Sayed Nasrallah : «La neutralité est un principe illogique. Nous devons aider tous les peuples selon nos capacités»
Par AlAhed
Le secrétaire général du Hezbollah, sayed Hassan Nasrallah, a indiqué que chacun de nous, individu ou collectivité soit-il, doit assumer ses responsabilités envers l’Autre, rejetant le principe de la neutralité proclamé par certains libanais.
Voici les idées principales de son discours télévisé :
«(…) L’imam Hussein a assumé toutes les responsabilités religieuses et éthiques, en tant qu’une personne infaillible. Il aurait pu rester neutre, et se contenter de donner des conseils religieux ou des aides à la population de la Mecque. Mais il a estimé que l’Islam est en danger existentiel en raison de l’accès au pouvoir de Yazid ben Mouawiya, lui qui était connu pour ses mauvaises qualités morales.
A partir de cette idée, je voudrais aborder un sujet de nos jours. Nous avons des responsabilités envers les autres. C’est l’Altruisme. Malheureusement, nous vivons actuellement la tendance généralisée de l’égoïsme. Chercher nos propres intérêts et négliger ceux des autres.
Chacun de nous sait bien qu’il a des responsabilités envers ses parents, sa famille, ses sœurs et frères. Ceci est instinctif. Il est normal de chercher à aider nos parents et nos familles. De même pour nos voisins, nous partageons avec eux la vie, l’eau que nous buvons. Il faut donc les respecter, ne pas leur nuire… d’un point de vue plus large, nous avons des responsabilités envers tous les individus que nous connaissons ou dont nous connaissons les nouvelles. Surtout avec le développement des médias, nous sommes responsables envers tous ceux avec lesquels nous sommes en contact. Toutes les religions célestes prescrivent l’aide à l’Autre. La religion représente l’esprit et l’instinct. L’Islam nous réclame d’être bons envers nos parents, de nouer des liens avec les nôtres...
Il y a quelques jours, suite à l’explosion à Beyrouth, il y a eu de nombreux blessés. Si j’étais un passant, ou à bord de ma voiture, j’aurais dû transporter les blessés et aider à leur évacuation. C’est un acte instinctif. C’est de la nature humaine depuis la création divine. Malheureusement, nous avons besoin de parler de ces choses évidentes. Par exemple, si tu es à la plage et que tu vois quelqu’un sur le point de se noyer, ton devoir moral, social et religieux est d’aider ce naufragé.
Notre humanité et notre instinct nous poussent à assumer nos responsabilités envers les autres. C’est ce que l’Islam et les messagers de Dieu sont venus nous dire.
Par exemple, si tu connais des gens affamés, ou atteints d’une pandémie, toi, en tant que citoyen capable de fournir de l’aide, tu dois assumer tes responsabilités. Au lieu de collecter de l’argent, tu dois aider ton pays et ta population si tu en as.
Autre exemple, lorsque les takfiris ont envahi la Békaa, nous n’avons pas dit que chacun de nous défende son propre village. La population du Sud ou de Tripoli ne peut pas prétendre que nous n’avons rien à voir avec les compatriotes de la Békaa. C’est du devoir de tous de protéger et de défendre ton pays. Pouvons-nous dire que la population de Bent Jbeil et de Jezzine doit combattre seule l’occupation israélienne ?
Donc, nous avons des responsabilités envers tous. Et nous allons rendre des comptes le jour du Jugement dernier.
Sur le plan national, on ne cesse de proclamer les slogans comme le Liban en premier, l’Entité libanaise, le Liban neutre… ce pays est d’une superficie de 10452 km2. Actuellement, certains protestent si la population du sud s’ingère dans les affaires de la population du Mont-Liban… d’où est venue cette idée ?
Les frontières géographiques ne font pas tomber ces considérations. Sachant que les frontières sont délimitées par les politiciens. Citons l’exemple de la Syrie ou de la Palestine. Si quelqu’un a besoin de l’argent, mais qu’il habite hors de notre frontière, ceci signifie-t-il que nous n’avons plus l’obligation de le faire ? si un pays est frappé par le coronavirus, on refuse d’aider sa population juste parce qu’elle se trouve au-delà des frontières ? Cette considération géographique ne nous exempte pas de nos responsabilités morales et matérielles. Ni la géographie, ni la race, ni la religion ne nous autorise de renoncer à aider les autres. Ce sont les bases de la religion.
Par ailleurs, nous assistons aux ingérences de toutes sortes des USA dans les affaires de tous les pays du monde. Que viennent faire les soldats US dans notre région ? Qu’est-ce qui leur donne le droit de s’immiscer dans les affaires de nos pays, de nommer des dirigeants, de faire ce que bon leur semble, sans que quelqu’un ne proteste.
Certains nous disent : il est interdit à l’Iran de s’ingérer dans les affaires de la région, alors qu’ils autorisent les ingérences US et occidentales. Aujourd’hui, au Yémen, l’Arabie Saoudite mène une guerre atroce, et a convoqué tous les terroristes de «Daech», d’«al-Qaida» et autres. Pourquoi il lui est-il permis de faire cette guerre ? mais il nous n’est pas autorisé de notre part de condamner verbalement cette guerre injuste qui sème la mort !
