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L’armée israélienne attaque des moulins à vent

L’armée israélienne attaque des moulins à vent
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Par Proche&Moyen-Orient.ch

Avant de quitter ses fonctions de chef d’état-major particulier du président de la République, l’amiral Bernard Rogel exprime son inquiétude vis-à-vis d’une Turquie qui pousse avec agressivité ses navires de guerre en Méditerranée et élargit son ingérence armée en Libye: «Nous sommes rentrés, partout et pas seulement là, dans la logique du fait accompli et de la contestation des traités internationaux. Le multilatéralisme est en train de se déliter. C’est très dangereux. Quand plus personne ne respecte les règles, cela conduit à des conflits».

D’autres responsables de premier plan, et notamment au secrétariat général des Nations unies à New York, soulignent cette même préoccupation de voir éclater des conflits armés ouverts, et pas seulement en mer de Chine Méridionale et en Libye, mais aussi en Amérique Latine et dans plusieurs régions d’Afrique. Nous ne sommes plus seulement confrontés à une «crise du multilatéralisme», mais bien à un danger croissant, très préoccupant, de «guerres ouvertes» pouvant dégénérer en affrontement élargi, sinon global !

L’un des foyers les plus volatiles de cette évolution nous ramène au Proche Orient, le long de la frontière libanaise – au nord d’«Israël». En effet, le 27 juillet dernier, l’armée israélienne y a déclenché un déluge de feu – dans le territoire occupé des fermes de Shebaa, à proximité du village de Marjayoun -, affirmant avoir déjoué une «tentative d’infiltration du Hezbollah», qui a aussitôt démenti toute espèce d’accrochage et d’opération dans cette région.

Bombardement de cages à poules

Ainsi donc, lundi dernier, l’armée israélienne déclare avoir «contrecarré une tentative du Hezbollah d’infiltrer le nord du territoire israélien». Depuis une semaine, la soldatesque du régime de Tel-Aviv était sur les nerfs s’attendant à des représailles après un bombardement aérien de la chasse israélienne ayant tué un combattant chi’ite. En effet, le Hezbollah avait annoncé qu’il n’en resterait pas là : «La réponse au martyre du frère Ali Kamel Mohsen (…) viendra irrémédiablement», avait indiqué le parti chi’ite dans son communiqué.

Ali Kamel Mohsen est mort dans un raid israélien survenu le 20 juillet dernier près de l’aéroport de Damas. Décidé à faire monter la pression contre la République islamique – principal soutien à la Syrie -, le régime de «Tel-Aviv» mène depuis 2011 des centaines de frappes aériennes contre l’Iran et ses alliés, dont le Hezbollah. L’organisation chi’ite a dépêché sur place – depuis l’été 2013 – plusieurs milliers de ses combattants aux côtés de l’armée syrienne, des Gardiens de la révolution iraniens et des milices chi’ites afghanes et pakistanaises.

Toujours est-il que la presse libanaise s’en est donné à coeur joie en commentant «une attaque de Don Quichotte fonçant sur des moulins à vent vides et inoffensifs… » et «une armée très mal renseignée, qui perd ses nerfs et gaspille ses munitions en bombardant des cages à poules…»

«Jusqu’à maintenant la résistance islamique n’a pris part à aucun accrochage et n’a pas ouvert le feu durant les évènements du jour», a assuré la direction du Hezbollah par voie de communiqué et «les forces israéliennes ont mené des opérations parfaitement imaginaires», a surenchéri un officier supérieur de l’armée libanaise qui confirme l’absence de tout mouvement du Hezbollah dans cette région.

De son côté, le porte-parole de l’armée israélienne a, pourtant maintenu la version officielle selon laquelle un groupe de soldats du Hezbollah «s’était enfoncé de plusieurs mètres en Israël, avant de s’enfuir au Liban après que les forces israéliennes aient ouvert le feu sur eux». Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou en a, aussi rajouté en vociférant lundi dernier que le Hezbollah libanais «joue avec le feu», tout en menaçant que la réaction d’Israël «serait forte».

Confirmant avoir vu des colonnes de fumée s’élever dans la zone en question, un correspondant de l’AFP a rapporté que des dizaines de tirs de l’artillerie israélienne avaient effectivement visé le territoire libanais occupé des fermes de Chebaa. Ce territoire de 25 kilomètres carrés est toujours occupé par l’armée de «Tel-Aviv» après son retrait du Liban, en 2000. Pour «Israël», la zone fait partie du plateau syrien du Golan qu’il a annexé. Pour le Liban et la Syrie, cette région revient historiquement au pays du Cèdre.

En fait, la région est particulièrement stratégique parce qu’elle se trouve au cœur du bassin hydrographique de la rivière Litani, régulatrice d’importantes réserves d’eau.

Population confinée

Affiliée au Hezbollah, la chaîne de télévision Al-Manar a rapporté que l’armée israélienne avait bien bombardé la région de Rouaissat al-Alam pendant plus d’une heure, diffusant en direct des images de fumée s’échappant de cette région. Quelques instants plus tard, un journaliste de la chaîne ajoutait qu’«Israël» attaquait le versant libanais de la région de Kfarchouba.

