La prison, berceau de l’islamisme radical en France
Sara Raad
En France, la prison représente de nos jours un terrain de conversion privilégié pour l'islam radical. La création des groupes islamistes en prison, les conditions des détenus ou même le nombre insuffisant d'aumôniers musulmans en détention sont les principaux facteurs aboutissant à cette réalité.
Comme dans l’affaire de Mohamed Merah, les policiers ont suspecté récemment que Jérémie Louis-Sydney, leader décédé d’une « cellule terroriste » interpellée ce week-end, a «basculé» dans l'islam radical au cours de son passage en prison.
A l'image de leur leader présumé, les onze extrémistes de cette « cellule », âgés de 18 à 25 ans et soupçonnés d'actes terroristes, affichent un parcours similaire. « Ils sont tous nés en France, la plupart insérés socialement et ont tous connu la prison pour des délits plus ou moins graves, avant de plonger peu à peu dans le radicalisme religieux », a affirmé une source policière proche de l’enquête.
Ces exemples mettent en vedette la vérité que « derrière les murs, le prosélytisme sévit ! »
Un islamisme plus structuré
En détention, comme à l'extérieur, les groupes islamistes sont devenus plus organisés, et «ils sont de plus en plus difficiles à détecter», témoigne un directeur d'un grand établissement pénitentiaire.
« Malgré ses efforts, l'administration ne parvient pas à endiguer un fléau qui a changé de nature, un islamisme moins ostentatoire mais plus structuré… », ajoute-il.
Toutefois, la diffusion d'un « islam violent » derrière les barreaux est bel et bien devenue une réalité. Des textes au contenu pernicieux, des ouvrages de propagande passent par les parloirs, puis s'échangent, au nez et à la barbe des surveillants. « Comme ils sont souvent écrits en arabe, le personnel des prisons est bien incapable d'en mesurer la dangerosité », indique Christophe Marques, secrétaire général FO-pénitentiaire.
Ensuite, le prosélytisme se répand facilement dans les nombreux lieux où les prisonniers se regroupent. « Dans les cours de promenade, les ateliers de travail… », énumère le responsable FO.
Selon l'administration pénitentiaire, un quart au moins - d'autres évaluations vont jusqu'à un tiers - des prisonniers pratiqueraient la religion musulmane.
Face à l’escalade de l’islamisme radical dans les prisons françaises, la «pénitentiaire» a décidé, depuis 2008, de former ses hommes pour veiller sur les phénomènes de radicalisation qui peuvent atteindre ces publics. « Deux cents personnes détenues pour des faits en relation avec l'islamisme radical font l'objet d'une surveillance spéciale », précise le porte-parole de la Chancellerie, Pierre Rancé.
Parmi eux, soixante-quinze détenus sont condamnés pour terrorisme. « Ceux-là se savent sous haute surveillance. Leur objectif, pendant la détention, est de se fondre dans la masse des détenus. Ils n'agissent jamais directement, ils envoient des missionnaires s'ils veulent approcher quelqu'un », raconte un cadre pénitentiaire.
Dans le même contexte, l'administration centrale a édité un document confidentiel, pour aider les personnels à détecter les signes précurseurs d'une radicalisation: un détenu qui ne sert plus la main au surveillant, qui se douche habillé, n'écoute plus la radio ou interdit aux autres de le faire… doit éveiller la suspicion. Ces signaux sont consignés électroniquement dans les livrets des détenus, mémoire informatique de leurs faits et gestes. Plus généralement, le renseignement s'est développé dans l'enceinte des prisons, en lien avec la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur). Les conversations téléphoniques d'un détenu repéré sont écoutées, son attitude au parloir observée, et le surveillant de nuit s'attardera devant sa cellule afin de capter une éventuelle discussion par le biais d'un téléphone portable infiltré. Ces informations sont traitées par une cellule dédiée au sein de l'administration pénitentiaire, la EMS-3. Tous les mois, les directeurs d'établissement transmettent une liste de noms de suspects et rencontrent les responsables régionaux des renseignements généraux.
Malgré tout, les établissements manquent d'officiers spécialisés dans le renseignement - avec un officier pour 2000 détenus dans certains cas - et la surpopulation rend le suivi des détenus à risque plus difficile.
