Bahreïn se dirige vers une «répression totale» des droits humains avec l’interdiction d’un parti d’opposition
La dissolution d’un des principaux partis politiques d’opposition de Bahreïn est la dernière mesure inquiétante prise dans le cadre de la campagne visant clairement à empêcher toute forme de critique du gouvernement, a déclaré Amnesty International.
La Société nationale pour l’action démocratique (Waad), un parti d’opposition laïc, a été dissoute le 31 mai en raison d’une déclaration publiée en février affirmant que Bahreïn traverse une «crise constitutionnelle et politique» dans un contexte de violations constantes des droits humains. Le parti a ensuite été poursuivi pour avoir «prôné la violence, soutenu le terrorisme et incité à la criminalité et au non-respect des lois».
«En interdisant les principaux partis politiques d’opposition, Bahreïn se dirige vers une répression totale des droits humains», a déclaré Lynn Maalouf, directrice des recherches au bureau régional d’Amnesty International à Beyrouth.
«La dissolution de Waad est une attaque flagrante contre la liberté d’expression et d’association. Cela montre encore une fois que les autorités n’ont aucunement l’intention de tenir leurs promesses de progrès en matière de droits humains.»
À la demande du ministère de la Justice, un tribunal de Bahreïn a ordonné la dissolution de Waad en raison d’une déclaration faite le 14 février 2017, à l’occasion de l’anniversaire du soulèvement de 2011 dans le pays, critiquant la Constitution de Bahreïn. Le tribunal a également ordonné la liquidation de ses actifs.
Le 6 mars, le ministère de la Justice a engagé des poursuites contre Waad pour violation de la Loi relative aux associations politiques. Le parti a d'abord pris connaissance des poursuites engagées contre lui par l’intermédiaire des médias, avant de recevoir une notification officielle le 7 mars.
Le parti est également poursuivi pour avoir soutenu le principal parti d’opposition Al Wefaq, qui a été dissous sur la base d’accusations sans fondement en juillet 2016 et dont le secrétaire général Sheikh Ali Salman a été emprisonné et est considéré comme un prisonnier d’opinion par Amnesty International.
Waad est également accusé d’avoir élu Ebrahim Sharif, un ancien prisonnier d’opinion, comme membre du Comité central du parti bien qu’il ait été «déchu de ses droits civils et politiques» lorsqu’il a été inculpé en 2011.
Le ministère de la Justice a accusé Waad de «promotion et d’incitation au terrorisme» après que le parti a condamné l’exécution de trois hommes le 15 janvier, qualifiant ces hommes ainsi que d’autres hommes morts ou tués par les forces de sécurité de «martyrs» en février.
«Les allégations du ministère de la Justice contre Waad et ses dirigeants sont sans fondement et absurdes», a déclaré Lynn Maalouf. «Leur seul "crime" est d’avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et d’association.»
Waad et ses dirigeants ont, à plusieurs reprises, fait part de leur opposition à la violence et de leur engagement à employer des moyens pacifiques, et ont nié les accusations portées contre eux. Le parti a également signé la Déclaration de principes de non-violence en 2012 et a plusieurs fois condamné les appels à la violence et les actes de violence contre les forces de sécurité. Ce n’est pas la première fois que le ministère de la Justice de Bahreïn engage, ou menace d’engager, des poursuites judiciaires contre Waad, dissout une association politique ou suspend ses activités. En août 2014, le ministre de la Justice avait engagé une procédure judiciaire contre Waad, car le parti avait élu Ebrahim Sharif comme secrétaire général en octobre 2012. Les poursuites avaient été abandonnées en novembre 2014 afin de réduire les tensions avant les élections prévues ce mois-là, et après que Waad eut accepté d’organiser de nouvelles élections internes.
Al Wefaq, le principal parti d’opposition de Bahreïn, a été dissous en juillet 2016, un mois après qu’un tribunal eut ordonné la suspension de ses activités, la fermeture de ses bureaux et de son siège, et la saisie de ses comptes et de ses actifs. Sheikh Ali Salman, le secrétaire général d’Al Wefaq, et Fadhel Abbas Mahdi Mohamed, ancien secrétaire général d’Al Wahdawi, une autre association politique, ont également été emprisonnés et sont considérés comme des prisonniers d’opinion.
La dissolution de Waad intervient dans un contexte de répression générale des droits humains qui s’est intensifiée depuis le début de l’année 2017. Dans le cadre de cette répression, Nabeel Rajab, défenseur des droits humains de premier plan et prisonnier d’opinion, fait l’objet d’un procès ; des modifications de la Constitution permettant de juger des civils devant des tribunaux militaires ont été approuvées ; l’Agence de sécurité nationale a de nouveau le pouvoir d’arrêter et d’interroger des personnes ; et des manifestants ont été victimes d’un recours excessif à la force.
Source : amnesty.fr