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Chronique d’une arrestation musclée, signée Tsahal

Chronique d’une arrestation musclée, signée Tsahal
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Source: .association-belgo-palestinienne.be - Abdel Hafid KALAI

J’ai vécu un drame et des péripéties qui, vus par n’importe qui, peuvent prêter à une mauvaise interprétation.

Je dois, éviter tout amalgame ou idée préconçue, en faisant quelques mises au point. Avant cette expérience, j’étais un pacifiste et je le reste d’ailleurs, je n’avais aucune expérience de militant pro-palestinien et n’ai jamais participé à la moindre manifestation défendant cette cause. Je m’informais naturellement comme tout le monde sans plus.

Suite à un appel d’associations palestiniennes, je m’étais intéressé à la mission, « Bienvenue en Palestine » qui consistait à se rendre en Palestine pour rencontrer des palestiniens et prendre connaissance de leurs conditions de vie au quotidien, partager cette expérience et ce témoignage.

Ma décision n’a pas été prise sur un coup de tête mais a été mûrement réfléchie, cependant j’avoue que je ne m’étais pas imaginé que j’allais m’exposer à un réel danger de mort.

Dès l’arrivée à l’aéroport de Tel-Aviv, le 8 juillet 2011 avec d’autres citoyens belges et autres nationalités, nous avons été accueillis par une armada de policiers en uniformes et en civil. Nos passeports ont été confisqués, nous avons été parqués, enfants, adolescents et personnes âgées compris dans une sorte de salle d’attente. L’ambiance était électrique, quelques femmes ont été prises de panique et  pleuraient. Nous n’étions pas les seuls à subir le sort de séquestrés de façon musclée, d’autres ont été conduits sous nos yeux vers des lieux inconnus.

Les interrogatoires répétitifs ont aussitôt commencé, tout y passait, des questionnaires illimités. Pour ma part, j’étais soumis à un interrogatoire détaillé où l’on m’a posé des questions, tels les noms des parents, des grands parents, l’origine, la religion, les mots de passe de mon mail, mes numéros de téléphone, la profession, le pourquoi et l’objectif du voyage, les noms des personnes à visiter, les connaissances qui ont déjà effectué le voyage en Israël, etc…

Après quatre interrogatoires conduits par des inspecteurs, j’ai enfin pu entrer en Palestine, ou ce que l’on appelle en territoire palestinien.

Passé ce purgatoire, je suis confronté à un spectacle surréaliste, en effet, une hôtesse israélienne proposant des roses aux visiteurs ayant passé avec succès les contrôles, le tout sous les objectifs de journalistes venus de je ne sais d’où. J’ai décliné cette offre déplacée et de goût plus que douteux.

Le mardi 12 juillet 2011, en compagnie d’un groupe de pacifistes venus d’Europe, des États Unies, du Canada et d’ailleurs, je suis allé manifester en faveur de la paix à l’appel des associations palestiniennes de Bethléem.

Le même jour, nous nous trouvions à Beit Ommar, à quelques kilomètres d’Hébron, autrement dit sur le territoire palestinien, lorsque nous avons été pris en chasse par l’armée d’occupation israélienne qui nous faisait barrage. Les soldats ont commencé par nous intimer l’ordre de faire demi-tour, malgré que nous avions obtempéré, ils nous ont lancé des bombes assourdissantes et lacrymogènes. Ils nous ont pourchassés, pris en tenaille, ont commencé à nous bousculer violemment, puis plusieurs soldats m’ont pris pour cible et se sont jetés sur moi, m’ont mis à terre,  m’ont roué de coups de poings et de pieds sur toutes les parties du corps, plus précisément sur les parties sensibles, les tempes, la colonne vertébrale, les articulations et les parties génitales, leur but était de laisser des séquelles pour que je m’en souvienne. Ils m’ont laissé me relever, sans doute afin que je me rebelle, les insulte ou les frappe, ce qui leur aurait donné prétexte pour justifier leur arrestation, peut-être pour m’abattre sous prétexte de légitime défense. Ils ont fini par me plaquer au sol, pendant qu’un soldat me tenait la tête, visage contre un sol rocailleux, l’autre s’est mis à expérimenter sur moi une technique consistant à exercer, avec le pouce, une pression sur la veine jugulaire afin d’empêcher l’irrigation du cerveau. Il a appuyé si fort que j’ai cru que j’allais expier mon dernier souffle et mourir, j’ai perdu connaissance.

