un accord renégocié avec Bruxelles ou une sortie de l'Union. «Ce sera votre décision, vous aurez un choix clair entre partir ou participer à un nouveau dispositif», a-t-il annoncé, dans une allocution prononcée au siège londonien du groupe d'informations financières américain Bloomberg, retransmise à la télévision.
«On ne peut pas tout harmoniser. Il n’est ni bon ni nécessaire de déterminer à Bruxelles les heures de travail des docteurs en milieu hospitalier», a commenté M. Cameron. S’affichant comme un fervent partisan à titre personnel d’un maintien dans l’édifice européen rejoint tardivement par son pays, en 1973, il s’est défendu d’être un «isolationniste» ou de briguer pour son pays un statut similaire à ceux de la Norvège ou de la Suisse. Mais il a soutenu mordicus sa vision d’une UE «flexible, adaptable et ouverte», et recentrée sur le marché commun. «Faute de réformes, le danger est que l’Europe échoue et que les Britanniques dérivent vers la sortie», a-t-il prévenu.
«Si nous quittons l’Union européenne, ce sera un aller simple, sans retour.» M. Cameron a ensuite fait une vague allusion aux prérogatives qu’il entend rapatrier de Bruxelles à Londres en mentionnant «l’environnement, les affaires sociales et criminelles». «Rien ne doit être exclu» dans la renégociation, a-t-il cependant asséné. «Quand nous aurons négocié un nouvel accord» sur les relations de la Grande-Bretagne avec l’UE, «nous offrirons aux Britanniques un référendum avec un choix très simple: rester au sein de l’UE sur cette nouvelle base ou en sortir complètement», a-t-il réitéré.
La consultation interviendra dans la première moitié de la prochaine législature qui commence en 2015, si toutefois M. Cameron obtient un second mandat. Pour rassurer ceux qui l’ont mis en garde contre un «Brixit» (pour «British exit»), Cameron a concédé: «Il n’y a pas de doute que nous sommes plus puissants aux yeux de Washington, de Pékin ou de New Delhi, parce que nous sommes un acteur puissant au sein de l’Union européenne.»
«Incertitude»
À domicile, les réactions n’ont pas tardé: les dirigeants de l’opposition travailliste ont crié au chantage, à l’ultimatum, en redoutant une dérive vers la sortie de l’UE. «Des années et des années d’incertitude dues à une renégociation à rallonge et mal définie de notre place en Europe ne sont pas dans l’intérêt national parce que cela affecte la croissance et l’emploi», a dénoncé le vice-Premier ministre Nick Clegg, chef de file des libéraux-démocrates qui participent au gouvernement de coalition avec les conservateurs. «La priorité pour la population britannique, c’est l’emploi, la croissance, une économie forte», alors qu’elle est actuellement «fragile et met du temps à redémarrer», a ajouté Nick Clegg.
«Une fois que vous vous engagez sur la voie référendaire, vous perdez le contrôle de la situation», a même dit l’ex-Premier ministre travailliste Tony Blair.
En revanche, l’allocution a sans surprise satisfait les influents conservateurs eurosceptiques ainsi que l’UK Independent Party (UKIP) «séparatiste», en hausse dans les sondages. Le Premier ministre écossais Alex Salmond, qui milite pour l’indépendance de sa province du reste du Royaume-Uni en vue d’un référendum prévu en 2014, a moqué le «discours embrouillé» de David Cameron. «D’un côté il essaie d’apaiser les eurosceptiques de son camp, et de l’autre il essaie d’apparaître comme un réformateur européen. Il essaie de monter deux chevaux en même temps et il va inévitablement tomber d’ici peu», a prédit le dirigeant nationaliste. «Pour la première fois un Premier ministre britannique, au moins, discute de la sortie comme une option possible», s’est ainsi félicité Nigel Farage, chef de l’UKIP.
«À la carte»
Au niveau régional, la chancelière allemande Angela Merkel s’est montrée relativement conciliante, et s’est dit «prête à discuter des souhaits britanniques», mais en insistant sur la nécessité «in fine d’un compromis équilibré». L’Allemagne veut que la Grande-Bretagne reste un «membre actif et constructif» de l’Union européenne, a également déclaré mercredi le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle. Pour l’Europe, «choisir à la carte n’est pas une option», a insisté le chef de la diplomatie allemande.
Alors que son homologue français, Laurent Fabius, avait lui aussi auparavant estimé que l’on ne pouvait «pas faire l’Europe à la carte ». « Face au défi de la globalisation, nous, en tant qu’Européens, sommes tous dans le même bateau », a-t-il lancé. Le président français François Hollande a lui «manifesté son souhait» de voir la Grande-Bretagne rester dans l’UE, mais en relevant les « obligations» et la nécessaire «solidarité» attendue des pays membres.
La Commission européenne a elle salué mercredi la volonté affichée par David Cameron que son pays reste dans l’UE, tandis que l’Union européenne a estimé avoir besoin d’un Royaume-Uni «membre à part entière», selon le président du Parlement européen, Martin Schulz.
Enfin, la Suède a mis en garde hier le Royaume-Uni contre le risque d’une perte d’influence s’il quittait l’Union européenne.
Source: Agences