Soudan: un Aïd-el-Fitr sous les bombes, les affrontements ont déjà fait plus de 400 morts
Par AlAhed avec AFP
Les violents affrontements se poursuivent au Soudan, vendredi 21 avril, au septième jour des combats entre l’armée régulière et les paramilitaires, en dépit de multiples appels au cessez-le-feu, alors que de nombreux habitants célèbrent l’Aïd-el-Fitr, marquant la fin du mois de ramadan.
A cette heure, «413 personnes sont mortes et 3 551 personnes ont été blessées», a annoncé une porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé, Margaret Harris, lors d’un point presse à Genève.
Un porte-parole de l’Unicef, James Elder, a lui précisé qu’«au moins 9 enfants ont été tués dans les combats, et plus de 50 enfants auraient été blessés».
Des tirs et raids aériens ont secoué la capitale Khartoum dans la nuit de jeudi à vendredi, puis dans la matinée, comme c’est le cas quotidiennement depuis le 15 avril et le début de ces affrontements, principalement concentrés à Khartoum et la région du Darfour, dans l’ouest du pays.
Les contacts diplomatiques se sont pourtant intensifiés depuis jeudi: le général Abdel Fattah Al-Bourhane, chef de l’armée et chef de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, a annoncé avoir été contacté par des dirigeants régionaux, notamment sud-soudanais ou éthiopiens et internationaux, en particulier le patron de l’ONU, Antonio Guterres, et le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken.
Annonce d’une trêve de 72 heures non suivie d’effets
Tous ont plaidé pour un arrêt des combats contre les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Daglo, son numéro deux depuis le putsch, pour la fin du jeûne du mois de ramadan.
Les FSR elles-mêmes ont annoncé «leur accord pour une trêve de 72 heures» à 6 heures heure locale (6 heures également à Paris), pour donner un répit aux Soudanais toujours pris sous les feux croisés. Mais, comme c’est le cas chaque fois depuis plusieurs jours, ces annonces n’ont pas été suivies d’effet.
Au même moment, le général Bourhane apparaissait pour la première fois depuis le début des hostilités le 15 avril à la télévision d’Etat.
Comme les années précédentes, il s’est adressé à la nation pour l’Aïd-el-Fitr, sans jamais mentionner une quelconque trêve.
«Pour l’Aïd cette année, notre pays saigne: la destruction, la désolation et le bruit des balles ont pris le pas sur la joie», a-t-il déclaré, avant d’ajouter: «Nous espérons que nous sortirons de cette épreuve plus unis (…) une seule armée, un seul peuple (…) vers un pouvoir civil».
Jusqu’ici, comme son rival, le général Daglo, il ne s’était pas adressé directement aux 45 millions de Soudanais.
Inquiétude de la communauté internationale
Pour tenter de faire cesser les combats, les consultations diplomatiques s’intensifient de leur côté, sur fond d’inquiétude croissante de la communauté internationale.
Après une réunion avec le président de l’Union africaine et d’autres dirigeants internationaux, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a notamment appelé jeudi les deux généraux rivaux pour tenter une nouvelle fois de négocier une pause dans les combats.
Au même moment, les Etats-Unis annonçaient dépêcher des militaires au Soudan disant vouloir faciliter une éventuelle évacuation de leur ambassade, alors que l’aéroport est fermé depuis samedi et que les chancelleries appellent leurs ressortissants à se signaler tout en évitant tout déplacement.
Le ministre des affaires étrangères britannique James Cleverly a, lui, écourté son déplacement de plusieurs jours en Asie-Pacifique «à cause de la situation au Soudan», a-t-il fait savoir vendredi dans une déclaration écrite, alors qu’il se trouvait en Nouvelle-Zélande.
Sur Twitter, M. Cleverly a également déclaré jeudi soir avoir échangé avec son homologue française Catherine Colonna, un entretien durant lequel ils ont évoqué «leur inquiétude partagée pour les citoyens britanniques et français au Soudan».
10 000 à 20 000 personnes ont fui le pays pour le Tchad
Khartoum entame, elle, vendredi, une septième journée sous le fracas des raids aériens, des explosions et des combats de rue.
Ces tirs incessants ont fortement endommagé de nouveaux hôpitaux jeudi, rapporte le syndicat des médecins.
Quatre d’entre eux ont été touchés à El-Obeid, à 350 kilomètres au sud de Khartoum.
Dans la capitale, de nombreuses familles ont épuisé leurs dernières victuailles et n’ont plus ni électricité ni eau courante.
Le réseau téléphonique, lui, ne fonctionne plus que par intermittence.
Depuis que la lutte de pouvoir, latente depuis des semaines entre les deux généraux, s’est transformée en bataille rangée, femmes et enfants, majoritairement, se pressent sur les routes pour fuir, entre check-points des FSR et de l’armée et cadavres qui jonchent les bords de route.
Ce sont entre 10 000 à 20 000 civils qui sont ainsi passés vers le Tchad voisin, selon l’ONU.
Les humanitaires ont de leur côté pour la plupart été forcés de suspendre leur aide après que trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués au déclenchement des affrontements.
Du côté des belligérants, chaque camp multiplie les annonces de victoire et s’accuse mutuellement, des affirmations impossibles à vérifier sur le terrain tant le danger est permanent.