«A la suite d’un incident de sécurité dans le secteur du Mont Dov, il est demandé aux habitants de rester chez eux», indiquait un porte-parole de l’armée israélienne, précisant que «toute activité en plein air était interdite et les routes bloquées». La FINUL – Force de maintien de la paix de l’ONU dans le sud Liban – appelait aussi lundi dernier à «la plus grande retenue» après des combats rapportés à la frontière avec le voisin libanais, précisant ultérieurement que les tirs avaient cessé.

L’incident survient au lendemain de la chute d’un drone israélien au Liban et après le renforcement de la présence des forces israéliennes à la frontière : l’armée de Tel-Aviv a indiqué la semaine dernière avoir «élevé son niveau de préparation contre diverses actions ennemies potentielles dans les différentes régions traversées par la Ligne bleue».

Longue de 130 kilomètres, la Ligne bleue a été tracée par les Nations unies après le retrait israélien du Liban en juin 2000. Marquée tantôt par un mur de neuf mètres de haut, tantôt par des grillages électrifiés, cette ligne de démarcation entre les deux pays est censée être surveillée, du côté libanais, par la Force intérimaire des Nations unies pour le Liban (FINUL) et l’armée libanaise.

Dégradation  

Ce dernier incident – cette «guerre contre des moulins à vent» – est particulièrement révélateur de l’état de désaffection récurrent de l’armée israélienne, «qui n’est plus le modèle qu’on nous vantait durant les années 1970/1980», explique un attaché de défense européen en poste à «Tel-Aviv». Ce dernier explique que cette dégradation affecte à la fois les services de renseignement militaire, mais aussi les capacités opérationnelles : «on l’a vu durant la guerre des ‘Trente jours’ de l’été 2006, déclenchée par «Tel-Aviv» contre le Liban. On a alors découvert des soldats israéliens fumant des pétards et passant plus de temps à parler sur leurs téléphones portables et des consoles de jeu vidéo qu’au combat».

Durant l’affrontement, qui a duré du 12 juillet au 11 août 2006, l’armée israélienne a perdu plusieurs dizaines de chars Merkava et des hélicoptères de combat, particulièrement déroutée par les différentes tactiques adoptées par le Hezbollah.

L’organisation chi’ite a surpris l’ennemi de quatre façons principales : 1) par son dispositif de défenses enterrées, composé de multiples souterrains et pièces d’artillerie dissimulées dans les plis du relief ; 2) par sa puissance de feu opérationnelle à partir de rampes de missiles mobiles montées à l’arrière de camions tous terrains rapides ; 3) par des duos de soldats équipés de missiles anti-char et sol-air, se déplaçant partout en montagne avec des motos de trial ; 4) enfin, grâce à réseau de téléphonie mobile parfaitement impénétrable. Pour plus de détails, on se reportera – une fois encore – à l’excellent livre des politologues Frédéric Domont et Walid Chara sur le Hezbollah.

A défaut d’avoir été une défaite militaire très lourde, la défaite politique fut particulièrement désastreuse pour le régime de Tel-Aviv et son armée grandement déconsidérée, également après une opération commando totalement ratée : croyant enlever un homme du nom d’Hassan Nasrallah (le chef du Hezbollah) dans la région de Baalbek, les forces spéciales israéliennes mettent la main sur… un épicier qui n’en peut mais !

Depuis, la situation ne s’est pas vraiment améliorée et l’armée israélienne a multiplié les contre-performances, la dernière étant cette attaque fantasmagorique contre les moulins à vent des fermes de Chebaa.

«Neutralité» vis-à-vis du «voisin» israélien !

L’attaque imaginaire de l’armée israélienne tombe particulièrement mal pour le patriarche maronite Bechara Raï, qui venait justement de lancer une bien curieuse initiative visant à observer une attitude de… «neutralité» vis-à-vis du «voisin» israélien ! Pourquoi maintenant, et surtout pourquoi une telle attitude face au régime de «Tel-Aviv» dont l’armée viole régulièrement les eaux territoriales et l’espace aérien du Liban, lorsqu’elle n’attaque pas directement son territoire ?

Sans surprise, cette initiative du patriarche a, non seulement déclenché une vive polémique dans un Liban confronté à l’une des crises les plus graves depuis la fin de la guerre civile (1990), mais elle affaiblit aussi gravement l’église maronite et, plus largement, le reste des communautés chrétiennes du pays, notamment les Grecs-orthodoxes. Traditionnellement, ces derniers sont toujours très clairs quant aux agressions israéliennes répétées et incarnent un patriotisme libanais loyal et sans faille.

«Mais la dernière sortie incompréhensible du patriarche maronite Raï rejaillit sur l’ensemble des communautés chrétiennes du Liban, déjà suffisamment affaiblies et de plus en plus dégarnies. Autrement dit, ce n’était pas le moment de parler de ‘neutralité’ en faveur d’Israël, d’autant qu’on ne voit pas et qu’on ne comprend pas en vertu de quel changement d’attitude de la partie israélienne il faudrait faire aujourd’hui une telle concession parfaitement inaudible pour des citoyens libanais qui subissent l’arrogance et l’agressivité israéliennes depuis tant d’années», déplore un père orthodoxe du nord du pays.

 

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