Une semaine en compagnie du général Soleimani sur le front
Par Mohammad Eid
Plusieurs correspondants de presse se disent fiers d'avoir reçu la visite du général Soleimani ou d'avoir constaté son action ingénieuse sur le terrain. D'autres sont fiers d'une photo prise à ses côtés. Certains regrettent ne pas avoir eu l'occasion de poser avec le grand martyr, évoquant le halo de lumière dans son visage au moment où il les saluait à son passage, toujours souriant. Parmi les correspondants de la presse, Wissam Al-Jurdi, qui a joui d'une opportunité rare. Il a eu la chance d'accompagner le général martyr pendant une semaine. Chaque minute était suffisante pour ancrer dans son esprit le halo de sainteté et la réputation légendaire de cet homme, consolidés par ses pratiques sur le terrain.
Un chef qui joint en sa personne unique entre le prestige apparent et l'humilité constatée par tous.
Wissam Al-Jurdi a exposé à AlAhed cette expérience optionnelle de sa vie professionnelle.
Mission marquée de périls
Le directeur général de la chaine irakienne où travaille Wissam Al-Jurdi l'a contacté d'urgence, lui demandant d'interviewer une personne appelée Al-Khal (l’Oncle), ce dernier étant un chef éminent de l'une des factions combattants dans le rif sud d'Alep.
La chaine a précisé à Wissam sa destination et lui donna le numéro d'une personne nommée Abou Haidar pour le contacter.
Le 20 novembre 2015, un certain vendredi, Wissam s'est dirigé vers la région Mariamine. Il s'assit deux heures et demi dans la cellule d'opération de la faction combattante, écoutant des explications détaillées sur les combats dans le rif sud d'Alep.
Il lui sembla que c'était un exercice avant d'entrer dans la première ligne d'accrochage et d'arriver au siège de la faction à Bannes, première ligne de démarcation avec les groupes terroristes.
La belle stupéfaction
Dans ce siège, un grand nombre de combattants prenaient un repas. Wissam entra. On l'invita à déjeuner. On posa devant lui un plat de riz, préparé dans la cuisine des forces communes.
Avant de commencer à manger, il fut surpris par une personne assise en tête de la table. C'était un homme à la barbe blanche, portant un chapeau sur la tête. Il sourit à Wissam et l'invita, avec un accent iranien, à se rapprocher de lui.
Wissam prit son assiette et se rendit auprès de son interlocuteur, s'interrogeant avec grande curiosité si c'était la personne nommée Al-Khal.
Son hôte, très galant, lui indiqua que c'était le moment du repas, pas du dialogue.
Toutes les personnes présentes mangeaient, alors que Wissam était tourmenté par la curiosité, face à cet homme respectueux qui a terminé son repas et saluait tous ceux qui l'entouraient.
S'approchant de lui il lui demanda s'il était le Khal.
Tous s'esclaffèrent. Un homme s'approcha de lui et le présenta à l'homme à la barbe blanche, toujours souriant. «Il parait que ce jeune homme est pressé», dit-il.
Ainsi, il découvrit qu'il était en présence du général Qassem Soleimani. Ce dernier tapota l'épaule de Wissam et l'accompagna vers une chambre dont les portes et les fenêtres étaient ouvertes, face aux postes de groupes armés.
Soleimani discuta longtemps avec les chefs qui scrutaient une carte. C'était comme une étude d'un plan d'attaque.
Kafria et Al-fouaa
Wissam raconte au site AlAhed comment le général Soleimani lui demanda de monter un escalier vers le toit de la maison, portant des jumelles. Il lui expliqua l'importance du site des deux localités Kafria et Al-Fouaa.
«Nous les libèrerons Inchallah», affirme-t-il.
A cet instant, plusieurs obus sont tombés près d'eux.
Wissam est effrayé, mais le général Soleimani ne bougea point. Le journaliste dit deux fois: «Hajj, ils nous ciblent». Le général répondit avec un sourire: «N'aies pas peur, nous luttons. Nous combattrons et remporterons la victoire».
Wissam descendit laissant le général Soleimani avec une autre personne sur le toit. Quelques minutes plus tard, le général le suivit et dit en riant: «La crainte les a poussés à tirer des obus».
Wissam prit son téléphone portable dans le but de prendre une photo avec son hôte, pour commémorer à jamais cet évènement exceptionnel pour lui. Le général lui demanda: «Tu prends une photo en ma compagnie?»
Wissam donna son téléphone à la personne qui se tenait derrière lui, voulant ancrer à jamais le plus important instant de son itinéraire professionnel, et peut être personnel.
Le martyre, pris en compte
Wissam narre à AlAhed comment toutes les personnes présentes ont salué le général Soleimani avant de quitter le lieu dans sa voiture. Plus tard, il reçut un contact du général qui lui demanda s'il avait besoin d'aide, s'excusant de ne pas l'avoir fait avant ce moment.
Wissam n'a jamais oublié ce geste entrepris par un homme du calibre du général Soleimani.
Durant la semaine suivante, il le rencontra quotidiennement dans le même lieu, où le général commandait seul les combats, circulant entre les points militaires sans gardes de corps. Il venait saluer le journaliste et continuait sa mission. Il ne connaissait pas le nom de Wissam. Il l'appelait «correspondant de la chère chaine» et lui fournissait les dernières nouvelles sur le front. «Inchallah nous remporterons la victoire. Ne crains pas. Le martyre est notre sort», disait-il.
Wissam a révélé qu'il a dormi une nuit dans l’un des sièges du général Soleimani. C'était le 24 novembre 2015. Le général résidait dans un étage et Wissam dans un autre. Il ajouta que ses réunions avec les chefs militaires durèrent plusieurs heures, durant lesquelles le général servait personnellement ses visiteurs. Compatissant, sur les fronts, il guide les combattants et aide les blessés de ses propres mains. Très humble.
La dernière rencontre
Wissam rencontra le général Soleimani une dernière fois, par hasard, sur le front, à Alep.
Le général le prit dans les bras et lui souhaita davantage de réussite. Il lui répéta: «Ne crains pas. Nous remporterons la victoire Inchallah», comme il avait l'habitude de dire.
Les circonstances de travail de Wissam ont changé. Il changea de médiateurs. Ce dernier le chargea d'accompagner sayed Ali Chamkhani de l'aéroport de Damas au bureau du président syrien, Bachar al-Assad.
«Je suis descendu avec le photographe pour suivre l'accueil du président Assad au haut responsable iranien. Je fus surpris par la présence du général Qassem Soleimani dans la voiture. Je crus qu'il ne m'identifiera pas. Mais, il me reconnut et me salua avec un grand sourire, avant d'entrer avec la délégation officielle».
Ce fut la dernière rencontre entre Wissam et le général.