J’ai repris connaissance complétement sonné et ligoté, et me suis trouvé toujours encadré de soldats qui m’ont trainé par les pieds sans se soucier de ma tête qui cognait violemment le sol rocailleux, ils ont fini par me porter en m’agrippant par les aisselles car j’étais incapable de tenir sur mes jambes.

Entrainé manu militari dans une base militaire, j’ai fait l’objet d’une volée d’insultes de toutes natures de la part de tous les soldats sans exception. Menaces de mort, intimidations, humiliations, crachats, insultes racistes, islamophobes et homophobes. Cette attitude était constante à chaque contact.

La présence de deux interpelés, un américain et une israélienne m’a rassuré, j’ai échangé quelques propos avec eux, ce qui a accentué la colère des soldats qui m’ont entrainé à l’abri des regards des deux interpelés, derrière un véhicule militaire. Ils m’ont bandé les yeux, en serrant le bandage si fort que j’ai cru perdre la vue. Ils ont remplacé le « colson », sorte d’attache en nylon, qui m’attachait les mains derrière le dos, par un autre plus serré, mes pieds aussi ont été attachés. Les insultes fusaient avec une abondance inouïe, accompagnées de coups assénés par des soldats qui se relayaient dans la sale besogne, le canon de la mitraillette toujours pointé sur la gorge et le menton.

J’ai été jeté, tel un sac, à l’intérieur d’un véhicule militaire qui est parti en trombe vers je ne sais où. Ma posture recroquevillée, quasi fœtale était autant abaissante qu’inhumaine. L’odeur pestilentielle dégagée des chaussures des soldats est venue accentuer la douleur due au piétinement que m’ont fait subir les soldats durant tout le trajet.

Après un voyage interminable, le véhicule s’est arrêté, j’ai été jeté en dehors avec la myriade d’insultes, sans doute, apprises par cœur lors de leur instruction militaire, cette réflexion m’est venue car tous me traitèrent, avec haine, « d’Abou Ammar », surnom qu’a choisi Yasser ARAFAT, en hommage à Ammar Ben YASSER, un compagnon du prophète Mohamed (pbsl) et premier martyr de l’Islam.

Mains et pieds liés, yeux toujours bandés, j’ai été installé sur une sorte de box en bois. J’entendais des pas et des voix proférant les insultes habituelles. On m’a demandé en quelle langue je souhaite m’exprimer, quelles étaient mes origines. Évidemment, pas d’interprète français, donc c’était l’impasse, toujours les yeux bandés, pieds et poings attachés.

Lorsqu’ils m’ont enlevé le bandeau et les menottes, j’ai découvert une grande cour, des véhicules militaires et des groupes de militaires qui me narguaient. J’ai été témoin d’une empoignade d’une rare violence contre l’interpelé américain qui a osé s’adresser à moi pour demander de mes nouvelles.

L’attente a été longue et éprouvante, la nuit a commencé à tomber. J’ai appris qu’un interprète a été trouvé. Le dialogue avec celui-ci s’est passé presque normalement. Je lui ai raconté les faits avec concision.

Il m’a expliqué que j’étais accusé d’avoir violenté des militaires et d’être rentré illégalement en territoire israélien, a fortiori en zone militaire.

J’ai demandé la restitution de mon sac à dos, ce qui a été refusé illico. J’ai fait savoir que je souhaitais l’assistance d’un avocat et de pouvoir prévenir les gens chez qui j’ai été logé ainsi que ma famille. On m’a proposé un avocat au bout du fil, j’ai trouvé cela suspect et j’ai refusé de lui parler.

