Une nouvelle phase dans la crise syrienne...
Source: Lorientlejour - Scarlett HADDAD
Avec l’arrivée des observateurs arabes en Syrie, la crise dans ce pays est passée à une étape que le régime considère plus positive. Ses défenseurs libanais affirment que ceux qui veulent la tête du régime d’Assad avaient misé sur le fait que ce dernier n’accepterait jamais le déploiement d’observateurs arabes. Or, il l’a fait, sur les conseils russes et parce qu’il reste convaincu que ces observateurs ne pourront que constater que les violences viennent aussi de l’opposition et que les médias qui mènent campagne contre lui depuis des mois, soit continueront sur leur lancée, soit chercheront à avoir un peu plus de crédibilité en faisant la part des choses. En tout état de cause, le régime estime que si les rapports des observateurs ne sont pas en sa faveur, car trop d’intérêts sont en jeu, ils seront en tout cas moins négatifs que les reportages diffusés actuellement sur de nombreuses chaînes et qui sont essentiellement basés sur les déclarations des opposants.
Sur un plan plus stratégique, des sources libanaises proches du régime affirment que celui-ci a désormais achevé l’installation de son dispositif de défense maritime et aérien. Les dernières manœuvres militaires effectuées en Syrie constituent un message clair dans ce sens. Ce qui signifie, en d’autres termes, que la Syrie ne craint plus une attaque militaire maritime ou aérienne, alors que sur le plan terrestre, des soldats ont été déployés le long de toutes les frontières sur une profondeur de 20 km. De plus, toujours selon les mêmes sources, le Premier ministre turc aurait actuellement des difficultés dans son propre pays, et notamment dans les régions frontalières avec la Syrie (Antakya) essentiellement peuplées de chrétiens et d’alaouites, ces derniers étant plutôt réfractaires à toute action en Syrie contre le régime.
De même, les alaouites d’Anatolie ont à leur tour exprimé leur solidarité avec le régime syrien. Ce qui permet de croire que la crise syrienne est en train de devenir un élément de division interne en Turquie, prenant même une dimension confessionnelle et ethnique entre Arabes, Kurdes et Turcs et entre alaouites et chrétiens d’une part et sunnites de l’autre. Sans oublier que le gel par la Turquie de l’accord de libre-échange avec la Syrie a entraîné de grosses pertes pour l’économie syrienne, puisque le volume des échanges a baissé de 3,3 milliards de dollars au cours des trois derniers mois.
Le régime améliore sa position
Enfin, le régime syrien considère qu’il a réalisé une grande première en organisant des élections municipales pour la première fois dans le pays. Même si cet événement a été quasiment passé sous silence dans les médias hostiles au régime, il n’en a pas moins constitué un tournant dans la crise, puisqu’au total il y a eu 41 % de participation à ces élections. Ce qui constitue un chiffre acceptable, surtout en période de crise. Certes, les opposants ont réussi à empêcher l’organisation des élections dans certaines régions sous leur contrôle, mais dans tout le reste du pays, le scrutin s’est déroulé sans problèmes et il a permis au régime de confirmer sa base populaire.
L’objectif de l’organisation de ce scrutin était aussi d’impliquer les jeunes Syriens dans la lutte contre les Frères musulmans et de permettre à une nouvelle classe politique de faire son apparition en vue des élections législatives qui doivent se tenir en février ou mars 2012. D’ici là, le président Assad devrait décider d’amender la Constitution et en particulier l’article 8 qui considère que le Baas est le parti unique. Sûr de sa base populaire, il procéderait ainsi plus facilement aux réformes nécessaires, tout en réussissant à isoler une opposition manipulée par les Frères musulmans et les groupes qui évoluent dans cette mouvance.
Pour toutes ces raisons, les sources libanaises proches du régime estiment que le président Assad aborde l’année 2012 dans une position acceptable, d’autant que le recours aux attentats terroristes dans le genre de ceux qui ont visé des postes de sécurité à Damas montre l’échec des tentatives de renverser le régime militairement, diplomatiquement et politiquement. Onze mois après le déclenchement des protestations en Syrie et en dépit des annonces à répétition sur sa chute imminente, le régime tient bon, avec son appareil administratif, politique, sécuritaire, militaire et diplomatique. Il est protégé sur le plan international par une alliance stratégique avec la Russie, sans parler de l’Iran et de l’Irak, et sur le plan local par un appui populaire qui reste important, surtout avec la recrudescence des actes de violence qui effraient la population et ne renforcent pas nécessairement l’opposition.
Les sources libanaises proches du régime estiment ainsi qu’il y aurait peut-être encore un trimestre difficile, mais après cela, le régime parviendra à dépasser la période cruciale et s’employer à faire des réformes dans le calme. Entrant en période électorale et devant affronter une crise économique sans précédent, l’Occident aura bien d’autres soucis que le dossier syrien.
Quant au Liban, les mêmes sources estiment que le dossier de l’infiltration des éléments d’el-Qaëda vers la Syrie à partir du Liban est appelé à nourrir la polémique politique, d’autant que le ministre de la Défense Fayez Ghosn détiendrait des informations concrètes sur le sujet qui devraient être communiquées aux autorités concernées mais qu’il n’est pas encore bon de jeter en pâture aux médias...