La pauvreté appuie la radicalisation
La paupérisation dans le milieu carcéral favorise néanmoins la conversion à un islam radical.
« Il y a un terreau qui est celui de la pauvreté, de l'absence de repères, qui peut conduire à la délinquance, au trafic, mais qui conduit aussi à l'engagement qui est celui de l'islamisme radical. On le retrouve dans un certain nombre de quartiers, et même dans les prisons », souligne le ministre de l'Intérieur Manuel Valls.
Pour sa part, Gabi Moueska, ancien président de l'OIP (l'Observatoire international des prisons), révèle qu’« on assiste à un véritable phénomène de paupérisation des prisonniers ».
« Démunie, l'administration n'assure même plus l'essentiel, comme la fourniture de savons. Pour vivre décemment, la solidarité joue. Cela peut passer alors par l'appartenance à un groupe religieux qui peut être tenu par un extrémiste. La violence du milieu carcéral favorise l'escalade vers la radicalité», dénonce M. Moueska.
« Les jeunes détenus, isolés, qui soudain cherchent un réconfort dans la religion, sont les proies idéales des prédicateurs radicaux », martèle YanissWarrach, ancien aumônier musulman de la maison d'arrêt de Nanterre.
Par ailleurs, la prison accueille un public souvent « psychologiquement fragile », selon Farhad Khosrokhavar, directeur à l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales).
« Certains de ces détenus sont susceptibles de radicalisation de manière beaucoup plus aisée que les autres et l'institution carcérale est largement démunie à cet égard. Le nouveau modèle de radicalisation table sur les personnes psychologiquement instables et fragiles et, en cela, la prison devient le lieu idéal pour leur “formation”», explique-t-il.
L’insuffisance des imams en prison
Pourtant, l'une des clés de la lutte contre le prosélytisme radical reste le développement de la présence des imams en prison. Et c’est ici que s’illustre la responsabilité du gouvernement.
L'ensemble des acteurs s'accorde à dire que le nombre d'imams musulmans en détention n'est pas suffisant. Ils sont actuellement 151, contre 655 pour les aumôniers catholiques.
« Les aumôniers musulmans, en nombre insuffisant, ne peuvent répondre à toutes les demandes d'entretien », confirme YanissWarrach.
De plus, « dans les prisons, le problème de la formation des aumôniers se pose, comme celui de la formation des imams », avoue le ministre de l’Intérieur.
Et de poursuivre: « Nous avons besoin dans les prisons d'imams, d'imams français, d'imams formés pour que ce ne soit pas des imams autoproclamés dans les prisons qui fassent passer ces doctrines de haine ».
Les aumôniers musulmans ne sont en général pas imams à la ville. « On fait comme on peut, on ne peut pas se permettre un tel niveau d'exigence », soupire un responsable, ajoutant qu’« on ne cherche pas des polytechniciens, mais des gens de bon sens ».
Même si les autorités religieuses tentent de veiller à ce que ces aumôniers soient suffisamment solides pour être en mesure de contrer les thèses radicales qui peuvent circuler dans les prisons, leur niveau de formation est parfois remis en cause.
« Vous vous rendez compte, nous ne nous réunissons jamais, nous n'avons pas de formations, alors que les aumôniers catholiques le font… », se plaint un aumônier musulman savoyard.
Notons qu’une partie des aumôniers est défrayée, tandis que les autres exercent bénévolement.
Dans son dernier rapport annuel, le contrôleur des prisons avait insisté sur la nécessité de permettre aux détenus de pratiquer leur religion. L'intervention de ces imams est en général saluée par les cadres pénitentiaires comme un gage de pacification.
Leur arrivée n'a été formalisée qu'en 2005 par Dominique Perben. L'objectif était de contenir les pratiques religieuses en prison dans un cadre modéré et d'éviter que les meneurs s'autoproclament guides religieux et diffusent des idées radicales.
Le gouvernement français et l'administration pénitentiaire, ont négligé la détection de l’islamisme radical et le contrôle des prisons, jusqu’à que ces dernières semblent devenir une entreprise pour créer des islamistes radicaux !!
