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Les prisons et tribunaux de l’Arabie saoudite, une injustice culminante

Les prisons et tribunaux de l’Arabie saoudite, une injustice culminante
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Par Latifa Husseïni*

Le prince héritier de l'Arabie saoudite, Mohammad Ben Salmane, poursuit sa politique de répression de toute voie qui s'oppose à lui. La totalité du pouvoir est en ses mains et aux mains de son père. Peu de différence. Des responsables limogés, d'autres incarcérés. Les faits se déroulent selon sa volonté ou ses désirs. Pour lui, nul obstacle ne doit entraver sa voie. Une politique claire d'hégémonie est adoptée par Ben Salmane dans tous les dossiers intérieurs du royaume. Des approches qui ne reconnaissent point les droits des autres, leurs avis ou revendications. Pour cette raison, pas besoin que les autres expriment leurs opinions. La meilleure solution est de les faire taire ou de les liquider.

Le nombre des arrestations et des exécutions en hausse

La situation des libertés dans le royaume se complique. Les activistes se sont toujours plaints des pressions et des poursuites. Cependant, durant le mandat de Salmane Ben Abdel Aziz, débuté il y a quatre ans, le nombre des exécutions et des procès injustes contre les opposants et les participants aux mouvements pacifiques et les hommes de religion a grimpé,, contrairement aux allégations sur les réformes, faites par Ben Slamane après la destitution de l'ancien prince héritier Mohammad Ben Nayef, en 2017 et l'accès de Ben Salmane au pouvoir.

En 2019, 164 exécutions ont eu lieu, alors que les arrestations arbitraires comptent des dizaines. Le taux des exécutions ne montre aucune baisse dans les opérations injustices de liquidation. En 2016, le royaume a exécuté 153 citoyens sans procès équitables, alors qu'en 2017, plus de cent détenus ont été exécutés, des centaines de religieux, d'académiciens et d'écrivains ont été emprisonnés. De surcroit, des dizaines de femmes activistes ont été torturées en 2018, et plusieurs autres ont été liquidées.

En effet, les services de sécurité relèvent directement du bureau du prince héritier, avec en tête le service de la Sécurité de l'Etat, chargé de lancer des campagnes d'arrestations contre les activistes politiques, sociaux, et les hommes de droit de différents courants, en plus des émirs de la dynastie au pouvoir qui représenteraient une menace à Ben Salmane. Ces campagnes ont visé également les cheikhs des tribus et les hommes d'affaires dont une large partie de leurs richesses a été confisquée par les autorités.

En l'absence de la responsabilisation internationale, les services de Ben Salmane poursuivent leur action répressive. Les informations en provenance du royaume font état d'une situation obscure. Pas d'éclaircie mais davantage de tensions.

L'avocat saoudien Taha Al-Haji évoque à AlAhed une exécrable situation du droit dans ce pays, sans aucune lueur d'espoir. «La justice saoudienne n'annonce pas d'habitude son intention d'exécuter des prisonniers, mais rassemble les verdicts et exécute plusieurs détenus à la fois. Cette démarche coïncide en général avec des évènements politiques liés à la situation régionale notamment à la relation avec l'Iran», précise-t-il.

Des indices sur l'approche de nouvelles exécutions

A l'ombre des informations faisant état de l'approche de la date de nouvelles exécutions de détenus, Al-Haji explique que la Justice saoudienne a intensifié récemment son action, accélérant les procès qui se tenaient une fois chaque deux mois. Un fait qui selon lui, est un indice sur un objectif voulu par les autorités saoudiennes.

Les propos d'Al- Haji coïncident avec les informations sur des séances tenues par le tribunal pénal dans les deux derniers semaines, pour plusieurs prêcheurs, notamment Salmane Al-Audi et Safar Al-Hawali.

Al-Haji estime que le régime saoudien se prépare à de nouvelles exécutions académiques, évoquant une longue liste de prisonniers politiques. Il précise que les situations juridiques de ces personnes varient selon le cas. Certains d'entre eux ont comparu devant la cour d'appel, d'autres devant la cour suprême, alors que certains détenus ont des affaires récentes et n'ont pas encore été jugés.

Selon les données d'Al-Haji, le nombre des peines capitales en Arabie saoudite est plus haut qu'on l'annonce. Il a toutefois mis en garde contre le fait que les détenus les plus menacés d'exécution sont Ali Al-Nimr, Abdallah Al-Zaher et Daoud Al-Marhoun, dont les verdicts ont été prononcés depuis une certaine période, mais l'exécution a été reportée en raison des pressions internationales.

Des procès aléatoires et des violations des droits des prisonniers

Ceux qui suivent de près la situation du droit dans le royaume, constatent que les détenus subissent une grande injustice lors des procès. Ils ne sont même pas écoutés ni leurs avocats.

