Un citoyen néerlandais emprisonné en Arabie saoudite, sa famille inquiète
Par AlAhed avec agences
Fahd Ramadhan a passé des années à se construire une vie aux Pays-Bas, avant de la voir s'effondrer à la suite de son arrestation surprise lors d'un voyage dans son pays natal, l'Arabie saoudite. Cet homme de 44 ans est détenu depuis plus de six mois dans une affaire qui est vue par des militants des droits humains comme un signe de la répression croissante de la moindre critique en ligne contre le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane.
A Zaandam, ville du nord d'Amsterdam où il s'est établi, sa femme et ses cinq enfants ne savent pas s'ils le reverront un jour. A leur connaissance, aucune charge pénale n'a été retenue contre lui. «C'est très difficile. J'ai des frères et sœurs plus jeunes et une mère seule qui ne parle pas le néerlandais, et je dois m'occuper d'eux», a déclaré à l'AFP Abdallah, fils de 19 ans de M. Ramadhan, assurant que son père «ne s'intéresse pas à la politique».
Né en Arabie saoudite, M. Ramadhan est un Yéménite qui a demandé l'asile aux Pays-Bas en 2018, à une époque où les autorités néerlandaises approuvaient de nombreuses demandes de Yéménites en raison de la guerre qui ravage leur pays.
Dans les années qui ont suivi, il a fait venir sa femme et ses enfants, a appris le néerlandais et a ouvert deux restaurants yéménites. Il s'est fait connaître sur les réseaux sociaux grâce à ses vidéos sur YouTube en arabe expliquant les Pays-Bas aux étrangers, avec des titres comme «ce que 100 riyals saoudiens vous permettront d'acheter à Amsterdam» ou «10 choses à ne pas faire aux Pays-Bas». Sa première vidéo, postée en 2019 et devenue virale, le montre drapé dans le drapeau yéménite, fleurs à la main, en train d'accueillir en larmes sa famille à l'aéroport d'Amsterdam.
Pour finaliser l'obtention de la citoyenneté néerlandaise pour lui et sa famille, on lui a demandé de se rendre en Arabie saoudite pour obtenir une copie de son acte de naissance, selon son fils Abdallah.
Vite arrêté
M. Ramadhan se tenait à l'écart de la politique, bien qu'il ait reconnu avoir un jour «sympathisé en ligne avec un critique de la famille royale saoudienne», a déclaré Amnesty International dans un récent communiqué. Cela peut être suffisant pour être arrêté en Arabie saoudite, où la dissidence politique reste interdite même si le prince Mohammad tente d'adoucir l'image du royaume afin d'attirer les touristes et les investisseurs internationaux. Des verdicts sévères, dont une condamnation à mort, ont été prononcés ces dernières années à l'encontre de Saoudiens ayant publié des contenus critiques en ligne, Riyad les accusant de crimes liés au «terrorisme».
Les autorités saoudiennes n'ont pas répondu à la demande de commentaire de l'AFP sur cette arrestation.
Au moment où M. Ramadhan s'envolait pour Djeddah, plusieurs comptes sur X ont publié des prétendues conversations privées dans lesquelles il critiquait le prince Mohammad, en désignant ce dernier par un surnom péjoratif. Ses proches affirment qu'il s'agit de faux, fabriqués par un autre Yéménite vivant aux Pays-Bas, avec lequel M. Ramadhan a un différend personnel, et voulant lui nuire.
Deux jours après son arrivée en Arabie saoudite, M. Ramadhan a été convoqué par téléphone dans un poste de police, où il a été placé en détention. «Il a pu passer un bref appel à sa femme mais n'a pas été autorisé à l'informer de son lieu de détention», a indiqué Amnesty International.
« Pousser à sa libération »
M. Ramadhan appelle chez lui une fois par semaine, décrivant des conditions de détention sinistres et l'aggravation de son diabète, a indiqué son fils.
En février, bien que détenu en Arabie saoudite, il a obtenu la nationalité néerlandaise, selon Amnesty. Le ministère néerlandais des Affaires étrangères a indiqué à l'AFP «être au courant du cas d'un ressortissant néerlandais détenu en Arabie saoudite, le suivre de près et lui fournir une assistance consulaire». Mais l'assistance consulaire n'est pas suffisante, a estimé Floor Beuming d'Amnesty. «Il ne s'agit pas seulement d'un citoyen néerlandais détenu à l'étranger. Il s'agit également d'un cas de violation des droits de l'homme», a-t-elle déclaré. «Je pense qu'il est très clair qu'ils doivent faire plus et pousser à sa libération».