Emeutes en France: le gouvernement accroît sa pression sur les réseaux sociaux
Par AlAhed avec AFP
Après les émeutes provoquées par la mort de Nahel, le gouvernement a accru la pression sur les réseaux sociaux, accusés de relayer les violences, en faisant retirer des milliers de messages illicites et en suggérant même de restreindre leur fonctionnement, une démarche juridiquement compliquée.
Le gouvernement pourrait envisager de «suspendre des fonctionnalités» sur les réseaux sociaux en cas de nouvelles émeutes, a expliqué mercredi son porte-parole Olivier Véran, alors qu'Emmanuel Macron a même évoqué mardi soir la possibilité de les «couper», déclenchant un feu de critiques.
«Vous avez par exemple des fonctions de géolocalisation, sur certaines plateformes, qui permettent à des jeunes de se retrouver à tel endroit, en montrant des scènes, comment mettre le feu etc... C'est des appels à l'organisation de la haine dans l'espace public et là vous avez autorité pour pouvoir suspendre», a expliqué Olivier Véran.
La veille, devant quelque 300 maires de communes victimes de violences, Emmanuel Macron avait souhaité «une réflexion sur l'usage de ces réseaux chez les plus jeunes, dans les familles, à l'école, les interdictions qu'on doit mettre» et jugé que «quand les choses s'emballent pour un moment, (on peut) se dire: on se met peut-être en situation de les réguler ou de les couper», selon des propos rapportés par la presse et confirmés par l'Elysée.
Il n'a «à aucun moment dit qu'il envisageait de couper les réseaux dans le sens d’un black-out généralisé», il s'agit de «pouvoir ponctuellement et temporairement suspendre des réseaux sociaux», a précisé son entourage.
Les réactions n'ont pas tardé. «Couper les réseaux sociaux ? Comme la Chine, l’Iran, la Corée du Nord ?», a ironisé le président du groupe LR à l'Assemblée nationale, Olivier Marleix, sur Twitter.
«Ce serait renoncer à l’idée que la démocratie soit plus forte que les outils qu’on détourne contre elle. Ce serait une erreur», a aussi estimé le député du parti présidentiel Renaissance Eric Bothorel.
Milliers de messages retirés
Durant les émeutes, les ministères de l'Intérieur et de la Justice ont multiplié les réquisitions de retrait de contenus illicites auprès des grandes plateformes - Twitter, TikTok, Meta (Facebook et Instagram) et Snapchat -, dont les représentants avaient été convoqués vendredi par les ministres de l'Intérieur Gérald Darmanin et du Numérique Jean-Noël Barrot.
Les quatre réseaux sociaux ont très rapidement répondu à leurs demandes, parfois en moins d'une heure, et «retiré des milliers de contenus illicites et suspendu des centaines de comptes», s'est félicité le ministère délégué au Numérique mercredi.
Dans le viseur, les appels à la violence et les divulgations de données personnelles (de policiers, par exemple).
Les représentants de TikTok, Snapchat et Meta ont tous indiqué à l'AFP qu'ils effectuaient une modération proactive des contenus illicites et répondaient aux demandes de l'Etat.
Sur une régulation accrue des réseaux, cibles des critiques du gouvernement depuis une semaine, pour éviter «de réagir sous le coup de l'émotion», Jean-Noël Barrot a proposé mardi soir au Sénat la mise en place d'un groupe de travail sur les mesures à prendre en cas d'émeutes.
De nouvelles mesures pourraient donc cet été compléter le projet de loi visant à sécuriser le numérique, actuellement en discussion au Sénat.
Au nom de la liberté d'expression, la balance des droits reste cependant très favorable aux réseaux sociaux, qui ne font guère d'efforts de modération sauf dans les crimes et délits graves, a réagi Me Amélie Tripet, avocate du cabinet August Debouzy, interrogée par l'AFP.
«Suspendre les réseaux sociaux semble juridiquement impossible dans notre démocratie car même pour prévenir un risque avéré, une interdiction peut s'appliquer à un contenu mais pas au moyen de communication», selon elle.
Quant à suspendre le partage, «cela provoquerait sans doute un débat houleux, car cela pourrait signifier qu'il faudrait repérer et marquer un contenu pour limiter sa propagation».
Pour elle, «il faut voir les appels du gouvernement comme une pression toujours plus forte pour provoquer la collaboration active des plateformes», qui n'ont pas l'obligation de rechercher des contenus similaires à ceux qui leur ont été signalés, estime Me Tripet.