Retraites: La violence monte d’un cran en France lors des manifestations
Par AlAhed avec agences
Canons à eau et centre-ville noyé sous les gaz lacrymogènes à Rennes (ouest), dégradations et affrontements à Paris: les manifestations contre la très contestée réforme des retraites ont connu jeudi un regain de tensions dans plusieurs villes de France.
Sporadiques depuis le début de la mobilisation le 19 janvier, les violences ont ressurgi parfois spectaculairement, monopolisant à nouveau l’antenne des chaînes de télévision et ravivant les souvenirs du mouvement populaire des «gilets jaunes» en 2018/2019.
Selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, 123 gendarmes et policiers ont été blessés au cours des incidents et plus de 80 personnes interpellées.
La première ministre Elisabeth Borne a jugé jeudi soir «inacceptables» les «violences et dégradations» dans ces manifestations.
«Manifester et faire entendre des désaccords est un droit. Les violences et dégradations auxquelles nous avons assisté aujourd’hui sont inacceptables», a-t-elle écrit sur Twitter.
À Paris, où la préfecture de police a dénombré «environ un millier» d’éléments radicaux, dans l’ouest et le nord du pays, ou encore à Toulouse (sud), cette 9e journée de mobilisation intersyndicale a dessiné une carte de France des tensions, où ne figure pas le pourtour méditerranéen et notamment Marseille, dont la mobilisation record selon les syndicats (280 000) tranche avec le chiffrage de la préfecture (16 000).
À Paris, des violences ont éclaté en tête de la manifestation avec son lot de vitrines brisées et de mobilier urbain détruit. A rebours d’un cortège où la grande majorité des manifestants a défilé pacifiquement.
Tout au long du défilé, des personnes vêtues de noir et équipées de masques et lunettes ont dégradé plusieurs supérettes, restaurants-minute et banques, selon les journalistes de l’AFP.
Des incidents étaient toujours en cours en début de soirée, avec notamment des poubelles et des kiosques à journaux incendiés.
«Scènes de chaos»
À Rouen (nord-ouest), une manifestante d’une trentaine d’années, qui travaille avec des enfants handicapés, a eu un pouce arraché selon une députée de la gauche radicale, Alma Dufour, qui met en cause l’usage d’une grenade de désencerclement par les forces de l’ordre.
À Nantes, des manifestants se sont introduits dans le tribunal administratif, saccageant l’accueil et brisant vitres et portes. Plusieurs commerces ont été dégradés.
À Lorient, le commissariat et les forces de l’ordre ont été pris pour cibles par des manifestants, en grande partie des jeunes au visage dissimulé. Des vitres du bâtiment ont été cassées par des jets de projectiles.
À Rennes, au lendemain d’une journée d’heures entre marins-pêcheurs et forces de l’ordre, des tirs de grenades lacrymogènes ont répondu aux jets de projectiles et feux de poubelles, plongeant le cortège de l’intersyndicale, pris en étau, dans un épais nuage de fumée âcre. La maire Nathalie Appéré s’est émue de «scènes de chaos».
Le ministre de l’Intérieur a dénoncé d’«inacceptables attaques». Face à la montée de la radicalisation, il avait annoncé la mobilisation de 12 000 policiers et gendarmes jeudi, dont 5 000 à Paris.
«C’est plus tendu depuis les manifestations sauvages, depuis vendredi. Avant, le cortège passait, c’était calme. Mais là depuis quelques jours, il y a des poubelles qui brûlent, des gaz lacrymogènes. Les manifestants sont sur les dents, les policiers aussi, et ils sont plus nombreux aussi», a témoigné un commerçant de Strasbourg (est) préférant garder l’anonymat.
Jusque-là plus timide — tant le sujet des retraites peut sembler éloigné de leurs préoccupations—, la mobilisation de la jeunesse s’est renforcée depuis une semaine. Les raisons de cette évolution? Le recours au 49.3 qui a permis l’adoption de la réforme sans vote, les images de violences policières ou les dernières prises de parole du président Emmanuel Macron, qui a estimé que la «foule» n’avait «pas de légitimité» face au peuple représenté par ses élus, selon les témoignages recueillis dans les cortèges.
Peu avant le départ de la manifestation parisienne, le secrétaire général du syndicat modéré CFDT Laurent Berger avait appelé «à la non-violence». Son homologue de la CGT Philippe Martinez avait estimé de son côté qu’Emmanuel Macron avait «jeté un bidon d’essence sur le feu», rappelant que les syndicats lui avaient écrit pour l’alerter sur la «situation explosive» du pays.
Les incidents ont été dénoncés par la droite, à l’instar du président du parti Les républicains Eric Ciotti fustigeant des «nervis (qui) veulent la terreur».
À l’inverse, la gauche a souligné l’ampleur de la mobilisation sociale, «la plus grande depuis mai 1968» pour le leader de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon.