La nouvelle équation de Nasrallah : les menaces préventives pour aboutir à la dissuasion
Source: lorientlejour.com
Éclairage Pour le cinquième anniversaire de la guerre de juillet 2006, le secrétaire général du Hezbollah a établi une nouvelle équation qui inclut désormais les ressources pétrolières au large des côtes libanaises dans le champ d'action de la résistance. Contrairement à la présentation faite par certains médias, Hassan Nasrallah n'a nullement menacé d'agression les installations israéliennes, il a simplement affirmé, comme il le fait régulièrement pour le reste du territoire libanais, que si ces ressources étaient attaquées, la résistance riposterait pour protéger la souveraineté et les richesses libanaises. Il s'agit donc d'une menace préventive, qui vise à établir un équilibre de la terreur à vocation dissuasive.
Le camp du 14 Mars s'est aussitôt élevé contre cette déclaration, accusant le secrétaire général du Hezbollah de mettre la main sur les ressources pétrolières pour trouver une nouvelle justification au maintien de ses armes. Mais aux yeux du Hezbollah, il ne fait que remplir ainsi sa mission réelle : la protection du pays face aux agressions israéliennes. D'ailleurs, dans son dernier discours, Nasrallah a voulu replacer la résistance dans son contexte de défense de la patrie, refusant d'évoquer les questions internes et d'entrer dans les polémiques. Il a donc consacré la plus grande partie de son discours au conflit avec Israël, développant la guerre psychologique menée par celui-ci contre le Liban qui, selon Nasrallah, cache surtout une grande crise de confiance au sein de l'entité sioniste. Il a ensuite insisté sur l'importance des ressources maritimes libanaises, qui sont une richesse nationale qui aura des conséquences sur l'ensemble du pays et des citoyens, non sur un camp déterminé.
En incluant les ressources maritimes dans la mission de protection du Liban que s'est donnée la résistance, Nasrallah a surtout voulu étendre l'équation qui régit actuellement la situation au sud du pays à cette zone. Depuis la guerre de 2006 et l'adoption de la résolution 1701 par le Conseil de sécurité, le calme (certes précaire) règne à la frontière sud du Liban. Israël et le Hezbollah ne cessent d'échanger des menaces et de faire monter le ton et la tension entre eux, mais sur le plan strictement militaire, il n'y a pas eu d'affrontement majeur, excepté l'incident de Adaïssé qui avait d'ailleurs opposé les soldats libanais aux soldats israéliens. En d'autres termes, l'équilibre de la terreur instauré entre la résistance et l'armée israélienne est relativement stable, puisqu'aucun incident n'a été enregistré entre elles, le Hezbollah respectant les dispositions de la résolution 1701 de ne pas porter les armes dans la zone au sud du Litani.
Et c'est cette expérience qu'il souhaite rééditer dans le dossier maritime, voulant permettre aux autorités libanaises de mener leur campagne diplomatique pour le tracé des frontières maritimes et l'exploitation des ressources pétrolières. Contrairement à la récente thèse du président israélien Shimon Peres, selon laquelle la guerre de 2006 aurait affaibli le Hezbollah au point de l'empêcher d'entreprendre la moindre attaque contre Israël, le Hezbollah considère que c'est le renforcement de son arsenal militaire et les menaces de bombarder la profondeur israélienne (un aéroport contre un aéroport, un immeuble contre un autre et, dernièrement, des installations pétrolières contre des installations pétrolières) qui assurent une certaine stabilité le long de la frontière sud.
À cet égard, des sources proches du parti affirment que le Hezbollah a encore renforcé son arsenal depuis l'éclatement des émeutes en Syrie, mettant de nombreux missiles en sécurité au Liban par crainte de les voir tomber entre les mains « des insurgés ». Par conséquent, lorsque sayyed Nasrallah a affirmé que la résistance est plus puissante qu'elle ne l'a jamais été sur les plans de sa cohésion, de son moral et de ses équipements, il sous-entendait qu'elle possédait encore plus de missiles qu'auparavant. Et en menaçant de bombarder les installations pétrolières israéliennes, il ne jetait pas des paroles en l'air, ses experts ayant déjà localisé les plateformes installées au large de Haïfa, d'Ashdod et de Askalan.
Les menaces de Nasrallah ont d'ailleurs obtenu un effet immédiat, l'ambassadrice des États-Unis au Liban s'étant entretenue hier avec le président de la Chambre Nabih Berry de ce dossier, alors qu'un émissaire spécial américain Frederic Hoffe devrait se rendre bientôt à Beyrouth dans le même but. C'est dire que le dossier pétrolier, qui jusqu'à présent semblait encore un peu irréel aux Libanais, est en passe de devenir le sujet d'actualité le plus brûlant. Faut-il en conclure que la prochaine guerre israélo-libanaise sera une guerre pour le pétrole ? Tout en se déclarant prêts à toutes les éventualités, les milieux du Hezbollah ne croient pas à cette hypothèse dans l'immédiat. Selon eux, les Israéliens ne se seraient pas encore remis de la guerre de juillet 2006 et le fameux bouclier antimissile n'a pas encore fait ses preuves, notamment pour protéger le sud d'Israël des roquettes tirées à partir de Gaza. D'autant qu'un seul missile destiné à intercepter celui de la résistance coûte quelque cent mille dollars. De ce fait, si comme le disent les Israéliens, la résistance en possède 50 000, on imagine un peu le coût du dispositif...
Comme l'a d'ailleurs expliqué Hassan Nasrallah, Israël n'a pas encore réussi à mettre au point un scénario satisfaisant, qui lui permettrait de ne pas rééditer les lacunes de 2006, pour lancer une nouvelle attaque contre le Liban. À moins toutefois qu'il ne veuille se lancer dans une fuite en avant, pour redistribuer les cartes dans la région, qui ne sont pas actuellement en sa faveur : l'Autorité palestinienne continue à vouloir obtenir une reconnaissance internationale de l'État palestinien au cours de la session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies, l'Égypte a modifié sa politique, allant même jusqu'à recevoir une délégation du Hezbollah alors qu'il y a quelques mois, celui-ci était accusé de comploter contre l'État, et au Liban, un nouveau gouvernement a obtenu la confiance du Parlement...