J’ai remarqué, sans me l’expliquer, une tension entre l’interprète et l’officier, d’autres officiers se sont mêlés à l’interrogatoire. Le procès-verbal en hébreu m’a été présenté pour signature, par méfiance, j’ai refusé la signature malgré les pressions de toutes  natures, intimidations, menaces, manipulations, y compris le mensonge par lequel on m’a fait croire que l’ambassadeur de Belgique, en personne, me somme de signer et de quitter le territoire, ma position est restée tenace, j’ai réitéré ma demande d’être assisté par un avocat. La scène de l’interrogatoire a été enregistrée comme le veut la procédure, me confirment-ils.

Le PV a été déchiré sous mes yeux. Un autre PV est illico rédigé, le même scénario est relancé, cette fois, l’interprète m’a fait le coup de la pitié, en tentant de me culpabiliser après tous les efforts qu’il a prétendument déployés pour m’aider. Je ne me suis pas laissé influencer, j’ai refusé net la signature du second PV.

Changement de tactique, ils sont passés à l’identification poussée, de gré ou de force, ils sont venus en nombre pour me forcer à une séance photos sous tous les angles, prise d’empreintes digitales, des prélèvements de salive pour déterminer mon ADN. Mes refus ont été vains.

Mes douleurs physiques dues aux nombreux hématomes et écorchures sur tout le corps et mes maux de tête dus aux traumatismes occasionnés par les coups et les tentatives d’étranglement ont commencé à faire atrocement mal. J’ai exigé à cor et à cri d’être examiné par un médecin. J’ai été finalement entendu et embarqué, pieds et mains attachés vers un hôpital. La scène était irréaliste, le véhicule militaire a emprunté une entrée non officielle. Un « médecin » impassible, m’a fusillé du regard, s’est adressé à eux en hébreux, a disparu et est revenu avec un document cacheté et signé qu’il a remis à l’officier. Voyant que j’ai insisté pour recevoir des soins, il est revenu avec un cachet et un verre d’eau, mon refus est immédiat.

Au retour sur les lieux de détention, j’ai été accompagné dans un sous-sol, les menaces ont recommencé de plus belle. J’ai été reçu par le soi-disant interprète, qui n’est autre qu’un geôlier parmi les geôliers, dans une pièce truffée de système de surveillance, il m’a annoncé brutalement que je serai mis au cachot et que je dois observer silence et soumission sans quoi, je prendrais de gros risques de voir mes conditions de détention s’aggraver…

Tard dans la nuit, j’ai été conduit dans une cellule par le pseudo-interprète, où le détenu américain croupissait. Rien ne m’a été proposé, ni boisson ni nourriture. La courte nuit m’a semblé interminable tant mes douleurs ont été atroces, aucune posture ne m’a apporté de répit.

Le matin, très tôt, nous sommes conduits en voiture à vive allure, pieds et poings liés, attachés l’un à l’autre au niveau des pieds, vers un autre centre de détention intermédiaire pour illégaux. Je passe les fouilles et refouilles d’usage, séances de photos, de prises d’empreintes digitales.

Mon sac à dos confisqué dès le début est réapparu, certains effets personnels sont jetés à la poubelle sous mon regard, mes protestations sont réprimées sous les menaces et les insultes.

J’ai demandé à utiliser mon GSM pour appeler ma famille et les personnes qui m’avaient hébergé, j’ai essuyé un refus catégorique, j’ai rappelé que ce droit est placardé dans le lieu qui servait de salle d’attente, devant mon insistance, les menaces reprennent.

Il est 14 heures, je suis conduit vers d’autres locaux pour être auditionné. L’homme, se présentant comme un « interprète », s’est adressé à moi en français. L’interrogatoire a commencé, la routine, le contact est quasi correcte, j’en ai profité pour demander de téléphoner, il accepte avec une certaine crispation. Je récupère mon GSM pour former le numéro, il me demande de lui fournir le numéro, il forme celui-ci sur son fixe, mais n’obtient soi-disant pas de tonalité.