En France, la prison représente de nos jours un terrain de conversion privilégié pour l'islam radical. La création des groupes islamistes en prison, les conditions des détenus ou même le nombre insuffisant d'aumôniers musulmans en détention sont les principaux facteurs aboutissant à cette réalité.
Comme dans l’affaire de Mohamed Merah, les policiers ont suspecté récemment que Jérémie Louis-Sydney, leader décédé d’une « cellule terroriste » interpellée ce week-end, a «basculé» dans l'islam radical au cours de son passage en prison.
A l'image de leur leader présumé, les onze extrémistes de cette « cellule », âgés de 18 à 25 ans et soupçonnés d'actes terroristes, affichent un parcours similaire. « Ils sont tous nés en France, la plupart insérés socialement et ont tous connu la prison pour des délits plus ou moins graves, avant de plonger peu à peu dans le radicalisme religieux », a affirmé une source policière proche de l’enquête.
Ces exemples mettent en vedette la vérité que « derrière les murs, le prosélytisme sévit ! »
Un islamisme plus structuré
En détention, comme à l'extérieur, les groupes islamistes sont devenus plus organisés, et «ils sont de plus en plus difficiles à détecter», témoigne un directeur d'un grand établissement pénitentiaire.
« Malgré ses efforts, l'administration ne parvient pas à endiguer un fléau qui a changé de nature, un islamisme moins ostentatoire mais plus structuré… », ajoute-il.
Toutefois, la diffusion d'un « islam violent » derrière les barreaux est bel et bien devenue une réalité. Des textes au contenu pernicieux, des ouvrages de propagande passent par les parloirs, puis s'échangent, au nez et à la barbe des surveillants. « Comme ils sont souvent écrits en arabe, le personnel des prisons est bien incapable d'en mesurer la dangerosité », indique Christophe Marques, secrétaire général FO-pénitentiaire.
Ensuite, le prosélytisme se répand facilement dans les nombreux lieux où les prisonniers se regroupent. « Dans les cours de promenade, les ateliers de travail… », énumère le responsable FO.
Selon l'administration pénitentiaire, un quart au moins - d'autres évaluations vont jusqu'à un tiers - des prisonniers pratiqueraient la religion musulmane.
Face à l’escalade de l’islamisme radical dans les prisons françaises, la «pénitentiaire» a décidé, depuis 2008, de former ses hommes pour veiller sur les phénomènes de radicalisation qui peuvent atteindre ces publics. « Deux cents personnes détenues pour des faits en relation avec l'islamisme radical font l'objet d'une surveillance spéciale », précise le porte-parole de la Chancellerie, Pierre Rancé.
Parmi eux, soixante-quinze détenus sont condamnés pour terrorisme. « Ceux-là se savent sous haute surveillance. Leur objectif, pendant la détention, est de se fondre dans la masse des détenus. Ils n'agissent jamais directement, ils envoient des missionnaires s'ils veulent approcher quelqu'un », raconte un cadre pénitentiaire.
Dans le même contexte, l'administration centrale a édité un document confidentiel, pour aider les personnels à détecter les signes précurseurs d'une radicalisation: un détenu qui ne sert plus la main au surveillant, qui se douche habillé, n'écoute plus la radio ou interdit aux autres de le faire… doit éveiller la suspicion. Ces signaux sont consignés électroniquement dans les livrets des détenus, mémoire informatique de leurs faits et gestes. Plus généralement, le renseignement s'est développé dans l'enceinte des prisons, en lien avec la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur). Les conversations téléphoniques d'un détenu repéré sont écoutées, son attitude au parloir observée, et le surveillant de nuit s'attardera devant sa cellule afin de capter une éventuelle discussion par le biais d'un téléphone portable infiltré. Ces informations sont traitées par une cellule dédiée au sein de l'administration pénitentiaire, la EMS-3. Tous les mois, les directeurs d'établissement transmettent une liste de noms de suspects et rencontrent les responsables régionaux des renseignements généraux.
Malgré tout, les établissements manquent d'officiers spécialisés dans le renseignement - avec un officier pour 2000 détenus dans certains cas - et la surpopulation rend le suivi des détenus à risque plus difficile.
