Le président Aoun: Sortir de ce tunnel sombre que nous traversons est de la responsabilité de tout un chacun
Par AlAhed avec Présidence libanaise
Le prélude du président libanais Michel Aoun lors de la réunion des représentants des partis politiques, au Palais présidentiel de Baabda le 6 mai 2020.
Cher auditoire,
Soyez les bienvenus au Palais présidentiel de Baabda !
Cette rencontre n’est pas la première du genre, j’ai déjà appelé à des réunions similaires à chaque fois que le pays était confronté à des problèmes ou des défis économiques qui nécessitaient une approche unitaire. Or le Liban n’est jamais passé, comme c’est le cas aujourd’hui, par une situation exigeant cette grande cohésion nationale.
Le plan de sauvetage du pays que nous ambitionnons ne peut être de la responsabilité d’un seul parti politique ni d’une compétence ou d’un pouvoir unique. Sortir de ce tunnel sombre que nous traversons est de la responsabilité de tout un chacun.
En effet, le fardeau qui pèse sur les infrastructures économiques, financières et sociales du pays est lourd et dangereux. Il demande un maximum de transparence et une unité nationale sans faille.
Alors que le Liban est toujours confronté à une crise de déplacés qui n’en finit pas de s’éterniser et dont les répercussions touchent tous les secteurs du pays, la pandémie du covid-19 est venue donner le coup de grâce à un taux de croissance en chute libre et à une économie déjà chancelante. En effet, vous n’êtes pas sans ignorer la situation catastrophique que nous traversons et qui se manifeste par le recul de l’offre et de l’importation, de la production et de l’exportation des produits et des services, un manque aigu de devises étrangères, une augmentation effrayante du taux de chômage et de la pauvreté, une inflation effrénée et sans limite des prix dans tous les domaines, la chute de notre monnaie nationale, le recul des recettes des impôts et la récession des protections sociales.
Cette crise n’est pas née d’aujourd’hui, elle résulte d’un cumul entassé dû à toutes les politiques financières erronées qui n’ont fait que privilégier une économie rentière à une économie productive. Depuis que j’occupe ce siège présidentiel, j’ai déclaré à 48 reprises dans des discours officiels qu’il était préférable de faire des profits de façon lente et durable en investissant dans des secteurs de production, de service et de connaissance plutôt que de courir derrière des gains rapides et sans avenir.
À la mauvaise gestion générale, d’autres facteurs sont venus se surajouter, à savoir les changements dans la région et les effets des conflits et des guerres qui se sont multipliés autour de nous. Sans oublier les crises que nous avons traversées et qui ont mis à mal notre politique consensuelle dans des périodes cruciales et décisives de la vie du pays.
Cette présentation de la situation a pour but de nous faire prendre conscience des problématiques que nous vivons pour en tirer les leçons adéquates. L’essentiel aujourd’hui est de dépasser les règlements de comptes et les enjeux politiques, de faire preuve de solidarité pour enfin sortir de cette crise et arrêter les pertes que nous subissons dans tous les domaines, privés et publics.
Cher auditoire,
Lors d’une précédente réunion, ici au Palais présidentiel, le 2 septembre 2019, nous avons convenu de déclarer un état d’urgence économique et de se fixer une date limite à moyen terme pour assainir les finances publiques. Nous avons également décidé d’accélérer la mise en place de projets d’investissements prévus dans le cadre de la conférence CEDRE et d’établir une feuille de route pour mettre en œuvre les recommandations du rapport McKinsey.
Nous espérions que ces résolutions nous permettraient d’éviter une crise aiguë au niveau de la balance des paiements, du taux de change de la livre libanaise et des finances publiques, nous permettant ainsi de stimuler la production et de dynamiser les différents secteurs économiques. Cependant les crises et les volte-face se sont succédé depuis le mois d’octobre 2019. Tout cela précédé par l’arrêt des banques à répondre aux requêtes de leurs déposants en juillet 2019. Nous nous sommes alors retrouvés dans une période particulièrement mouvementée où les solutions sont devenues encore plus impératives.
Afin de remédier à cette situation, le gouvernement a mis en place un plan de redressement financier conformément à ses prérogatives prévues dans l’article 65 de la constitution. Ce plan de sauvetage est accompagné d’une demande de soutien du Fonds Monétaire International. Une voie obligatoire permettant le redressement de la situation à condition de réussir une négociation qui ne nous mette pas sous tutelle ou sous une quelconque mainmise. Il faudrait également et en priorité répondre aux vœux de nos concitoyens qui réclament la mise en place de réformes essentielles.
Ce plan devrait nous permettre d’arrêter l’épuisement des réserves extérieures et de protéger les fonds des déposants. Nous nous efforcerons également avec sérieux et conviction à contenir le déficit budgétaire et nous lutterons pour relever le faible pouvoir d’achat des Libanais, notamment les plus démunis, confrontés à des difficultés financières insoutenables.
Outre les réformes structurelles que certains gouvernements ont tenté en vain de mettre en place, le plan de sauvetage vise à corriger les déséquilibres structurels de l'économie et des finances, assurer une protection sociale et offrir une aide directe aux plus démunis, restaurer la confiance dans notre système économique et financier. Il aspire également à réduire la dette publique de manière à protéger le Liban de risques futurs, d’assainir les finances publiques, d’assurer la transparence par le biais d’un audit financier, de dévoiler et corriger les pertes accumulées à la Banque du Liban et revaloriser les prêts aux secteurs productifs.
Ce plan vise aussi à mettre en œuvre des mesures de réforme pour stimuler la croissance et accroître la productivité, corriger la balance des paiements et améliorer la compétitivité de l'économie. Le tout parallèlement à une réforme financière axée sur l'éradication de la corruption, l'amélioration de la conformité fiscale, le contrôle d’une bonne gestion du secteur public.
À chacune de ses étapes, ce plan de redressement protègera les personnes les moins favorisées des répercussions de la crise et renforcera les réformes sociales, garantissant des secteurs vitaux comme celui de la santé, de l'éducation et bien d’autres.
Si le soutien financier international requis et les sacrifices que cela nécessite sont difficiles, ils restent cependant moins graves que les répercussions d'un effondrement économique et financier complet. Quant au succès de ce plan, il exige une conscience nationale et une profonde cohésion générale qui seules nous permettront de dépasser le danger qui menace notre existence, notre souveraineté et l'identité même du Liban.
Les objectifs étant fixés, nous devrions démarrer les procédures exécutives immédiates pour rétablir la confiance dans l’État et dans le secteur bancaire, à la fois à l’intérieur du pays et à l’international et prendre les mesures d’application rapides et nécessaires.
Cher auditoire,
Ce plan n'a pas été établi avec une arrière-pensée politique, il est purement économique. C’est pourquoi je vous invite, en tant que dirigeants politiques élus par le peuple pour le représenter au parlement, à l’appréhender de la même manière afin que nous puissions redonner au Liban son véritable rôle, à savoir une oasis de libéralisme économique responsable et non sauvage au sein d’un État de droit où règne l’esprit de redevabilité, de transparence, de justice sociale, de développement équilibré et de réforme durable.
Que Dieu accompagne nos efforts et notre unité au profit de notre pays et de notre peuple.
Vive le Liban!