Des Saoudiennes poursuivies pour avoir « eu contact avec des journalistes et diplomates étrangers », déplore HRW
Par AlAhed avec agences
L'organisation Human Rights Watch (HRW) a déploré jeudi que des Saoudiennes soient poursuivies en justice simplement pour avoir défendu les droits des femmes et avoir pris contact avec des journalistes et diplomates étrangers.
Dans un communiqué, l'ONG a noté que pendant près d'un an ces femmes avaient été qualifiées d'« agents de l'étranger », mais que les accusations portées aujourd'hui contre elles « ne semblent retenir que leurs efforts pour promouvoir le droit des femmes ».
« Cela ne peut pas venir d'un gouvernement qui mène des réformes, comme le prétendent (le prince héritier) Mohammad ben Salmane et ses partisans », a souligné Michael Page, directeur adjoint de l'organisation pour le Moyen-Orient.
Le procès d'au moins dix militantes saoudiennes de la cause des femmes s'est ouvert le 13 mars devant un tribunal pénal de Riyad. Loujain al-Hathloul, Hatoon al-Fassi et Aziza al-Yousef figurent parmi ces militantes arrêtées il y a près d'un an, a déclaré le président de la cour Ibrahim al-Sayari à des journalistes et à des diplomates occidentaux, sans préciser les charges pesant contre elles. Seules les familles de ces femmes ont été autorisées à assister à l'audience.
Selon le communiqué de HRW, les militantes sont accusées d'avoir eu des contacts avec des journalistes étrangers basés et accrédités en Arabie saoudite, des diplomates et militants étrangers et des organisations internationales militant pour les droits de l'homme. Des accusations qui sont en contradiction avec ce que le prince héritier avait déclaré à Bloomberg en 2018 lorsqu'il avait assuré qu'aucune des femmes arrêtées ne serait poursuivie en justice pour être entrée en contact avec des journalistes et diplomates étrangers. « Elles sont poursuivies pour avoir communiqué avec des services secrets » étrangers, avait-il alors déclaré, ajoutant : « Nous avons des vidéos de certaines d'entre elles, nous pouvons vous les montrer ».
« S'il est illégal de partager des informations concernant les droits de la femme avec des journalistes et diplomates, alors la plupart des responsables saoudiens devrait être en prison à l'heure qu'il est », a dénoncé M. Page.
Plus d'une douzaine de militants avaient été arrêtés en mai 2018, un mois à peine avant la levée historique d'une mesure interdisant aux femmes de conduire en Arabie saoudite. La plupart de ces militants, qui ont défendu le droit des femmes à conduire ou demandé la levée du système de tutelle imposant aux femmes d'avoir la permission d'un parent masculin pour de nombreuses démarches, ont été accusés de porter atteinte aux intérêts nationaux et d'aider les « ennemis de l'Etat ». Certains ont été relâchés depuis.
Certaines militantes, dont Loujain al-Hathloul, ont été victimes de harcèlement sexuel et de torture pendant les interrogatoires, selon sa famille et des groupes de défense des droits humains. Ces accusations ont été rejetées par le gouvernement saoudien. Loujain al-Hathloul avait été déjà détenue pendant plus de 70 jours en 2014 pour avoir tenté d'entrer au volant d'une voiture en Arabie saoudite à partir des Emirats arabes unis.
La répression des militants des droits humains a entraîné de nombreuses critiques à l'international à l'égard de l'Arabie saoudite, dont l'image a été fortement ternie depuis l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en octobre dans l'enceinte du consulat saoudien à Istanbul. Le 7 mars, 36 pays ont condamné à l'ONU le meurtre du journaliste saoudien et réclamé à Riyad une enquête « rapide et approfondie » afin que les responsables soient jugés.