La pauvreté appuie la radicalisation
La paupérisation dans le milieu carcéral favorise néanmoins la conversion à un islam radical.
« Il y a un terreau qui est celui de la pauvreté, de l'absence de repères, qui peut conduire à la délinquance, au trafic, mais qui conduit aussi à l'engagement qui est celui de l'islamisme radical. On le retrouve dans un certain nombre de quartiers, et même dans les prisons », souligne le ministre de l'Intérieur Manuel Valls.
Pour sa part, Gabi Moueska, ancien président de l'OIP (l'Observatoire international des prisons), révèle qu’« on assiste à un véritable phénomène de paupérisation des prisonniers ».
« Démunie, l'administration n'assure même plus l'essentiel, comme la fourniture de savons. Pour vivre décemment, la solidarité joue. Cela peut passer alors par l'appartenance à un groupe religieux qui peut être tenu par un extrémiste. La violence du milieu carcéral favorise l'escalade vers la radicalité», dénonce M. Moueska.
« Les jeunes détenus, isolés, qui soudain cherchent un réconfort dans la religion, sont les proies idéales des prédicateurs radicaux », martèle YanissWarrach, ancien aumônier musulman de la maison d'arrêt de Nanterre.
Par ailleurs, la prison accueille un public souvent « psychologiquement fragile », selon Farhad Khosrokhavar, directeur à l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales).
« Certains de ces détenus sont susceptibles de radicalisation de manière beaucoup plus aisée que les autres et l'institution carcérale est largement démunie à cet égard. Le nouveau modèle de radicalisation table sur les personnes psychologiquement instables et fragiles et, en cela, la prison devient le lieu idéal pour leur “formation”», explique-t-il.
L’insuffisance des imams en prison
Pourtant, l'une des clés de la lutte contre le prosélytisme radical reste le développement de la présence des imams en prison. Et c’est ici que s’illustre la responsabilité du gouvernement.
L'ensemble des acteurs s'accorde à dire que le nombre d'imams musulmans en détention n'est pas suffisant. Ils sont actuellement 151, contre 655 pour les aumôniers catholiques.
« Les aumôniers musulmans, en nombre insuffisant, ne peuvent répondre à toutes les demandes d'entretien », confirme YanissWarrach.
De plus, « dans les prisons, le problème de la formation des aumôniers se pose, comme celui de la formation des imams », avoue le ministre de l’Intérieur.
Et de poursuivre: « Nous avons besoin dans les prisons d'imams, d'imams français, d'imams formés pour que ce ne soit pas des imams autoproclamés dans les prisons qui fassent passer ces doctrines de haine ».
Les aumôniers musulmans ne sont en général pas imams à la ville. « On fait comme on peut, on ne peut pas se permettre un tel niveau d'exigence », soupire un responsable, ajoutant qu’« on ne cherche pas des polytechniciens, mais des gens de bon sens ».
Même si les autorités religieuses tentent de veiller à ce que ces aumôniers soient suffisamment solides pour être en mesure de contrer les thèses radicales qui peuvent circuler dans les prisons, leur niveau de formation est parfois remis en cause.
« Vous vous rendez compte, nous ne nous réunissons jamais, nous n'avons pas de formations, alors que les aumôniers catholiques le font… », se plaint un aumônier musulman savoyard.
Notons qu’une partie des aumôniers est défrayée, tandis que les autres exercent bénévolement.
Dans son dernier rapport annuel, le contrôleur des prisons avait insisté sur la nécessité de permettre aux détenus de pratiquer leur religion. L'intervention de ces imams est en général saluée par les cadres pénitentiaires comme un gage de pacification.
Leur arrivée n'a été formalisée qu'en 2005 par Dominique Perben. L'objectif était de contenir les pratiques religieuses en prison dans un cadre modéré et d'éviter que les meneurs s'autoproclament guides religieux et diffusent des idées radicales.
Le gouvernement français et l'administration pénitentiaire, ont négligé la détection de l’islamisme radical et le contrôle des prisons, jusqu’à que ces dernières semblent devenir une entreprise pour créer des islamistes radicaux !!