Les Allemands divisés sur l’envoi d’avions de combat en Ukraine
Par AlAhed avec sites web
Réputé pour son flegme à toute épreuve, Olaf Scholz a failli sortir de ses gonds: «Il est temps de mener un débat sérieux, et pas d'entrer en compétition dans la surenchère», a-t-il sèchement opposé à ceux qui le pressent maintenant de livrer des avions de combat à l'Ukraine.
Le chancelier allemand a voulu ainsi écraser dans l'œuf le nouveau débat qui est en train d'enflammer l'Allemagne. À peine vient-il d'autoriser la livraison de chars de combat Leopard 2 à l'Ukraine que la pression monte pour que l'Allemagne passe à l'étape suivante: la livraison d'avions de combat.
Il y a une semaine, quand il annonçait au Bundestag sa décision de fournir des Leopard 2 à Kiev, Olaf Scholz avait bien pris soin de préciser les limites que l'Allemagne s'était fixées: pas de livraison d'avions de combat et pas de participation directe au sol de troupes de l'Otan dans la guerre en Ukraine. À ceux qui remettent en doute la solidarité de l'Allemagne, il rappelait qu'avec les États-Unis et la Grande-Bretagne l'Allemagne est le plus grand fournisseur d'armes à l'Ukraine.
F-16 ou MIG-29
Après des mois de débat intense et de tergiversations très critiquées par la presse allemande, Olaf Scholz avait donc fini par trancher. Mais le prochain débat est déjà amorcé. Volodymyr Zelensky réclame maintenant à Berlin et à Washington des avions de combat. Il ne cesse de rappeler que «le temps presse».
Christoph Heusgen, président de la Conférence de Munich sur la sécurité, a clairement pris position pour la livraison d'avions de combat à l'Ukraine. Cet ancien conseiller d'Angela Merkel sur les questions de politique étrangère estime que cette option serait «adéquate» pour «mieux protéger l'Ukraine contre de nouvelles attaques russes». Deux avions entrent en ligne de compte: les F-16 américains – Joe Biden a déjà fermement dit non à cette option – et les MIG-29, avions de fabrication soviétique, tels ceux dont dispose la Pologne, membre de l'Otan.
Et voilà l'Allemagne de nouveau au cœur de la controverse qui s'amorce: les 22 avions de chasse MIG-29 que la Pologne aimerait exporter vers l'Ukraine appartenaient, à l'origine, à l'Allemagne. Ces avions, de fabrication russe, faisaient partie de l'arsenal de la NVA, l'armée de l'ancienne RDA.
Après la chute du Mur, en 1989, et l'unification, en 1990, la NVA est dissoute. Une partie de ses troupes et de son matériel est intégrée dans la Bundeswehr, l'armée de l'Allemagne de l'Ouest. C'est le cas d'une vingtaine de MIG-29, l'avion de chasse le plus performant de feu le pacte de Varsovie.
Les MIG-29 sont récupérés par la Luftwaffe, l'armée de l'air ouest-allemande. En septembre 2003, Berlin décide de vendre 22 MIG-29 à la Pologne pour la somme symbolique d'un euro par avion. L'Allemagne n'en garde qu'un exemplaire. Il est exposé au musée de la Luftwaffe, à Gatow, près de Berlin.
Va-t-on assister à un débat similaire à celui qui a eu lieu autour des Leopard 2? Pour pouvoir exporter à l'Ukraine ces chars de combat de fabrication allemande, Varsovie a eu besoin de l'aval de Berlin. L'Allemagne, ancienne propriétaire de ces 22 MIG-29, devra donner son feu vert une fois encore.
La peur de l'escalade
«Chaque fois qu'il s'agit de livrer de nouvelles armes à l'Ukraine, ce sont les États-Unis et l'Allemagne qui sont au centre du débat», faisait remarquer un éditorialiste. Pour le moment, l'opinion publique allemande est encore favorable à la livraison d'armes. Mais elle est aussi très inquiète.
Olaf Scholz, très critiqué par la presse pour sa lenteur à agir et son mutisme, prend bien soin de rassurer ses compatriotes: «Quand il s'agit d'une question aussi importante que les armes, il faut peser le pour et le contre de façon rationnelle». Le chancelier et son nouveau ministre de la Défense, Boris Pistorius, redoutent avant tout une escalade du conflit qui mènerait, dit Olaf Scholz, à «une guerre entre l'Otan et la Russie».
Si, en Allemagne, une grande majorité de la classe politique s'oppose à la livraison d'avions de combat, certaines voix se sont déjà élevées pour aller plus loin dans le soutien à l'Ukraine. Au sein du SPD, le propre parti du chancelier, certains veulent se laisser la possibilité d'aller plus loin dans le soutien à l'Ukraine si le conflit continue de s'envenimer.
La présidente du Parti social-démocrate, Saskia Esken, estime que la décision de fournir des avions de combat dépend de la situation dans laquelle on se trouve et elle refuse, à l'heure actuelle, de repousser catégoriquement cette option.
Même dissonance au sein du petit Parti libéral-démocrate (FDP), membre de la coalition au pouvoir. Si les grands ténors du parti, en particulier Marie-Agnes Strack-Zimmermann, la présidente de la commission de la Défense du Bundestag, se sont prononcés contre l'envoi d'avions de chasse en Ukraine, d'autres libéraux refusent qu'une décision définitive soit prise en l'état actuel des choses.