Devant ces manœuvres, je fais savoir qu’en l’absence d’un vrai avocat, je garderai le silence. Il essaie tant bien que mal de poursuivre l’interrogatoire et de garder son calme. Je refuse, je fais savoir que c’est d’un avocat et non d’un interprète que j’ai besoin. Le ton monte, des policiers en civil se joignent à lui. Pressions et insultes fusaient suite à ma décision.

« L’interprète » fait évacuer le bureau, une fois seuls, il s’installe derrière son bureau et de façon solennelle se met à rédiger un PV, son travail achevé, il me le tend pour signature, mon refus est toujours catégorique. À ce moment-là, il sort et revient avec d’autres policiers, les insultes reprennent. Sur ces entrefaites, « l’interprète » appose par deux fois un cachet (Cancelled) sur mon passeport, il a cru bon d’ajouter que je serai interdit d’entrée en territoire israélien pour une période de dix ans.

J’ai été ramené vers une salle d’attente. Fatigué, mort d’épuisement, j’ai tenté de m’assouvir, cette détente m’a été refusée sur le champ et sans ménagement.

Un quart d’heure après je suis menotté aux pieds et aux mains, jeté dans un véhicule qui m’a conduit vers la prison. À l’approche de la prison, un des policiers en civil tente de me manipuler en me conseillant de me méfier des autres détenus dont certains travaillent pour leurs services et parlent français. Il m’a parlé également d’isolement et de conditions atroces au cas où je prendrais contact avec les prisonniers. Les premiers contacts avec les détenus m’ont prouvé le contraire, j’ai compris que le but de la manipulation était de m’isoler et me préparer à une paranoïa frisant la folie.

L’avocat commis par une association de pacifistes et qui m’attendait en prison, n’a pas pu entrer en contact avec moi. Après un bref passage par la prison, j’ai été transféré vers un hôpital pour examens médicaux. Cette manœuvre a reporté l’entrevue avec l’avocat et, de ce fait, va prolonger mon isolement et mon séjour en prison. Je n’ai découvert ces manœuvres que plus tard.

À l’hôpital, on a voulu me faire subir les examens les pieds et les mains liées, ce n’est qu’après des protestations que j’ai eu les pieds détachés. En fait, cet examen, qui a duré près de quatre longues heures, n’était qu’une parodie qui ne donnera lieu à aucun soin.

Au retour de l’hôpital, après ces examens bidons, je me suis retrouvé en prison, il est 22 heures, le ventre vide, je n’avais pas mangé depuis deux jours.

Toutes ces péripéties ont été ponctuées de fouilles, de séances de photos, prise d’empreintes, d’insultes, d’intimidations, d’humiliations, de manipulations et de provocations dans un vacarme entretenu et nourri pour me mettre la pression, le tout dans un encadrement intense ne me permettant aucun moment de détente.

Jeudi matin, on m’a présenté des documents en hébreu à signer pour, prétendirent-ils quitter le territoire, mon refus est immuable sans la présence d’un avocat. Ils insistèrent à chaque contact.

L’après-midi, un juge d’instruction m’a interrogé, dans un petit local en prison, par l’intermédiaire d’une interprète, j’ai refusé de signer l’acte d’accusation rédigé en hébreu, par ses soins.

Dès mon retour en cellule, on m’a fait savoir que l’Ambassadeur de Belgique est venu me rendre visite.

L’entretien avec celui-ci m’a rendu confiance, j’ai découvert un homme serin, posé, humain et compatissant. D’emblée, il a demandé à voir mes blessures, m’a rassuré, a pris quelques notes de mon récit, m’a demandé ce qu’il pouvait faire pour moi. Ma première demande a été de me désigner un avocat pour me défendre. Il m’a quitté après m’avoir laissé son numéro de téléphone.

