Georges Abdallah, 40 ans de prison et d’acharnement
Par AlAhed
Au seuil de ses quarante ans de détention, le militant libanais Georges Abdallah demeure captif en France. Il est accusé d'avoir dirigé des opérations héroïques menées par des factions révolutionnaires libanaises, notamment l'assassinat de l'agent du renseignement américain Charles Ray et de l'agent du Mossad, Yakov Barsimentov en 1982. Abdallah considère cette accusation comme une fierté. Par conséquent, le résistant tenace n'a pas cédé aux multiples médiations et propositions de libération tant qu'elles contrediraient ses convictions et principes. Le combattant de premier plan refuse une liberté qui porte atteinte à sa dignité.
Il préfère la prison à l'humiliation et à l'altération de son image. Ses proches disent : «Si Georges voulait sortir de prison, il serait sorti il y a des décennies, mais il a refusé et refuse de signer le moindre document qui nuirait à ses convictions. La liberté pour lui n'est pas une faveur accordée par son geôlier français en échange d'un prix ou d'une contrepartie ; la liberté est un droit inhérent et inconditionnel.»
Malheureusement, le cas de Georges Abdallah n'a pas reçu l'attention nécessaire. De temps en temps, son affaire refait surface dans les médias pour ensuite retomber dans l'oubli. Le régime officiel libanais est extrêmement négligent dans cette cause légitime. Jeudi 21 septembre, lors d'un rassemblement de solidarité dans la rue de Hamra, la «Campagne nationale pour la libération de Georges Abdallah» a dévoilé un tableau qui explique l’affaire. Cette affaire, bien qu'elle n'ait pas disparu, reste malheureusement en suspens, malgré quatre décennies écoulées, comme le confirme Joseph Abdallah, le frère du détenu.
Dans une interview accordée à AlAhed, Joseph parle avec la logique de quelqu'un qui croit en une cause toujours vivante car elle palpite de résistance. Cependant, il exprime une grande déception envers les autorités libanaises, en lesquelles tout espoir est perdu.
Il explique que le moral de son frère, âgé de 72 ans, reste fort, solide et fier. Malgré toutes les souffrances qu'il a endurées, son frère semble être un combattant solide qui croit en une cause juste. Joseph raconte comment leur mère est décédée après 29 ans de détention du fils, en souffrant de la nostalgie malgré sa force et sa fierté à l’égard de ses enfants et du chemin qu'ils ont emprunté. George a perdu plus qu'un être cher pendant sa période d'incarcération. La nouvelle a été dure pour lui, mais il est resté fort et déterminé. Il l'est encore aujourd'hui, comme cela parait lors de ses appels téléphoniques réguliers avec sa famille, qui se répètent environ trois fois par semaine.
Abdallah explique que malgré tous les développements dans l'affaire de Georges, elle n’a point progressé.
Il explique que depuis 1999, Georges a le droit de sortir de prison. Et d’ajouter qu’en 2012, une décision de justice française a été rendue en faveur de sa libération et de son extradition vers le Liban; une décision confirmée en 2013. Cependant, Georges reste emprisonné en France pour une raison simple : le ministre de l'Intérieur, chargé d'appliquer la décision de justice française, n'a pas signé cet arrêt. Selon Abdallah, le ministre est tenu de mettre en œuvre la décision relative à la libération, car il est soumis à la juridiction française. En revanche, Abdallah estime qu'il n'y a pas suffisamment de pressions sur les autorités françaises pour le libérer et l'extrader vers le Liban. De même, il n'y a aucune volonté de la part des autorités françaises de s'opposer à l'intervention américaine et sioniste, car elles travaillent avec les Américains et sont au service du sionisme. Ainsi, l'affaire reste dans impasse.
En juin 2023, une demande de libération conditionnelle a été présentée, à la demande de l'avocat. Cependant, Joseph ne se fait pas d'illusions car son expérience avec la partie française renforce ce sentiment. Il a le même sentiment à l’égard des autorités libanaises.
«Nous considérons donc que nous sommes toujours dans la même situation, d'autant plus que si nous demandons aux parties responsables du pouvoir au Liban d'exercer quelque pression que ce soit, même avec diplomatie, sur la partie française, ils refusent, ce qui nous donne l'impression que nous leur demandons quelque chose qui va à l'encontre de leurs intérêts», a-t-il expliqué.
Et d’ajouter : «Franchement, nous ne sommes plus en contact avec aucun responsable au Liban car nous avons perdu tout espoir, même si la situation générale indique que la France est censée répondre aux forces politiques libanaises qui souhaitent obtenir un rôle français dans le dossier présidentiel».
Après quatre décennies de détention, Joseph exprime également une réelle crainte quant au sort de Georges s'il serait libéré.
«Bien que nous ayons perdu tout espoir de sa libération, nous craignons pour le destin de Georges Abdallah si cela se produit. Auparavant, les Français avaient proposé aux Américains de le libérer pour qu'ils puissent le tuer. «Aujourd'hui, il n'y a aucun obstacle à ce que la France le libère pour qu'Israël puisse le tuer. Qui protègerait Georges Abdallah?», a-t-il interrogé.
Joseph exprime également sa déception envers le mouvement populaire qui semble faible.
«Le peuple libanais, que nous refusons de critiquer, est complètement sous le contrôle des dirigeants politiques. Les forces qui prônent la liberté sont incapables de mobiliser le nombre suffisant de personnes pour faire pression», a-t-il expliqué.
Et d’ajouter qu’en revanche, au pays de la détention, le mouvement de solidarité est beaucoup plus étendu. De fait, plus de 16 % des membres du Parlement et du Sénat français sont solidaires de Georges Abdallah et exercent une pression sur les autorités françaises. De nombreux intellectuels, y compris des libéraux, demandent des comptes à leur pays pour ne pas avoir respecté la loi française. «Combien de députés au Liban semblent solidaires de Georges ?», s’est-il demandé.
Malgré la perte de confiance envers les autorités politiques, Joseph continue de compter sur le mouvement populaire. Il souligne que le choix des militants sera de continuer à organiser des rencontres et des activités de solidarité, et qu'un sit-in est prévu devant l'ambassade française le 21 octobre prochain. D'ici là, Joseph prévoit une série de rencontres pour aborder l’affaire de Georges, dans l'espoir que le peuple se joigne à ce sit-in qui doit être massif. Selon lui, il n'y a pas de solution à la situation de son frère sans mobilisation, et le pari repose sur la conscience de tous les résistants.