Changement climatique : La France et la Suisse devant la CEDH pour inactions, une première
Par AlAhed avec AFP
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) examine mercredi deux requêtes liées au changement climatique visant la France et la Suisse, accusées de ne pas agir suffisamment contre ses effets. Des retraitées suisses dénoncent les conséquences du réchauffement climatique sur leur santé, tandis que Paris est poursuivi par l’ancien maire d’une commune du Nord menacée par la montée des eaux.
C’est la première fois que la CEDH, qui siège à Strasbourg, se penche en audience publique sur des requêtes climatiques, après une multiplication d’actions en justice au niveau national. En 2019, la Cour suprême des Pays-Bas avait ordonné au gouvernement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25 % d’ici 2020, après la plainte d’une association écologiste.
En 2021, le tribunal administratif de Paris avait condamné l’Etat à «réparer» les conséquences de ses manquements en matière de lutte contre le réchauffement climatique, donnant raison à un collectif de quatre ONG réunies sous la bannière «l’Affaire du siècle» et soutenues par une pétition de plus de 2,3 millions de citoyens. Mercredi, la CEDH commencera par étudier le dossier suisse à 09h15, suivi par le cas français à 14h15. La Cour ne devrait pas rendre ses décisions avant plusieurs mois.
«Historique»
«C’est un événement historique», estime Anne Mahrer, 64 ans, l’une des porte-paroles de l’association «Les Aînées pour la protection du climat suisse». Soutenue par Greenpeace Suisse, cette association compte plus de 2.000 membres, de 73 ans de moyenne d’âge, dont une cinquantaine fera le déplacement à Strasbourg, a indiqué Mahrer à l’AFP.
Depuis 20 ans, «tous les rapports montrent que tout le monde est touché» par le réchauffement climatique, et «les femmes âgées» sont «particulièrement vulnérables en termes cardiovasculaires ou respiratoires», soutient cette ancienne députée écologiste. Devant la CEDH, son association entend invoquer plusieurs violations d’articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, notamment celui garantissant le droit à la vie.
«Inaction climatique»
Le second dossier examiné est une requête de l’ancien maire de Grande-Synthe (Nord), Damien Carême, aujourd’hui député européen Europe Écologie-Les Verts (EELV). En 2019, il avait, en son nom propre et en tant que maire, saisi le Conseil d’Etat pour «inaction climatique», estimant que sa commune, située sur le littoral, était menacée de submersion.
La plus haute juridiction administrative avait donné raison en juillet 2021 à la commune, laissant neuf mois à la France pour «prendre toutes mesures utiles» afin d’infléchir «la courbe des émissions de gaz à effet de serre» pour respecter les objectifs de l’accord de Paris (-40 % d'ici 2030 par rapport à 1990). La requête de Carême en son nom propre avait en revanche été rejetée et il avait saisi la CEDH.
L’eurodéputé de 62 ans soutient que la «carence» de la France vis-à-vis de ses objectifs le touche «directement» puisqu’elle «augmente les risques que son domicile soit affecté» par la montée des eaux, indique la Cour dans un communiqué. «L’enjeu est extrêmement important», a dit à l’AFP l’ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage, avocate de Carême. Si la CEDH lui donne raison, «cette jurisprudence s’appliquerait dans tous les Etats du conseil de l’Europe et potentiellement dans tous les Etats du monde».