Al-Haji bien expérimenté dans ce domaine affirme qu'il est difficile de collecter des informations sur les verdicts de peine de mort prononcés d'un moment à l'autre. Selon ses dires, les autorités indiquent dans leurs médias que des peines de mort ont été émises, mais sans annoncer les noms des personnes concernées. Ces derniers sont tous accusés de participer à des mouvements politiques.

L'avocat, qui a quitté le royaume suite à l'insistance de la justice saoudienne à opprimer les détenus, explique que certains verdicts sont émis avant même les actes d'accusation, notamment à l'encontre des détenus dans des affaires de la participation aux manifestations. Une participation jugée par les autorités comme une incitation et une provocation de l'opinion publique.

«Les procès des détenus politiques ont lieu dans la cour pénale consacrée aux affaires de terrorisme et de la sécurité de l'Etat. Un fait qui explique parfaitement comment le régime traite le manifestants pacifiques», ajoute-t-il.

Selon Al-Haji, les composantes du procès sont présentes: Un accusé, un avocat et un parquet général. Jusqu’à ce stade tout parait normal. Mais il affirme que ce n'est point la vérité, dans la mesure où ce qui a lieu durant les procès n'est qu'une mise en scène, où l'affaire est jugée avant même d'être débattue.

Dans la plupart des cas, les verdicts sont accompagnés de témoignages nommés des aveux légitimes. Cependant ces aveux sont tirés sous la torture.

Le dossier est soumis au juge après que le détenu ait été contraint à signer la version voulue par les autorités. Le juge lui pose alors une unique question: c'est ta signature? Avant de clôturer l'affaire au moment où l'accusé ignore la teneur du document signé.

Al-Haji note dans ce contexte qu'il avait toujours contesté les aveux sur lesquels se base le tribunal, dans une tentative de prouver qu'ils ont été tirés par la force et sous la torture. Il  ajoute cependant que le tribunal n'adopte point une attitude sérieuse face au recours en invalidation des aveux.

«Je réclamais des vidéos enregistrées lors des interrogatoires qui prouvent la torture subie par les détenus. Cependant, la cour ne contraint pas le parquet général de répondre à ma demande et prend à la légère les arguments de la défense», déplore-t-il.

En effet, les violations des droits des détenus sont permanentes, dans la mesure où les tribunaux n'autorisent pas au détenu de charger un avocat que lors du début des procès. De surcroît, le prisonnier est privé de la communication avec ses proches lors de la période des interrogatoires qui dure plus d’un an avant le début des procès.

«En certains cas, l'affaire est soumise au tribunal du terrorisme, puis à la cour pénale dans le même jour», affirme Al-Haji.

Et puisque la justice du royaume est dépourvue d'intégrité et de crédibilité, Al-Haji a décidé depuis plusieurs années de boycotter les cours saoudiennes, après avoir réalisé que l'avocat ne joue que le rôle du comparse, au service du pouvoir, notamment devant les médias occidentaux alors que le détenus n'en bénéficient point.

La douleur des oubliés dans les prisons

La situation dans les prisons est tragique, affirme Al-Haji. Selon ses anciennes observations et les informations qu'il obtient, c'est un autre monde dans les lieux de détention, même pas vu dans les films. Un monde barbare. Malgré ce fait, les autorités lancent une énorme campagne médiatique pour améliorer leur image et celle des lieux d'incarcération, dont les images diffusées lors de la Journée nationale, où un certain nombre de personnes réputées sont entrées dans des prisons pour y saluer les services.

«Les bâtiments sont modernes et bien équipés. Mais qu'en est-il des chambres de torture et des cellules individuelles? En plus des violations et abus en matière de traitement. Par exemple, Madame Nassima Al-Sada est incarcérée individuellement depuis plus d'un an, alors que des fuites ont indiqué que Loujeine Al-Hathoul a subi plusieurs des types horribles de torture et d'harcèlement», dénonce-t-il.

Il ajoute que certains prisonniers ont été tués dans les lieux de détention.

L'homme de droit saoudien affirme que tous les prisonniers subissent un dur traitement lors de la première période des interrogatoires, notant que les détenus politiques chiites sont privés d'exercer leurs rites religieux ou d'obtenir certains livres.

Al-Haji a fait état d'une grande distinction dans l'attitude adoptée à l'envers des prisonniers terroristes d'«Al-Qaëda» et de «Daech», qui suivent les programmes de formation (Mounassaha) et sont incarcérés quelques mois avant d'être libérés, après l'obtention de cadeaux en dépit de leurs crimes odieux.

«Ce programme n'englobe pas les chiites ou les prisonniers d'opinion», affirme-t-il.

La situation tragique des détenus a empiré durant le mandat de Ben Salmane, en dépit des allégations sur les réformes. Une image obscure qui pousse Al-Haji à prévoir de nouvelles atrocités de la part du pouvoir, d'autant plus qu'il poursuit des militants à l'étranger et exerce une forte pression sur leurs familles à l'intérieur du Royaume où il n'y a plus aucun opposant libre.

Traduit de l’Arabe ( original)

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