Soudan: les combats font rage malgré la trêve, l’ONU réclame une aide de 402 millions d’euros
Par AlAhed avec AFP
Les combats font rage vendredi au Soudan où l'armée et les paramilitaires en guerre pour le pouvoir font fi d'une promesse de trêve et des menaces de sanctions américaines.
Pour le vingt-et-unième jour, les cinq millions d'habitants de Khartoum ont été réveillés par frappes aériennes et tirs de mitrailleuse, ont raconté des témoins à l'AFP.
Les combats entre l'armée, sous le commandement du général Abdel Fattah al-Burhane, et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, ont fait depuis le 15 avril environ 700 morts, selon l'ONG ACLED qui recense les victimes de conflits.
Le président américain Joe Biden a haussé le ton jeudi: «la tragédie (...) doit cesser», a-t-il plaidé, en agitant la menace de sanctions contre «les individus qui menacent la paix», sans toutefois nommer personne.
Le pays de 45 millions d'habitants n'est sorti qu'en 2020 de deux décennies de sanctions américaines imposées à la dictature du général Omar el-Béchir, renversé par l'armée sous la pression de la rue en 2019.
Avec leur putsch de 2021, les généraux Burhane et Dagalo avaient évincé ensemble les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute de Omar el-Bachir. Mais ils se sont divisés sur l'intégration des FSR dans l'armée.
Depuis, rien ne semble pouvoir réconcilier les deux hommes qui s'accusent mutuellement de violer les trêves successives.
Mardi, le président du Soudan du Sud voisin, Salva Kiir, annonçait avoir décroché un «accord de principe» pour une trêve jusqu'à jeudi.
Conflit «prolongé»
Mais, pour la directrice du renseignement américain Avril Haines, il faut s'attendre à un conflit «prolongé» parce que «les deux camps pensent pouvoir l'emporter militairement et ont peu de raisons de venir à la table des négociations».
«A chaque minute de guerre en plus, des gens meurent ou sont jetés dans les rues, la société se désagrège et l'Etat se décompose», a déploré Khalid Omar Youssef, ancien ministre civil limogé lors du putsch.
Les combats ont fait plus de 5.000 blessés, déplacé au moins 335.000 personnes et ont poussé 115.000 autres à l'exil, selon l'ONU, qui réclame 402 millions d'euros pour aider le pays, l'un des plus pauvres au monde.
L'ONU prévient que 860.000 personnes, des Soudanais mais également de nombreux Sud-Soudanais retournant dans leur pays, pourraient traverser les frontières ces prochains mois.
«Plus de 50.000 personnes avaient traversé le 3 mai» vers l'Egypte, selon l'ONU, «plus de 11.000» vers l'Ethiopie et «30.000 vers le Tchad».
Le patron de l'ONU Antonio Guterres a jugé «absolument essentiel» que la crise ne déborde pas des frontières.
Au Darfour, dans l'ouest frontalier du Tchad, des civils ont été armés pour participer aux affrontements mêlant militaires, paramilitaires et combattants tribaux ou rebelles, selon l'ONU.
«Solutions africaines»
L'ONG Norwegian Refugee Council (NRC), dont les locaux ont été pillés, dénombre «au moins 191 morts, des dizaines d'habitations incendiées et des milliers de déplacés» dans cette région ravagée dans les années 2000 par un conflit qui a fait environ 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés selon l'ONU.
Des témoins ont rapporté jeudi des combats à El-Obeid, à 300 km au sud de la capitale.
Dans la ville côtière de Port-Soudan épargnée par la violence, 30 tonnes supplémentaires d'aide sont arrivées vendredi.
L'ONU et de plus en plus d'ONG tentent de négocier l'acheminement de ces cargaisons vers Khartoum et le Darfour où hôpitaux et stocks humanitaires ont été pillés et bombardés.
Alors que les canaux diplomatiques se multiplient en Afrique et au Moyen-Orient, l'armée a plaidé pour «des solutions africaines aux problèmes du continent», tout en saluant la médiation américano-saoudienne.
L'émissaire du général Burhane était jeudi à Addis Abeba.
Le Caire a annoncé avoir eu au téléphone les deux généraux rivaux.
Dimanche, les ministres arabes des Affaires étrangères se réuniront autour du «dossier soudanais», dans lequel ils soutiennent des camps différents, a indiqué un haut diplomate à l'AFP.
L'armée s'est engagée à «nommer un émissaire pour négocier une trêve» avec le camp rival, sous l'égide «des présidents sud-soudanais, kényan et djiboutien», dans un pays qui doit encore être déterminé.
Les FSR, eux, disent seulement avoir accepté trois jours de trêve --et non une semaine--, et parler avec une longue liste de pays et d'organisations.