Moins de deux heures après m’avoir quitté, j’ai reçu, de sa part, un SMS m’annonçant qu’un avocat a été commis.

Vendredi après-midi, en effet, j’ai reçu la visite de l’avocat contacté par l’ambassadeur. C’est ce même avocat qui m’avait attendu en vain le jour où j’étais conduit à l’hôpital.

De l’entretien avec cet avocat, je n’ai eu que deux possibilités, aller vers un procès kafkaïen ou bien signer une demande de quitter le territoire. Malgré tout, j’ai voulu aller en procès. Ce n’est qu’après mures réflexions que j’ai changé d’avis. Hélas, je n’ai pas pu faire connaître mon revirement. Malgré mes appels, il fût injoignable, l’ambassadeur non plus ne répondait pas. Mon calvaire a duré deux longues journées, j’ai subodoré que Sabbat était pour quelques choses.

Dimanche matin, l’Ambassadeur m’a heureusement appelé. Je lui ai fait savoir que j’étais au bout du rouleau et que je n’avais qu’un désir, celui de quitter le territoire le plus rapidement possible et, de ce fait, récupérer ma valise restée à Bethléem.

Lundi matin, l’Ambassadeur m’a appelé pour m’annoncer le vol de mardi vers Bruxelles et qu’un chauffeur allait me rapporter ma valise en prison.

Le chauffeur est arrivé dans l’après-midi avec ma valise et m’annonce que quelques effets personnels ont été retirés suite à des fouilles dans ma valise par les gardiens de prison. Vérifications faites, j’ai constaté qu’en plus de quelques effets sans importance, il manquait mes cartes de banque, de crédit, et d’identité. J’en ai averti immédiatement l’Ambassadeur. Celui-ci m’a rassuré en me disant que mes effets personnels me seraient rendus dès que je quitterai la prison, il a ajouté que s’il y a problème, je pourrais toujours le contacter.

Il est 14 heures, quand j’ai quitté ma cellule vers la sortie. Séance de fouilles et refouilles dans une cabine, interrompues à chaque fois par des attentes en cellule. On ne m’a remis des effets confisqués à l’entrée de prison que mon appareil photos, après avoir pris soin d’effacer son contenu. Ma demande de récupérer le reste a essuyé un refus.

Il est 15 heures, quand ils me proposent de m’embarquer vers je ne sais où. J’ai réclamé le restant de mes effets personnels dont la carte d’identité, les cartes bancaires. Refus, menaces, bousculades, tentative de m’éloigner des caméras sans doute pour me tabasser, j’ai résisté de toutes mes forces mais sans violence car c’est ce qu’ils cherchaient apparemment.

Lorsque j’ai essayé de recourir à mon GSM pour appeler l’Ambassadeur de Belgique, mon GSM m’a été arraché. Comme par hasard, mes effets personnels me sont restitués après coup. Nous avons pris la route vers une destination inconnue.

Nous sommes arrivés dans un bâtiment ultra sécurisé, attente, fouilles de ma valise, fouilles corporelles poussées, passage de mes chaussures sous scanner. On m’a conduit dans la salle d’attente pour être rappelé pour nouvelles fouilles juste à quelques minutes près, cette fois, ils ont utilisé, en plus, un détecteur de métaux qu’ils m’ont passé sur tout le corps.

Je suis conduit dans un véhicule pour une expédition vers un autre bâtiment. Arrivé dans ce dernier, j’ai été de nouveau fouillé. On m’a installé dans une cellule exigüe pour passer la nuit, un sandwich sans boissons m’a été servi.

C’est mardi, jour « J », on m’a conduit dans un véhicule, pieds et poings attachés, directement vers le tarmac afin de ne rencontrer personne.

Mon exigence était sans appel, je ne monterai pas dans l’avion si on ne me libère pas les mains et les pieds, j’avais obtenu gain de cause. Je voulais monter dans l’avion aussi libre au retour de Tel-Aviv qu’au départ de Bruxelles. La police a remis mon passeport au commandant de bord. Le cauchemar est terminé, le traumatisme demeurera à jamais gravé dans mon corps et mon esprit.

