Violents combats à Khartoum à la veille d’un «triste» Aïd
Par AlAhed avec AFP
Les combats ont fait rage mardi à Khartoum entre les paramilitaires qui menacent de prendre la ville et l'armée qui appelle désormais tous les jeunes du Soudan à s'engager sous les drapeaux, à la veille de la fête musulmane de l'Aïd al-Adha.
Dans la capitale, les combats entre l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo se concentrent désormais autour des bases militaires.
Les FSR sont, depuis le début de la guerre le 15 avril, présentes en masse dans les quartiers résidentiels où elles avaient établi de longue date leurs bases. L'armée, elle, tente de jouer de son principal atout: les airs, qu'elle contrôle seule, sans que son infanterie ne parvienne à prendre pied dans l'immense ville traversée par deux bras du Nil.
Depuis plusieurs jours, les FSR tentent de prendre les dernières bases de l'armée dans la capitale où se terrent encore des millions d'habitants --près d'un million et demi sont partis, fuyant les balles perdues et les coupures d'eau et d'électricité sous une chaleur harassante.
Les FSR ont pris le QG de la police et son immense arsenal dans le sud de Khartoum et mardi, elles ont harcelé l'armée sur des bases dans le centre, le nord et le sud de Khartoum, ont rapporté des habitants à l'AFP.
Sous les tirs, Mawaheb Omar, terrée chez elle avec ses quatre enfants, raconte à l'AFP une fête de l'Aïd qui s'annonce «misérable et sans saveur: on ne peut même pas acheter de mouton».
L'Aïd al-Adha est la plus grande fête du calendrier musulman, au cours de laquelle les fidèles doivent sacrifier un animal à la mémoire d'Abraham qui, selon la tradition, avait immolé un mouton in extremis à la place de son fils Ismaïl.
Pillages
A l'occasion de l'Aïd, les deux généraux en guerre se sont fendus d'un message à la nation. Le général Burhane pour appeler à la télévision d'Etat «tous les jeunes du pays et tous ceux qui peuvent le défendre à ne pas hésiter à le faire (...) ou à rejoindre les unités militaires».
Et le général Daglo pour répondre dans un enregistrement vocal mis en ligne aux accusations de «crimes contre l'humanité» de l'ONU et de guerre «ethnique» au Darfour (ouest), où ses anciens miliciens sont accusés d'atrocités dans la sanglante guerre lancée en 2003.
Mardi, de nouveau, la Troïka pour le Soudan --Norvège, Etats-Unis et Grande-Bretagne-- a dénoncé des «violations des droits humains, violences sexuelles et violences à dimension ethnique, attribuées globalement aux FSR et à leurs milices alliées».
Le patron des paramilitaires a promis «des actions rapides et strictes» à l'encontre de ses hommes qui ont mené de telles exactions, alors que les FSR assurent avoir commencer à juger certains membres «indisciplinés».
Ils ont aussi annoncé libérer «100 (soldats) prisonniers de guerre». Depuis le début du conflit, les deux camps not échangé plusieurs fois des otages via la Croix-Rouge sans jamais préciser le nombre de prisonniers qu'ils détiennent encore.
Le général Daglo, lui-même issu d'une tribu arabe du Darfour, a appelé à «éviter de plonger dans la guerre civile» cette région riche en or où vit plus du quart des Soudanais. Le général Burhane, lui, y a dénoncé, comme de nombreux habitants des ethnies non-arabes, un «génocide» des FSR.
Nouveaux fronts
En difficulté à Khartoum, l'armée doit faire face à de nouveaux fronts: un groupe rebelle l'attaque désormais au Kordofan, au sud de Khartoum, et dans le Nil Bleu, frontalier de l'Ethiopie.
La mission de l'ONU au Soudan, qui a retiré la quasi-totalité de son personnel du pays au début de la guerre, s'est dite «très inquiète» de la violence à Kurmuk, localité du Nil Bleu, d'où «des centaines de civils ont fui vers l'Ethiopie».
En tout, plus de deux millions de personnes ont été déplacées au Soudan depuis le 15 avril, tandis que 600.000 autres ont fui le pays, principalement vers l'Egypte au nord et le Tchad à l'ouest.
L'ONU et les humanitaires disent manquer de fonds et mettent en garde: la saison des pluies, de juin à septembre, met grandement en péril leur capacité d'action alors que 25 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire pour survivre.
Et avec les pluies viennent les épidémies de paludisme, de choléra et de dengue.