«J’ai honte d’être français et je suis déçu»: Interdits d’entrer à Paris, les agriculteurs repartent frustrés
Par AlAhed avec AFP
Les agriculteurs de la Coordination rurale (CR), deuxième syndicat agricole français, ont finalement battu en retraite lundi après-midi.
Les «bonnets jaunes» voulaient investir l’esplanade des Invalides avec leurs tracteurs et leurs remorques pour aller à la rencontre des Parisiens et leur expliquer leurs principales revendications.
Elles portent sur une diminution des normes et des contrôles en France ainsi que sur un alignement de la réglementation française sur celle des pays voisins en Europe, notamment dans l’utilisation des produits de traitement.
N’ayant pas reçu le feu vert de la place Beauvau pour entrer dans la capitale, plusieurs dizaines de manifestants sont restés bloqués dans une exploitation «amie» de l’Essonne.
Celle de Kevin Brouillard, un céréalier qui a les accueillis ce dimanche avec leurs tracteurs, camionnettes et voitures, venus principalement du Sud-Ouest.
Des gendarmes mobiles, équipés de quatre véhicules blindés Centaure, les ont encerclés pour les empêcher de sortir.
«Monsieur Retailleau a gagné, on le remercie d’avoir réprimé cette manifestation avec des moyens humains et matériels disproportionnés par rapport au nombre que nous étions», commente, désabusé, Pierre-Guillaume Mercadal, éleveur et porte-parole de la CR dans le Tarn-et-Garonne. «On nous a traités comme des chiens, on était coincés dans un hangar sans pouvoir bouger».
«Un hélicoptère a tourné au-dessus de nos têtes pendant toute la nuit comme si nous étions des délinquants», ajoute Patrick Legras, céréalier dans la Somme, porte-parole nationale de la CR.
La carte de la fermeté
Contrairement à son prédécesseur Gérald Darmanin, lors des manifestations agricoles de janvier dernier, Bruno Retailleau a donc préféré jouer la carte de la fermeté plutôt que celle du dialogue.
Au risque de susciter l’incompréhension parmi l’opinion publique, qui soutient largement la colère des paysans, au-delà de leur étiquette syndicale.
Une position plutôt inattendue de la part de cet élu LR d’un département rural, la Vendée, habitué aux rencontres et aux discussions avec les agriculteurs.
Officiellement, les manifestants de la CR étaient peu nombreux, «200 dans toute la France et une cinquantaine de tracteurs», selon la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard.
Parmi eux, une vingtaine d’agriculteurs de la CR sont parvenus à passer à travers les mailles du filet pour se retrouver sur l’esplanade des droits de l’homme, au Trocadéro, ce lundi en milieu de matinée.
La photo souvenir avait toutefois un goût amer.
«On ne peut pas faire un pas dans Paris sans être inquiété par la police, on a compris ce que voulait Bruno Retailleau, on va repartir dans nos fermes. J’ai honte d’être français et je suis déçu», note le secrétaire général de la CR, Christian Convers, éleveur en Haute-Savoie.
Toutefois, les agriculteurs de la CR n’auront pas tout perdu dans ce coup de communication organisé à Paris.
La médiatisation de leur rassemblement, pourtant plutôt confidentiel, pourra avoir son importance lors de la campagne pour les chambres d’agriculture, qui commence ce mardi.
Les élections, elles, auront lieu du 15 au 31 janvier prochain et leurs résultats détermineront les nouveaux rapports de force entre syndicats agricoles.
La CR espère ravir une quinzaine de chambres à l’hégémonique alliance FNSEA-Jeunes Agriculteurs.
Pour sa part, Véronique Le Floc’h, la présidente de la CR, était dans la Vienne ce lundi, avant son rendez-vous avec le Premier ministre François Bayrou, lundi 13 janvier prochain.
Elle battait la campagne dans l’un de ces trois départements tricolores où la CR détient la présidence de la chambre d’agriculture.