Turquie: dix amiraux à la retraite arrêtés pour avoir critiqué un projet du président Erdogan
Par AFP
Dix amiraux turcs à la retraite ont été arrêtés lundi 5 avril, au lendemain de la publication d'une lettre ouverte signée par une centaine d'anciens officiers critiquant un projet du chef de l'État de construire un canal à Istanbul qui pourrait selon eux menacer la liberté de navigation.
Selon le bureau du procureur général d'Ankara, les dix amiraux retraités ont été mis en garde à vue. Quatre autres anciens officiers n'ont pas été arrêtés en raison de leur âge, mais ont reçu l'ordre de se présenter à la police d'Ankara dans les trois prochains jours. Une enquête a été ouverte contre les militaires à la retraite signataires de la lettre pour «réunion visant à commettre un crime contre la sécurité de l'État et l'ordre constitutionnel», selon le bureau du procureur.
De hauts responsables turcs avaient condamné dimanche 4 avril la lettre ouverte signée par plus de 100 amiraux retraités alertant contre la menace que pourrait représenter selon eux le projet de «Canal Istanbul», porté par le président Recep Tayyip Erdogan, pour un traité qui garantit le libre passage par le détroit du Bosphore.
«Canal Istanbul» est le plus ambitieux de ce que le président Erdogan appelle ses «projets fous», qui l'ont vu transformer l'infrastructure de la Turquie avec de nouveaux aéroports, ponts, routes et tunnels au cours de ses 18 années au pouvoir. Le gouvernement argue que ce canal permettrait de doter Istanbul d'un nouveau pôle d'attractivité en plus de soulager le Bosphore, l'un des détroits les plus congestionnés du monde.
Mais les opposants affirment qu'outre son impact sur l'environnement, le projet pourrait compromettre la Convention de Montreux, datant de 1936, qui garantit le libre passage des navires civils dans les détroits du Bosphore et des Dardanelles, aussi bien en temps de paix que de guerre. Dans leur lettre ouverte, 104 amiraux à la retraite ont affirmé qu'il est «inquiétant» d'ouvrir un débat sur le traité de Montreux, estimant qu'il s'agit d'un accord qui «protège au mieux les intérêts turcs».
La lettre des amiraux a suscité une vive riposte de la part de responsables du gouvernement. «Non seulement ceux qui ont signé, mais aussi ceux qui les encouragent, devront rendre des comptes devant la justice», avait déclaré dimanche sur Twitter Fahrettin Altun, chef de la communication du président Erdogan.