La justice suisse s’intéresse à l’ex-roi d’Arabie saoudite six ans après sa mort
Par AlAhed avec Le Point
Existe-t-il une limite à l'immunité dont bénéficient les souverains d'Arabie saoudite ? C'est la question posée par le procureur genevois Yves Bertossa concernant Abdallah ben Abdelaziz al-Saoud, qui a régné dix ans, de 2005 à 2015, avant de s'éteindre à l'âge de 91 ans. Le magistrat suisse l'accuse d'avoir versé en 2008 cent millions de dollars à son «ami» le roi Juan Carlos d'Espagne.
En 2020, le magistrat a ouvert une enquête pénale pour «gestion déloyale des intérêts publics». Ce qui correspond en France à de «l'abus de biens sociaux». Ce qui voudrait dire qu'à Riyad le monarque ne serait peut-être pas totalement libre de faire ce qu'il entend de l'argent du pétrole.
Yves Bertossa, le fils de Bernard Bertossa, l'ancien procureur général de Genève, n'a bien évidemment nullement l'intention de mettre en cause feu Abdallah, disparu il y a six ans. En revanche, il ne détesterait pas pouvoir entendre l'ancien ministre des Affaires étrangères Adel al-Jubeir. À condition, bien évidemment, que l'Arabie saoudite réponde à une commission rogatoire internationale, ce qui n'est pas dans ses habitudes.
L'immunité de Juan Carlos
Comme le souligne La Tribune de Genève, qui révèle l'affaire, «en droit suisse, il est impossible d'accuser quelqu'un de blanchiment d'argent sans définir un crime préalable à l'origine du versement des fonds». En d'autres termes, s'il n'y a pas de magouilles à l'origine, il n'y a pas de délit pour ceux qui bénéficient ensuite du magot.
Il faudrait donc démontrer que le roi Abdallah s'est rendu coupable de «gestion déloyale» pour pouvoir sanctionner ceux qui ont perçu l'argent.
En dehors du roi Juan Carlos, car ce dernier bénéficie d'une immunité. Il n'y a que les seconds couteaux qui pourraient trinquer. À savoir, le gérant de fortune du roi, son avocat, une ancienne maîtresse et la banque Mirabaud, qui a accueilli les 100 millions de dollars sans trop se poser de questions.
En 2008, Juan Carlos avait dissimulé le «don» du roi d'Arabie saoudite dans une fondation baptisée Lucum, domiciliée au Panama.
Quatre ans plus tard, la banque Mirabaud, qui commence à avoir des scrupules, demande au roi d'Espagne d'aller cacher ses économies ailleurs. Le souverain verse alors la majeure partie des sommes restantes, soit 65 millions d'euros, à une ancienne maîtresse, qui préfère planquer l'argent aux Bahamas.