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Un an sur l’intronisation de Raï : la mouvance de Bkerké au cœur des mutations

Un an sur l’intronisation de Raï : la mouvance de Bkerké au cœur des mutations
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Dina Chamseddine

Un an s'est écoulé à l’intronisation du patriarche maronite Béchara Boutros Raï, durant lequel la mouvance de Bkerké a réalisé cent ans de développements significatifs, au niveau des prises de position du patriarcat maronite et des réactions qu’elles ont suscitées.
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Depuis sa première homélie, le patriarche Raï a prôné le slogan « partenariat et amour » dans sa dimension spirituelle et nationale. Une devise qu’il n’a pas tardé à traduire dans ses approches politiques locales et régionales, et durant ses visites pastorales aux régions libanaises et à l’étranger.

Au plan libanais chrétien et national, le chef de l’Eglise maronite a imprimé son sceau. De son prédécesseur, qualifié par Samir Geagea de « guide spirituel de la révolution du cèdre » et donc du 14 Mars, il a gardé la désignation et la détermination. Depuis sa prise en charge du patriarcat, Béchara Rahi a établi une feuille de route : restituer au patriarcat son rôle de référence pour les chrétiens du Liban, mais aussi d’Orient. Désormais, il est le premier défenseur de la communauté chrétienne et les assises maronites sont tenues sous son égide.

Une troisième force chrétienne est en gestation, dans le but de nuancer la polarisation au sein de la communauté.

Durant ses multiples visites pastorales aux régions libanaises, notamment celles éloignées du centre, le patriarche est acclamé par les foules des chrétiens, confortés par les attentions du prélat, après s’être longtemps sentis marginalisés. De sa parole austère, posée, mais sûre et ferme, le patriarche s’adresse aux foules, les exhortant à s’attacher à leur terre, à tisser les meilleures relations avec leurs concitoyens, et à préserver la coexistence islamo-chrétienne.

Ses visites aux régions mixtes, telle la Békaa et le Liban sud, ont été qualifiées d’historiques. En cesUn an sur l’intronisation de Raï : la mouvance de Bkerké au cœur des mutations lieux, le patriarche a été accueilli par les carillons des églises et les prières des mosquées dans un message d’harmonie et de coexistence hautement symbolique, alors qu’il a répété à tous ses interlocuteurs que la coexistence islamo-chrétienne est le legs du Liban au monde et la responsabilité des Libanais, multipliant ses discours d’ouverture, de main tendue et de respect aux sacrifices pressentis par la résistance. Des discours qui ont instauré une nouvelle dynamique sur la scène libanaise et amorcé un dialogue entre Bkerké et le Hezbollah, pour lequel un comité de suivi a été formé et qui poursuit ses pourparlers, loin des médias.

Au plan international et régional, qui peut difficilement être dissocié de la scène libanaise, le patriarche a effectué plusieurs tournées pastorales, puisqu’il avait annoncé dès le premier jour qu’il visitera les diocèses maronites dans les quatre coins du monde, et même en Syrie.

La visite du patriarche en France, a représenté un tournant décisif. Là, il a exprimé ses craintes qui se résument en trois points: la dégénération des événements en guerres civiles, l'accession au pouvoir de régimes plus durs et l’effritement des pays du Moyen-Orient en mini Etats confessionnels.

« Il nous incombe de bien comprendre les évolutions qui secouent ces sociétés, d’en mesurer la portée et d’en identifier les enjeux. Car la pérennité de notre présence dans nos patries, sur notre sol d’origine, et la stabilité du Liban, du Moyen-Orient et du Monde arabe en dépendent. Oui aux réformes, à la démocratie, à la liberté, et à la modernité dans le respect des valeurs. Mais soyons vigilants contre toute dérive vers l’extrémisme, ou l’effritement sur des bases religieuses ou confessionnelles » avait-il déclaré au Sénat français.

Les positions du patriarche qui se sont succédées plus tard à l’égard du « printemps arabe », notamment de la crise en Syrie, ne sont pas passées inaperçues. Le 4 mars dernier, dans une interview accordée à l’agence Reuters, le patriarche déclare que « la Syrie est la dictature de la région la plus proche de la démocratie », tout en soulignant ne pas vouloir qu’on le comprenne comme s’il soutenait le régime syrien.
Par ces positions, le prélat maronite s’est attiré les foudres des mentors du 14 mars et précisément du chef des Forces Libanaises Samir Geagea, qui adoptant un ton sarcastique et tranchant, a qualifié ces positions « d’injustifiables » et d’opposées à celles de « 90% des personnes et des puissances dans le monde, y compris le Vatican », poussant l’escalade verbale jusqu’à dire que « le patriarche Raï, par ses propos, met tous les chrétiens de la région en danger, en les plaçant en face de la majorité». Où en est la gloire du Liban, donnée au patriarche maronite ?

Même son de cloche en Egypte, lorsque le cheikh d’el-Azhar a refusé de recevoir le patriarche durant sa récente visite au Caire, sous prétexte qu’il est impliqué dans l’alliance des minorités, face à l’islamisme politique, ce qui a créé une première dans les relations d’el-Azhar avec les chrétiens d’Orient.
Le 25 mars, un diplomate qatari révèle à un quotidien tunisien, que l’Arabie Saoudite a refusé fin février de recevoir le patriarche maronite, « à cause de ses positions en faveur du régime syrien et du Hezbollah ». Des sources du 14 Mars l’affirment.

Pourtant, le patriarche maronite d’Antioche et d’Orient ne fait pas de politique. Il a devant les yeux lesUn an sur l’intronisation de Raï : la mouvance de Bkerké au cœur des mutations expériences amères des chrétiens d’Irak et d’Egypte, et les résultats des « révolutions » dans d’autres pays. Et il n’est certainement pas le premier dignitaire chrétien, ou musulman, à s’inquiéter ouvertement de la montée en puissance, notamment militaire, des groupes islamistes radicaux en Syrie.

Le 14 mars, Monseigneur Jean-Louis Tauran, responsable du dialogue interreligieux auprès du Saint-Siège, est interviewé sur al-Jazeera. Il dit : « Les aspirations, nées chez des jeunes en recherche de dignité, de liberté et de travail, sont bonnes et partagées, tant par les chrétiens que par les musulmans. Mais nous espérons que ce Printemps conduira à l’été et non à l’hiver ».

Le patriarche Grégoire III Laham, chef de l’Eglise grecque-melkite, explique entre autres au pape Benoît XVI durant leur récent entretien au Vatican, que le monde arabe est divisé et que le résultat de cette division est appelé Printemps arabe. Plusieurs dignitaires de l’église catholique et orthodoxe d’Orient expriment leur méfiance.

Un imbroglio de discours et de repositionnements s’instaure. On peut facilement comprendre que le courant du « Futur » exprime son enthousiasme pour le document politique des Frères Musulmans de Syrie, mais on peut moins comprendre que les Forces Libanaises s’empressent de le faire, tout en observant un mutisme total sur l’appel du mufti Wahhabite d’Arabie, à détruire les églises dans la région du Golfe.

A l’ombre des mutations, des clivages et de la polarisation au sein du monde arabe et à l’ombre des questions cruciales qui se posent, non seulement sur le sort des chrétiens, mais aussi de toute personne vivant dans ces régions, une figure comme le patriarche Raï, pourvu d’intégrité, de vision géopolitique, de courage, et tantôt comparé à son ancien prédécesseur Boulos Meouchi, pourrait aider à amener le Liban au salut et à préserver son rôle-message.

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