Selon le médecin qui m’a examiné à mon retour à Bruxelles, j’aurais pu y laisser ma vie. J’ai eu la vie sauve grâce à ma jeunesse et à ma condition physique. La méthode ayant servi à me neutraliser est mortelle, dans bien des cas.

Huit jours de fouilles, de violences subies, d’intimidations, d’humiliations de tortures morales, de privation de liberté, de nourriture, d’eau, de séquestration, de kidnapping.

Le système israélien est conçu pour broyer toute dignité humaine, pour fouler au pied le droit international, pour défier la race humaine sous des prétextes sécuritaires qui voilent le vrai visage de ce système. De quel droit se permettent-ils ainsi de défier le monde et de se hisser au-dessus des lois, de la morale et du droit international.

Avant cet épisode de ma vie, je ne connaissais pas, dans les détails, le problème palestinien, je ne connaissais pas les dessous de la question, je ne connaissais pas non plus les méthodes du gouvernement israélien. Je ne connaissais, en fait, de la politique que quelques bribes auxquelles je n’accordais pas grand crédit.

Ce fut un choc pour moi de constater qu’un pays inondant le monde entier de propagande sur Sa démocratie, Son respect des droits de l’homme et qui en réalité fait peu de cas de ces principes qui ne sont que des logos creux, à moins que les droits soient réservés à Ses ressortissants et à personne d’autre.

Les soldats qui étaient un temps mes geôliers sont excités, sur le qui-vive, paranoïaques, déshumanisés, des roboCops incapables de penser, encore moins d’éprouver de la compassion. Sans doute sont-ils conditionnés, endoctrinés, transformés en machines à soupçonner autrui, à fouiller tout ce qui bouge systématiquement et sans ménagement. Cette attitude rendue mécanique, emprunte la même méthode, la même terminologie, les mêmes gestes brutaux où la violence est la règle. Toujours à plusieurs sur une personne, pas de confiance, pas même en soi, surtout pas en soi. Alors, la seule garantie qui soit est de se mettre à plusieurs, fouiller, refouiller, multiplier les fouilles, sait-on jamais, la déflagration d’une bombe, peut toujours surgir. À tout moment, une bombe, une arme pourrait être cachée sous les vêtements, sous la peau même d’un suspect, de tous les suspects. On fait croire à ces soldats que le monde entier leur en veut, ils pensent que dans chaque arabe, surtout, se cache un terroriste.

Comparé aux palestiniens, accueillants, hospitaliers, généreux, humains, disponibles, chaleureux, débonnaires, confiants. C’est à se demander comment un peuple vivant sous occupation cruelle, subissant les humiliations au quotidien peut encore rester digne, être heureux de vivre malgré les conditions inhumaines que lui font subir les israéliens. Ce peuple palestinien accueille, rit, fête et porte l’espoir en bandoulière, arbore fièrement son keffieh comme une médaille qui traduit son histoire de peuple martyr.

Les israéliens, eux, vivent sous une idéologie qui anime une population d’immigrés hétéroclites et cosmopolites dont ces pauvres soldats. Parfois j’ai eu pitié d’eux. Comment peuvent-ils rentrer chez eux, embrasser leurs femmes, leurs enfants, leurs fiancés sans se dire aujourd’hui j’ai humilié, parfois tué des hommes, des femmes, des enfants dans les check points et ailleurs en les fouillant et en les bousculant, en les humiliant ?

La principale leçon que je tire de cette expérience est que ce système est fascisant tente, par sa cruauté, à décourager toute solidarité avec le peuple palestinien martyr. Pour ma part, j’en sors renforcé, plus décidé que jamais. Je repartirai plus déterminé, afin que l’injustice cesse, afin que mes témoignages parviennent le plus loin possible dans la conscience des honnêtes gens.



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