Nouveaux appels à «la résistance» après la normalisation entre Bahreïn et «Israël»
Par Middle East Eye
Les Palestiniens, l’Iran et la Turquie ont été les premiers à dénoncer le nouvel accord de normalisation entre Bahreïn et «Israël». Des appels à manifester ont été lancés pour mardi.
Après l’annonce vendredi soir par Donald Trump d’un accord de normalisation entre «Israël» et Bahreïn, un mois après les Émirats arabes unis, les Palestiniens, les Iraniens et les Turcs ont réagi pour dénoncer «un accord de la honte». Des Bahreïnis ont aussi protesté contre cette «trahison».
«L’accord entre Bahreïn et Israël est un coup de poignard dans le dos de la cause palestinienne et du peuple palestinien», a déclaré à l’AFP Ahmad Majdalani, ministre des Affaires sociales de l’Autorité palestinienne.
Selon lui, «quatre ou cinq autres pays arabes seraient prêts à signer une paix illusoire [la normalisation de leurs relations avec Israël]» sans préciser quels pays étaient concernés, mais des sources palestiniennes évoquent Oman, le Soudan, la Mauritanie et le Maroc.
Mardi, «jour du refus»
Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a dénoncé une «agression» portant un «grave préjudice» à la cause palestinienne.
«Il ne s’agit pas d’accords de paix, mais d’accords de protection», a déclaré dimanche le secrétaire général de l’OLP Saeb Erekat, lors d’une discussion en ligne avec quelques journalistes.
Les Palestiniens ont appelé dimanche à des manifestations mardi pour dénoncer un accord «honteux».
Dans un communiqué conjoint, plusieurs factions palestiniennes ont appelé à un «jour du refus» mardi avec des manifestations «populaires» dans les Territoires palestiniens occupés mais aussi devant les ambassades à l’étranger des États-Unis, d’«Israël», des Émirats arabes unis et de Bahreïn.
«Nous invitons notre population et en particulier celle des camps de réfugiés [palestiniens] à dénoncer ces accords de la honte», poursuivent ces factions, incluant l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le Hamas.
Dans un communiqué commun entre les États-Unis, «Israël» et Bahreïn, les dirigeants des trois pays ont annoncé l’établissement de relations diplomatiques entre «Israël» et le Royaume de Bahreïn.
Lors d’une visite du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo à Manama fin août, le roi de Bahreïn avait réaffirmé que son pays soutenait la création d’un État palestinien, semblant rejeter implicitement l’appel de Washington à établir rapidement des relations avec «Israël».
La normalisation des relations entre «Israël» et les alliés des États-Unis au Moyen-Orient, y compris les riches monarchies du Golfe, est un objectif clé de la stratégie régionale de Donald Trump pour contenir l’Iran, ennemi intime de Washington et d’«Israël».
Bahreïn et «Israël» partagent la même hostilité à l’égard de Téhéran.
La Turquie a «vivement condamné» ce nouvel accord de normalisation y voyant un «nouveau coup» porté à la cause palestinienne.
«Ceci est un nouveau coup porté aux efforts pour défendre la cause palestinienne, et qui va renforcer Israël dans ses pratiques illégales envers la Palestine et ses tentatives de rendre permanente l’occupation des territoires palestiniens», a déclaré Ankara dans un communiqué publié vendredi soir par le ministère des Affaires étrangères.
Cet accord, a encore souligné le ministère, est contraire à l’Initiative de paix arabe, qui demande le retrait complet d’«Israël» des territoires arabes occupés depuis 1967 en échange d’une normalisation, ainsi qu’aux résolutions de l’Organisation de la coopération islamique.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait déjà condamné l’accord le mois dernier l’accord de normalisation entre «Israël» et les Émirats arabes unis, et menacé de suspendre les relations diplomatiques avec cet Etat du Golfe.
L’Iran a aussi fustigé le rapprochement entre ce minuscule archipel du Golfe et «Israël».
«Les dirigeants de Bahreïn seront désormais complices des crimes du régime sioniste, comme une menace constante pour la sécurité de la région et du monde musulman», a affirmé le ministère iranien des Affaires étrangères dans un communiqué.
Si des pays arabes se sont prononcés contre l’annexion, les alliés arabes traditionnels des Palestiniens ont soit salué, soit cautionné l’accord de normalisation.
Jusqu’alors, le consensus arabe faisait du règlement du conflit israélo-palestinien une condition sine qua non à une normalisation des relations avec «Israël».
«Les dirigeants palestiniens sont très en colère», souligne Sari Nusseibeh, intellectuel et ancien responsable au sein de l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP). Même si «en réalité les Palestiniens se sont toujours plaints d’un manque de soutien arabe».
Ce «manque de soutien» est de plus en plus palpable dans un Moyen-Orient marqué par les soubresauts des «printemps arabes», une polarisation Iran-Arabie saoudite, et la lutte contre le groupe «Daech».
Mercredi, les Palestiniens ont échoué à convaincre leurs partenaires de la Ligue arabe de condamner l’accord israélo-émirati.
Les Bahreïnis opposés à un rapprochement avec «Israël» ont aussi dénoncé cette normalisation.
Sur les réseaux sociaux, les hashtags «Des Bahreïnis contre la normalisation» et «La normalisation est une trahison» sont devenus très populaires.
Contrairement aux Émirats arabes unis, l’opposition à la normalisation est profonde au Bahreïn dont la société civile est active, malgré la répression ces dix dernières années.
L’ancien député Ali Alaswad a écrit sur Twitter que l’annonce d’un accord avec «Israël» «était un jour noir dans l’histoire de Bahreïn».
«L’accord entre le régime despotique de Bahreïn et le gouvernement d’occupation sioniste est une trahison totale de l’islam et de l’arabisme et une rupture du consensus islamique, arabe et national», a écrit sur Twitter al-Wefaq, un des principaux groupes d’opposition représenté au Parlement jusqu’en 2011 et dont le leader, le cheikh Ali Salmane, est derrière les barreaux depuis 2014.
Pour Hussain Aldaihi, son secrétaire général adjoint, «la normalisation confirme ce qui est certain, à savoir que les régimes [qui s’y engagent] constituent une menace pour leurs pays, leurs peuples et la nation et mettant en œuvre des programmes contraires aux intérêts des peuples arabes et musulmans».
D’autres groupes hostiles à la normalisation, basés à Bahreïn et à l’étranger, ont exprimé leur colère dans des déclarations envoyées aux médias, certains qualifiant l’accord de «honteux».
Bahreïn devient le quatrième pays arabe à normaliser ses relations avec «Israël», un mois après les Émirats arabes unis et plus de vingt ans après la Jordanie (1994) et l’Égypte (1979).