Omar al Moukhtar... Lion du désert
Les manifestations qui ont débuté en Tunisie et en Egypte entraînant le renversement des régimes au pouvoir, ont atteint la Libye où la scène semble plus sanglante qu'ailleurs. Au moins 233 personnes ont été tuées ces derniers jours par des mercenaires convoqués par le régime présidé depuis 42 ans par Mouamar Kadhafi, une figure qui représente la page noire de ce pays maghrébin. Cependant le peuple libyen évoque dans sa lutte qu'il mène aujourd'hui contre l'oppression et l'injustice une figure rayonnate de la Libye qu'est Omar Al-Mokhtar, le héros national qui représente l'icône de la résistance libyenne contre l’invasion italienne du début du XXème siècle.
La Naissance
C’est en 1862 qu'Omar Al-Mokhtar vit le jour en Libye, dans la ville de Janzour (à l'ouest de Tripoli). Son père, Mokhtar Ibnou Omar quitta cette vie lors de son pèlerinage à la Mecque. Cet événement marqua d’amertume la jeunesse du jeune Omar qui n’avait alors que 16 ans. Il étudia ensuite pendant huit ans à l’institut supérieur de la confrérie Sénoussiya à Giaraboub en Cyrénaïque (moitié Est de la Libye). Cette organisation religieuse libyenne assurait également des fonctions administratives et militaires. Omar enseigna au sein de la confrérie, mais avait aussi participé aux opérations militaires organisées contre les Italiens et les Alliés durant la Première Guerre Mondiale. Son comportement exemplaire lui valut la considération de ses maîtres et la confiance de ses supérieurs: en 1897, il devint cheikh de la mosquée Al-Okour.
Une résistance à toute épreuve
Lorsque les Italiens attaquèrent franchement la confrérie Sénoussiya au printemps 1923, Omar faisait partie des figures les plus compétentes et les plus actives en matière d’organisation et de coordination de la résistance. Ses qualités de politicien et de combattant lui permirent d’assumer le commandement des guérillas qui ont souvent désarçonné et confondu les forces italiennes officielles.
Dans la région montagneuse de Jabal Al-Akhdar (le Mont Vert), le gouverneur Mombelli réussit à organiser une armée antiguérilla qui infligea une âpre défaite aux rebelles en 1925. Omar modifia alors rapidement ses tactiques et put compter sur un soutien régulier provenant d’Egypte.
En mars 1927, malgré l’occupation de Giaraboub (depuis février 1926) et le renforcement de l’oppression sous le gouverneur Teruzzi, Omar réussit à surprendre les forces italiennes à Raheiba.
Suite à des échauffourées successives dans de divers endroits de la montagne, Omar fut contraint de se retirer. Entre 1927 et 1928, il réorganisa complètement les troupes sénoussites, sans cesse poursuivies par l’armée italienne. Le général Teruzzi reconnut malgré tout les qualités incomparables de Omar Al-Mokhtar en ces termes: « Une persévérance extraordinaire et une volonté ferme ».
L’administration coloniale tenta de soudoyer Omar Al-Mokhtar en lui proposant une coquette somme, mais Omar déclina cette proposition en répondant: « Notre foi profonde nous incite au Jihad ».
En janvier 1929, Pietro Badoglio le nouveau gouverneur, réussit à passer un compromis. Les sources italiennes décrivirent faussement cette situation comme un acte de soumission totale de la part de Omar, espérant abattre le moral de la résistance anticoloniale. À la fin du mois d’octobre de la même année, Omar dénonça cette trahison et rétablit une unité d’action parmi les forces libyennes, se préparant ainsi à l’ultime confrontation avec le général Rodolpho Graziani, en tête de l’armée depuis mars 1930. Ce dernier ne s’avouait pas vaincu après sa défaite lors d’une offensive massive en juin contre les forces de Omar: en accord avec Badoglio, De Bono (ministre des colonies) et Mussolini, il élabora un plan solide pour briser la résistance cyrénaïque. Leur stratagème consistait à transférer la population du Jabal (environ 100000 personnes) vers des camps de concentration sur la côte, l’idée étant de rompre toute solidarité de la part des habitants; et à fermer la frontière avec l’Egypte, le Tchad et le Soudan afin d’empêcher toute aide étrangère.
Sa capture
À partir du début de l’an 1931, les mesures prises par Graziani portèrent leurs fruits sur la résistance sénoussite. Les patriotes furent privés d’aide, espionnés, bombardés par la flotte aérienne italienne et poursuivis par les soldats coloniaux guidés par des informateurs locaux. Malgré ces difficultés et l’augmentation des risques, Omar continua courageusement à se battre. Mais, le 11 septembre 1931, il fut pris dans une embuscade. Il fit face à cette situation calmement et dignement, acceptant sa peine de mort en ces termes: « Nous venons de Dieu et vers Lui nous retournerons ».
Graziani lui proposa l’amnistie générale s’il incitait les militants à renoncer au combat. Bien évidemment, la conscience de cet homme de religion ne pouvait accepter une telle offre, il déclina cette proposition humiliante avec honneur. Sa résignation eut un impact sur ses geôliers qui affirmeront plus tard qu’ils furent bouleversés par sa constance. Ses bourreaux avoueront également que Omar les regardait dans les yeux et récitait des versets de paix tandis qu’ils l’interrogeaient en le torturant.
L’exécution de l’infatigable guérilléro eut lieu dans le camp de concentration de Solluqon, cinq jours plus tard. Sa mort suscita une grande indignation dans le monde arabe, où des manifestations populaires éclatèrent. La résistance libyenne perdit un de ses principaux piliers, ce qui influença la suite des évènements: le 24 janvier 1932, l’Italie déclarait l’occupation militaire de l’ensemble du territoire, après vingt ans de résistance opiniâtre. La Libye n’acquit son indépendance qu’après la Seconde Guerre Mondiale: elle fut proclamée « Royaume Uni de Libye » par l’ONU le 24 décembre 1951.
Son implacable adversaire, le général Graziani, a laissé cette description physique et morale, qui ne manque pas d’admiration: « De taille moyenne, robuste, avec une barbe, une moustache et des cheveux blancs. Omar était doté d’une intelligence vive et spontanée, instruit dans le domaine religieux. Il révélait un tempérament énergique et impétueux, généreux et intransigeant. À la fin, il était toujours aussi imprégné de religion, financièrement modeste, même s’il a été l’un des plus illustres personnages sénoussites».
Plus tard, l’auteur A. Del Boca dit de lui: «Omar n’est pas seulement un exemple de loyauté religieuse et un soldat-né, il est également l’instigateur de cette organisation politico-militaire, qui a réussi pendant dix ans à contenir des troupes menées par quatre gouverneurs successifs».
Le souvenir de cet héros national perdurera dans le cœur de tous les Libyens. Le 16 septembre demeure la journée de commémoration du martyr de Omar Al-Mokhtar. Un musée a vu le jour en son nom, exposant toutes les armes utilisées par les résistants. Même les billets de dix dinars affichent son effigie.
Moustapha Akkad lui rendit hommage en immortalisant les dernières années de sa vie dans son film intitulé «Le Lion du désert», sorti en 1981. Anthony Queen a incarné son personnage, laissant ainsi aux générations futures un exemple vivant de ce que sont la persévérance et la bravoure au service de l’amour du Tout-Puissant.
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