Tunisie : le chef d’Ennahdha et opposant Rached Ghannouchi placé sous mandat de dépôt
Par AlAhed avec agences
Le chef du parti islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, principal opposant au président Kaïs Saïed en Tunisie, a été placé sous mandat de dépôt, a annoncé jeudi sa formation, en dénonçant sur sa page Facebook un «emprisonnement injuste».
Il avait été interpellé lundi soir après des déclarations dans lesquelles il avait affirmé que la Tunisie serait menacée d'une «guerre civile» si les partis de gauche ou ceux issus de l'islam politique comme Ennahdha, y étaient éliminés. Son arrestation avait été critiquée par l'Union européenne et les États-Unis notamment.
«Escalade inquiétante»
Selon l'avocat Mokhtar Jemai qui intervenait sur une radio privée, un juge d'instruction a décidé d'émettre un mandat de dépôt et de placer en détention le chef islamiste de 81 ans à l'issue d'un interrogatoire de plus de 9 heures avec pour motif l'incitation à la guerre civile.
Dans son communiqué, Ennahdha a rejeté toute intention du chef du parti d'appeler à la guerre civile, disant «condamner fermement une décision injuste qui a pour but de couvrir l'échec total du pouvoir à améliorer les conditions économiques des citoyens». Ennahdha a décrit Rached Ghannouchi comme «un symbole national qui a passé le plus clair de sa vie à résister à la dictature à travers une lutte pacifique».
Rached Ghannouchi est l'opposant le plus en vue à être arrêté depuis le coup de force du président Kais Saied qui s'est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021. Selon les médias, cinq hauts responsables de Ennahdha interpellés au même moment que lui ont été remis en liberté par la justice tunisienne.
Les Etats-Unis ont dénoncé mercredi soir «une escalade inquiétante» en Tunisie, après l'incarcération d'une vingtaine d'opposants et aussi de personnalités dont des hommes d'affaires et le directeur de la radio la plus écoutée du pays, Radio Mosaïque, depuis début février. «Les arrestations par le gouvernement tunisien d'opposants et de critiques sont fondamentalement contraires aux principes que les Tunisiens ont adoptés dans une Constitution qui garantit la liberté d'opinion, de pensée et d'expression», a affirmé le département d'Etat américain.
L'Union européenne avait exprimé sa grande «inquiétude» dès mardi après l'interpellation de Rached Ghannouchi en rappelant l'importance du «principe fondamental du pluralisme politique». La France avait pour sa part noté que cette interpellation «s'inscrit dans une vague d'arrestations préoccupantes», rappelant son «attachement à la liberté d'expression et au respect de l'état de droit». Tunis a rejeté fortement ces critiques mercredi soir, les qualifiant «d'ingérence inacceptable» et en assurant que «les lois de la République s'appliquent à tous les justiciables sans exception».