Au Liban, le monde entier s’ingère dans nos affaires, et on ne proteste pas. En Irak, on a toléré le déploiement des forces US et occidentales sous prétexte de vouloir combattre Daech. Mais on nous pointe d’un doigt accusateur parce que nous sommes allés aider la population en Irak. D’où est venue cette logique ? sur quoi repose-t-elle ?
Nous soutenons par exemple le peuple palestinien sur les plans politiques, moral, financier, militaire… on nous condamne pour ce soutien. Alors que les USA s’ingèrent dans toutes les affaires de la Palestine, fournissent toute une panoplie d’armes sophistiquées à l’Entité sioniste, et obligent des pays arabes à conclure un accord de paix avec «Israël». Mais personne ne conteste.
Si on avait laissé à «Daech» la possibilité de fonder son Etat en Syrie, on aurait vu son étendue dans toute notre région. Nous avions la possibilité d’aider le peuple syrien contre Daech et nous l’avons fait. Pourquoi le monde entier avait le droit d’attaquer et de financer Daech, alors que vous condamnez notre participation auprès du peuple syrien ?
Nous considérons que nous avons des responsabilités auprès des peuples arabes. Lorsque l’explosion a eu lieu à Beyrouth, nous avons agi moralement et consciencieusement. Pourquoi vous réclamez du monde de l’aide après l’explosion, alors que le peuple libanais lui est interdit de fournir de l’aide aux autres.
Ceci ne signifie pas que nous allons aider tous les peuples de par le monde. Le principe essentiel est la capacité. Tant que nous avons la capacité d’aider, nous devons fournir cette aide. Comme au Yémen, ou en Palestine occupée, peut-être nous ne pouvons pas déclencher une guerre régionale en réponse à la décision de Trump de transférer son ambassade à al-Qods. Mais au moins nous avons la capacité de publier un communiqué de condamnation.
Bref, nous ne sommes pas responsables envers tous les peuples du monde, mais là où nous pouvons aider, nous devons le faire. Par exemple, les peuples affamés en Palestine, en Somalie et ailleurs, il incombe aux pays du Golfe qui collectent des fonds incommensurables d’aider ces peuples. Certes, le Jour du Jugement ils doivent rendre des comptes. Si nous ne pouvons pas fournir pratiquement de l’aide, nous devons le faire verbalement au moins. C’est le principe d’ordonner le Bien et d’interdire le Mal. Il s’agit donc d’une question de priorités.
D’un côté, certains veulent nous interdire de commenter même des faits ou de s’ingérer dans les affaires pour aider les peuples voisins, et d’un autre côté, d’autres nous réclament des contributions hors de notre portée. En effet, notre responsabilité dépend de nos capacités. C’est ici que nous sommes responsables.
Donc, il faut évaluer nos capacités et agir à leurs bases. La responsabilité religieuse réside dans ce fait : la capacité disponible.
Par exemple, tous les peuples islamiques s’attendent à l’aide de l’Iran, qui se présente comme un pays islamique. C’est vrai, mais il faut prendre en considération la capacité de l’Iran.
Des fois, nous pouvons réaliser la victoire et atteindre notre objectif à travers la mort en martyre. Comme ce fut le cas avec l’imam Hussein, qui a entamé sa révolution suite à l’allégeance qu’il a reçue des dizaines de milliers d’Irakiens à l’époque. Pour lui, la confrontation était inéluctable. Il fallait combattre le régime de Yazid, quel que soit le prix. Et il l’a fait à travers la mort en martyre. Donc, ce qu’il a fait était dans le cadre de sa capacité. Rien de plus. A travers sa révolution et son martyre, l’imam Hussein a fondé les bases de la religion qui survivra jusqu’au Jour du Jugement. Et c’est une leçon pratique comment assumer nos responsabilités. Nous devons aider l’Autre, parce qu’il est notre frère sur le plan de l’Humanité, et nous devons aimer l’Autre, parce qu’il est la création de Dieu. L’imam Hussein, parce qu’il aimait les gens, a voulu les transférer de l’obscurantisme aux Lumières.
Nous, en tant que mouvements de résistance, avons la responsabilité d’aider les plus faibles. Et nous devons rendre des comptes le Jour de la Résurrection. Nous n’allons pas renoncer à nos responsabilités, certes selon nos capacités, tout en respectant les intérêts suprêmes de l’Etat. Et sur ce point, nous devons partir du principe du plus important au moins important. Lorsque nous aidons le peuple palestinien à retourner en Palestine, ceci sert-il l’intérêt suprême du Liban ou non ? Lorsque nous aidons les réfugiés syriens à rentrer dans leur pays, ceci sert-il l’intérêt suprême du Liban ou non ? Lorsque nous combattons «Daech» pour repousser leur danger imminent de notre territoire, ceci sert-il l’intérêt suprême du Liban ou non ? Nous allons assumer nos responsabilités là où nous devons le faire.